Africa-Press – Togo. Connaissez-vous les troubles dys ? En France, ce sont 1,3 million d’enfants qui présentent ces troubles du neurodéveloppement, entre l’âge de 5 et 15 ans. Ils peuvent se manifester de multiples façons: par des difficultés de lecture (dyslexie), un déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité dans le cas du TDAH, ou avec des difficultés en mathématiques et calcul (dyscalculie), en orthographe (dysorthographie), voire en langage oral (dysphasie) ou en difficultés visuo-spatiales et motrices (dyspraxie). Ces troubles apparaissent le plus souvent avant ou pendant les premiers apprentissages (lire l’encadré sur l’origine cérébrale des dys en fin d’article).
Du diagnostic à la prise en charge de la dyslexie, le parcours du combattant
Plus connue que les autres dys, la dyslexie, elle, concerne 5 à 17% des enfants en âge d’être scolarisés, selon le ministère de la Santé. Mais le diagnostic est long (l’âge moyen de détection d’un trouble dys est de 6 ans) et les enfants doivent attendre en moyenne entre 12 et 24 mois pour accéder à une prise en charge, conduisant à une perte de chance pour l’enfant et à un parcours du combattant pour la famille.
« Il m’a fallu six mois pour obtenir un rendez-vous chez l’orthophoniste pour Clément. Bien que cela soit considéré comme un délai court, cela nous a paru extrêmement long. Ensuite se sont enchainées une longue série de consultations de spécialistes variés, allant du psychomotricien, en passant par l’orthoptiste (dépiste, analyse et traite les troubles visuels, ndlr), l’ophtalmologue et même l’ORL », témoigne lors d’une conférence de presse le 26 mars 2024, Emmanuelle David, maman de Clément, un enfant avec un trouble dyslexique important.
Car une fois le diagnostic posé, la prise en charge chez l’orthophoniste dure en moyenne trois ans, à raison de 45 minutes par semaine. Cette prise en charge, non adaptée au regard des recommandations officielles formulées par la Haute autorité de santé (10 à 30 minutes, cinq fois par semaine), peut entrainer un décochage de l’enfant. Car malheureusement, la surcharge de travail dans la profession rend difficile la possibilité d’offrir une prise en charge courte et fréquente à l’enfant.
C’est face à ces problématiques que la start-up française Poppins s’est lancée dans le développement d’un jeu vidéo à vocation thérapeutique destiné aux enfants souffrant de troubles dyslexiques. Un projet très sérieux fondé sur cinq années de recherches cliniques en sciences cognitives et qui a notamment bénéficié de l’expertise de neuropsychologues, pédopsychiatres, orthophonistes.
Des mini-jeux interactifs sur le langage et la musique
Ce jeu vidéo, qui se nomme Poppins comme la start-up, se veut être « une forme d’intervention complémentaire en amont de la prévention, et un complément de sessions d’orthophonie à la maison, une fois le diagnostic posé », annonce lors de la conférence de presse de présentation de ce jeu François Vonthron, co-fondateur et PDG de Poppins.
Adapté aux enfants à partir de l’âge de 7 ans et pouvant être utilisé chez soi, Poppins propose des sessions de 20 minutes maximum par jour, intégrant 25 mini-jeux interactifs pour renforcer les compétences en lecture, écriture et compréhension de l’enfant.
Concrètement, l’enfant évolue avec son avatar personnalisé dans un monde coloré et animé, le tout en musique, à travers divers mini-jeux allant de la reconstruction d’un mot à partir de syllabes, à la restitution d’un rythme en tapant des mains, en bougeant la tablette, ou en reproduisant un son. Au fil du temps, il gagne des récompenses et des éléments de personnalisation pour son avatar.
Sept mini-jeux, musicaux et interactifs, permettent de mieux anticiper le rythme de la parole, l’arrivée des sons et améliorer les connexions cérébrales entre les zones visuelles, auditives et motrices de l’enfant. Le manque de rythme, dont souffrent souvent les enfants dyslexiques (lire l’encadré ci-dessous), est particulièrement travaillé dans ces mini-jeux.
