« Le Notariat tchadien est constitué de jeunes dynamiques (…) qui veulent vraiment asseoir un notariat digne de ce nom », Me Djomia Germain

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Africa-PressTchad. Au cours d’une grande interview accordée à Tchadinfos, le Président de la Chambre nationale des notaires du Tchad, Me Djomia Germain, qui est aussi Vice-président de la commission des affaires africaines depuis 2019, a étalé les forces et faiblesses du Notariat tchadien.
Tchadinfos : Me Djomia Germain, comment se porte le notariat tchadien ?

Me Djomia : le notariat tchadien se porte bien, malgré certaines difficultés. Il y a des difficultés mais aussi des forces. La force est que le notariat tchadien est constitué de jeunes dynamiques, qui ont l’esprit d’innovation, et qui veulent vraiment asseoir un notariat ayant les qualités d’un notariat digne de ce nom.

Ce qui me plaît aussi dans notre corporation est que, quand il s’agit de l’intérêt de la profession, nous sommes unanimes. C’est vrai que, comme dans toutes corporations, il y a des humeurs, des mal compréhensions, mais quand il s’agit de l’intérêt général de la profession, on est tous uni.

Notre force aussi est qu’il y a une bonne collaboration avec les autorités qui sont attentives à nos doléances. Elles réagissent assez promptement quand nous leurs donnons les avis.

Quelles sont alors vos faiblesses ?

En ce qui concerne nos faiblesses, c’est que la profession du notaire n’est pas très connue dans la population. Or nous pouvons faire beaucoup de choses. En dehors de la constitution des sociétés, en dehors de la vente immobilière, il y a bien d’autres actes que le notaire pose mais que les gens ne comprennent pas. Donc c’est un défi que nous devons relever en faisant connaître le rôle du notaire par la population.

Autre difficulté que nous éprouvons aussi dans la profession c’est la concurrence que nous font certaines institutions par rapport aux actes qui relèvent du monopole du notaire. Les actes de constitution de société par exemple, les actes de cession immobilière, les contrats des mariages, etc., ce sont des actes qui relèvent uniquement de la compétence du notaire mais il y a d’autres institutions qui veulent aussi constituer les mêmes actes que nous.

Nous faisons aussi face aux faux. Nous autres, nous avons étudié pendant longtemps, on a eu des diplômes supérieurs et universitaires, on a fait un très long stage, on a attendu longtemps d’être nommé. Mais il y en a qui, tout tranquillement, vont se faire fabriquer des cachets dans les quartiers, et ils légalisent à notre insu. Donc ces gens-là je suis en train de les traquer. Certains sont déjà en prison pour faux en écriture public. Et je suis sur la piste de certains autres.

De quelles manières certaines institutions vous font-elles la concurrence ?

Il y a la loi 22 portant organisation de la profession du notariat, qui est on ne peut plus clair, elle dit « que seul le notaire est habilité à dresser les actes de vente, les actes constitutifs de société et les actes de cession immobilière ». C’est une loi qui a été promulguée le 17 avril 2019. Mais il y a certaines institutions qui continuent à dresser des actes aux individus alors qu’en principe, la loi abroge toute autre disposition contraire.

Comment êtes-vous arrivé à la tête de cette institution qui est la Chambre nationale des notaires du Tchad ?

J’ai été élu par mes pairs, Président de la Chambre nationale des notaires du Tchad, en 2019. Quand j’ai été élu, conformément à notre ancien texte, c’était pour un mandat de deux ans. Mais il y a une nouvelle loi qui dit que désormais le mandat serait de 3 ans. Donc d’ici avril, nous allons tenir une assemblée générale élective, pour renouveler notre bureau exécutif composé de 4 membres.

Vous êtes également vice-président d’une organisation internationale, la Commission des affaires africaines(Caaf). Parlez-nous un peu de cette institution.

Le notariat tchadien fait partie d’une organisation faîtière dénommée UNIL (Union internationale du notariat Latin) qui regroupe tous les notariats du monde, avec sa section qui est nommée la Caaf. Nous avons le président, qui est actuellement un ivoirien, élu pour un mandat de deux ans également. Mais le président a besoin lui aussi de décentraliser son pouvoir. Donc on a divisé l’Afrique en zones et moi j’ai été désigné par le président de la Caaf, comme vice-président chargé de la zone Afrique centrale. Donc c’est un honneur pour le Tchad.

Quels sont les préoccupations actuelles du notariat tchadien ?

Ma doléance tout le temps, vis-à-vis des autorités, c’est qu’on soit doté des outils qui puissent nous permettre de bien travailler. Le code domanial et foncier qui est sur le bureau de l’Assemblée nationale, et qui n’a pas été adopté, s’il y a lieu de faire la relecture, que nous les notaires soyons associés. Parce que c’est tous les jours que nous sommes dans le foncier et le notaire est un expert du foncier. Nous aurons vraiment des propositions à faire aux législateurs.

Il y a aussi le code des personnes et de la famille qui est auprès de l’Assemblée nationale et qui n’a pas été adopté jusqu’à ce jour. S’il y a relecture de ces textes, que les notaires soient associés. Parce que c’est nous qui gérons les liquidations à la suite des divorces, des successions, c’est nous qui faisons les contrats des mariages, etc. Nous sommes bien imprégnés du social et du droit de la femme donc que nous soyons associés à la relecture de ces textes. Nous aurons également des propositions à faire aux législateurs.

Ma doléance aussi est que la procédure d’obtention de titre foncier soit facilitée. Les banques sont prêtes à accorder de crédits aux porteurs de projets mais la garantie par excellence, c’est d’abord le titre foncier. Si vous n’avez pas un titre foncier, vous ne pouvez pas être considéré comme propriétaire. Donc il faut que la procédure d’obtention de titre foncier soit facilitée. Le problème c’est que nous fonctionnons avec des lois qui datent de 1967, des lois de plus de 50 ans. Il faudrait bien que nous puissions réactualiser ces lois et les adapter à la réalité du jour pour nous faciliter les choses.

En ce qui concerne le code de la famille, si c’est adopté, il faut un code qui soit un peu en conformité avec les réalités tchadiennes. Nous utilisons le code civil français de 1958. Eux, ils ont eu à faire beaucoup de réformes et nous, nous sommes restés dans leurs anciens textes.

Dernière chose c’est que nous souhaitons que l’État nous aide à assurer nos prérogatives que l’État lui-même nous a données. Parce que souvent les prérogatives du notaire sont violées donc que l’État nous aide à pouvoir les sauvegarder.

Interview réalisée par Moïse Dabesne

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