Cacao Textile Vanille Exposés à Guerre Commerciale

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Cacao Textile Vanille Exposés à Guerre Commerciale
Cacao Textile Vanille Exposés à Guerre Commerciale

Marie Toulemonde

Africa-Press – Togo. L’accès au marché américain est un privilège, pas un droit. C’est la règle d’or de notre âge d’or ! » a proclamé la Maison-Blanche, le 2 avril, dans un communiqué. Au même moment, dans le Rose Garden, Donald Trump brandissait, d’un air satisfait, un grand tableau en carton sur lequel était inscrite une liste de pays, et les droits de douane qu’il assurait vouloir leur imposer. Sur le continent africain, sans que l’on comprenne réellement la logique qui a présidé à ces choix, le Lesotho, Madagascar et l’île Maurice figuraient alors parmi les pays les plus ciblés, se voyant respectivement imposer des droits de douane de 50 %, 47 % et 40 %.

Pendant une semaine, la brutalité de la mesure, autant que l’incohérence des calculs, a provoqué un vent de panique sur les marchés, comparables aux prémisses de la crise de 2008. Finalement, le 9 avril, le milliardaire américain a rétropédalé, décrétant une « pause » de quatre-vingt-dix jours. Sauf pour la Chine qui se voit imposer des « tariffs » de 145 %. Pour les autres, seuls persistent, pendant cette trêve, les 10 % décrétés pour l’ensemble des pays du globe. Charge à chaque pays de mener des négociations bilatérales avec Washington pour tenter de se maintenir à ce seuil.

Difficile de prédire de quelle folie demain sera fait, tant Donald Trump semble avoir fait de la « stratégie du fou », théorisée par Richard Nixon, l’alpha et l’oméga de sa politique économique comme diplomatique. Une incertitude qui pèse plus lourd sur les économies africaines avec lesquelles les États-Unis affichent une balance commerciale déficitaire, dont vous pouvez explorer la liste dans le tableau ci-dessous.

Quelques heures avant l’annonce de cette « pause », Donald Trump a publié un message sibyllin sur son réseau social, Truth: « C’est un excellent moment pour acheter ! » De quoi lui valoir désormais d’être accusé par ses adversaires démocrates – et nombre d’analystes économiques – de délit d’initié. Mais c’est un sujet plus urgent qui occupe désormais les économies africaines les plus exposées à la guerre commerciale qu’il a déclaré.

La Maison-Blanche maintien en effet son argument initial, faisant du rééquilibrage du déficit commercial le point cardinal des futures négociations bilatérales. Plus le déficit commercial est en défaveur de Washington, plus les droits de douane imposés sont élevés. Les États-Unis ont notamment justifié l’imposition de droits de douane de 30 % à l’Afrique du Sud en pointant un excédent commercial de 7,1 milliards de dollars en faveur de Pretoria et en dénonçant des « restrictions sanitaires injustifiées » sur le porc et la volaille. Toutefois, cette règle ne s’est pas appliquée à tous les pays, les calculs défiants parfois toute logique.

L’administration Trump a en outre publié une liste, imprécise, de produits a priori exonérés, dont des minerais et des ressources fossiles (or, pétrole, gaz, fer), car stratégiques pour faire tourner l’industrie américaine. Ce qui exclut des économies les plus à risque certains pays du continent, à l’instar du Nigeria, de l’Algérie, de la Libye, ou encore du Ghana. Les pays les plus exposés sont ceux dont les filières sont les plus ciblées: les véhicules, le textile, le cacao, les engrais, le café ou encore la vanille.

L’Afrique est un partenaire mineur pour les États-Unis: elle compte pour 1,6 % des importations américaines, et à l’inverse pour seulement 6 % des exportations africaines, selon les données de Trademap. À l’échelle continentale, Washington n’est donc pas un partenaire aussi stratégique que la Chine, l’Europe ou les Émirats arabes unis.

Les économies de certains pays dépendent cependant étroitement de leur accès au marché américain. C’est le cas du Lesotho, de Madagascar, de Maurice ou encore de l’Éthiopie, pour lesquels les États-Unis représentent plus de 15 % des débouchés à l’export. En 2023, cela équivalait à 11 % du PIB lesothan et à 5 % du PIB malgache. Si l’administration Trump revenait bel et bien aux frais de douanes initialement annoncés, les conséquences pour ces pays pourraient être très lourdes, comme le montre le graphique ci-dessous.

En cas d’échec des négociations, et d’imposition des droits de douane initialement envisagés, l’Afrique du Sud sera la plus touchée, en valeur absolue. Ses exportations de véhicules vers les États-Unis (1,9 milliard de dollars) chuteraient de 569 millions de dollars, même si la filière parvenait à amortir les 30 % de frais de douanes. Derrière ces chiffres, ce sont des usines BMW, Mercedes ou encore Toyota qui se trouveraient potentiellement en difficulté.

Si les montants, en valeur, sont moindres, pour le Lesotho et Madagascar, l’analyse des chiffres en proportion du PIB national montre que les conséquences pourraient y être beaucoup plus lourdes. Le Lesotho, en particulier, est devenu l’un des symboles de la brutalité des décisions de Donald Trump, mais aussi de leur caractère hautement aléatoire. Ce petit royaume, « dont personne n’a jamais entendu parler » selon les propres mots du milliardaire, a été visé par la taxe la plus élevée, hors Chine: 50 %.

Grâce à l’African Growth and Opportunity Act (Agoa, un traitement douanier préférentiel entre les États-Unis et l’Afrique), le pays a bâti une industrie textile dynamique. Le Lesotho produit notamment une partie des iconiques blues jeans américains Levi’s. Le secteur emploie près de 40 000 personnes, dont le tiers travaille pour des usines à capitaux asiatiques, dont chinois. Serait-ce la raison d’un tel acharnement ? Difficile à dire, tant les volumes concernés sont en réalité insignifiants à l’échelle du marché américain. Quelles que soient les raisons de ces décisions, les conséquences pour le pays pourraient être colossales. Un échec des négociations signifierait un recul de 4 % de son PIB.

À Madagascar, où le textile et la vanille représentent 9 % des exportations, les droits de douane annoncés pourraient entraîner une perte de 2 % du PIB.

La filière cacao ouest-africaine, dont les exportations ont représenté plus de 1 milliard de dollars en 2023, est également très exposée. Kobenan Kouassi Adjoumani, le ministre ivoirien de l’Agriculture, a bien menacé d’en répercuter le prix sur les consommateurs américains, mais c’est à New York que le cours de la fève se décide, pas à Abidjan.

Autant de filières qui, faute d’un accord avec Washington, vont devoir rapidement diversifier leurs débouchés si elles veulent éviter la crise.

Source: JeuneAfrique

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