Un manque de rythme pénalisant pour la lecture
« Il a été démontré que chez un enfant souffrant de troubles du neurodéveloppement, les compétences rythmiques étaient plus faibles que celles d’un enfant n’ayant pas de troubles », indique lors de la conférence de presse Catherine Grosmaitre, neuropsychologue et orthophoniste, se référant à une étude parue dans la revue Physiological Transactions of the Royal Society B en 2021. Les enfants présentant des troubles dyslexiques sont particulièrement impactés. « Or le rythme est indispensable pour le traitement séquentiel de la parole et pour toutes les compétences phonologiques, et donc pour le décodage en lecture », affirme la spécialiste. Par exemple, une étude publiée en 2015 dans la revue Plos One a mis en évidence que les enfants ayant reçu un entrainement musical progressent plus en rythme et en phonologie que les enfants n’ayant pas reçu cet entrainement.
« Clément a repris confiance »
Pour chaque mini-jeu interactif, comptez… 100 à 500 niveaux ! De quoi faire progresser les jeunes dyslexiques rapidement. « Au bout de quelques semaines d’utilisation du jeu vidéo, alors qu’il n’avait plus envie de continuer son suivi orthophonique avec un spécialiste, Clément a arrêté de « manger » des lettres et a commencé à compter les syllabes », s’enthousiasme sa mère. « Aujourd’hui, il parvient à segmenter les mots avec beaucoup plus d’aisance, et fait moins d’erreurs de lecture. Finalement, Clément est plus endurant, retient mieux l’orthographe, et surtout, il a repris confiance malgré les difficultés qui persistent encore. »
La version finale de ce jeu vidéo a été testée en 2022 pendant huit semaines à raison de cinq sessions de 25 minutes par semaine auprès de 154 enfants. Agés de 7 à 11 ans, ils étaient scolarisés en CE1-CM2 en France, avec un diagnostic de dyslexie sans suivi orthophonique. Afin d’analyser les résultats du jeu, les enfants alternaient entre le jeu Poppins et un jeu placebo, présentant les mêmes personnages et environnements. Durant cette étude clinique randomisée contrôlée en double aveugle, ni les participants ni les chercheurs ne sont informés du traitement reçu par chaque individu, garantissant ainsi une évaluation objective de l’efficacité d’une intervention médicale.
Après ces huit semaines, le jeu montrait un effet significatif sur les compétences phonologiques des enfants ayant une dyslexie sévère, et une amélioration significative de la vitesse et de la précision de lecture chez l’ensemble des enfants.
Un abonnement d’un an à ce jeu vidéo coûte 26 euros par mois, certaines mutuelles le remboursent intégralement, les fondateurs de la start-up espèrent un remboursement de la Sécurité sociale courant 2025.
L’origine cérébrale des troubles dys
Les troubles dys sont souvent associés entre eux: « par exemple, la dyslexie augmente le risque de TDAH de 40% et de dysgraphie de 20% », précise Catherine Grosmaitre, neuropsychologue et orthophoniste. « Des anomalies fonctionnelles et structurelles dans l’hémisphère gauche du cerveau ont été identifiées lorsqu’un enfant présentait un trouble dys. On observe notamment un défaut de connectivité entre les aires cérébrales, affectant des faisceaux de substance blanche tel que le faisceau arqué ».
Le faisceau arqué, crucial pour les compétences phonologiques (capacité de lecture), est moins développé chez les personnes atteintes de dyslexie, ce qui entraîne des difficultés d’accès aux représentations phonologiques. « De même, le faisceau fronto-occipital inférieur, nécessaire aux compétences orthographiques, peut également être impacté », ajoute la neuropsychologue et orthophoniste. En revanche, alors que ces voies sont moins développées chez les personnes dyslexiques, c’est le contraire pour les musiciens. Des études ont révélé que le faisceau arqué était particulièrement développé chez les musiciens, davantage même que chez les chanteurs.
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