Africa-Press – Togo. Si le futur n’a de réalité qu’un espoir présent, demain parait inexistant !
Pour Samuel Blumenfeld, « le recul permet toujours de mieux apprécier les choses, et de redonner à certains évènements la place qu’ils méritent ». Malheureusement, quand les hommes n’arrivent pas à changer les choses, à faire preuve de vision, ils changent les mots, les contextes pour se donner raison ou presque.
Récemment, le Chef de l’État togolais, Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005, a déclaré lors de ses vœux-bilan du 31 décembre 2024, qu’au « cours de l’année écoulée, les conséquences de nombreux conflits ont pesé sur chacun d’entre nous », notamment la guerre qui oppose l’Ukraine à la Russie, le conflit israélo-palestinien, le risque de guerres commerciales accru entre les États-Unis et la Chine. En ce qui concerne l’état de l’agriculture togolaise, il a signalé que la crise climatique « affecte durement notre activité agricole et contribue à accroître l’insécurité alimentaire. En effet, moins le climat est prévisible, plus il est difficile pour nos agriculteurs d’organiser leur production ».
Lors de sa captation du pouvoir en 2005, Faure Gnassingbé avait présenté son programme sous la forme des « vingt plus de Faure Gnassingbé ». Ainsi, il promettait entre autres: l’essor de notre production agricole en soutenant les agriculteurs; 5000 classes nouvelles avec les équipements appropriés seront créées en 5 ans; doubler le budget de la santé en 5 ans; les universités de Kara et Lomé seront développées; l’assainissement des villes et notamment Lomé ; le logement pour tous; dans le cadre d’une politique de grands travaux, mettre en chantier une autoroute appelée «FLEUVE DE L’ESPÉRANCE» allant de Lomé à la frontière nord qui créera 100 000 emplois en 5 ans, etc. En désespoir de cause, en ce début d’année 2025, la route nationale Lomé-Cinkassé se mue en un « fleuve crevassé transformé en scène monstrueuse d’accidents, de soupirs et de désespoir ».
Concernant le secteur agricole togolais, incluant l’élevage et la pêche, son potentiel reste exceptionnel. Ainsi, le document gouvernemental « budget citoyen 2024 » précise avec justesse que l’économie togolaise reste dépendante du secteur agricole qui contribue pour 38,2% du PIB (5 047,8 milliards FCFA en 2024), constituant la principale source de revenus et d’emplois pour 68% de la population togolaise. Comment cette agriculture ne peut-elle pas nourrir la population togolaise estimée à seulement 8,045 millions d’habitants? C’est en quelque sorte la poule aux œufs d’or qu’on dégarnit et laisse dépérir au lieu de la valoriser. Il faudrait simplement une vision d’un leader conséquent, permettant d’atteindre la maîtrise de l’eau qui est fondamentale pour une agriculture pérenne.
La valeur ajoutée de l’agriculture au PIB du Togo est passée de 54,88% à 18,33% entre 1960 et 2022; soit une régression de près de 67%, selon les données de perspective.usherbrooke.ca. Cela représente le plus fort recul en comparaison avec les voisins du Togo. Notamment, la valeur ajoutée du secteur agricole au PIB national du Bénin est passée de 46,16% à 26,9%; de 38,48 à 18,5% pour le Burkina et de 40,85 à 19,57% dans le cas du Ghana. Aussi, la BAD (afdb.org/fr/countries) souligne que la part du secteur agricole dans la valeur ajoutée du PIB est passée de 32,8 % sur la période de 2001–2010 à 27,7 % sur celle de 2011–2020, tandis que la part des services est passée de 48,9 % à 51,9 % et celle de l’industrie de 18,2 % à 20,4%.
La guerre en Ukraine ne remonte qu’à février 2022 et le conflit Israël-Hamas à octobre 2023, alors que Faure Gnassingbé est sur le point de boucler 20 ans d’exercice du pouvoir au Togo. Encore que, les facteurs exogènes ont relativement moins d’impacts sur la valorisation du potentiel agropastoral et l’implémentation d’une véritable politique agropastorale. De fait, il faut surtout de la vision, de l’accompagnement effectif, des infrastructures pour la maîtrise de l’eau et de désenclavement des zones rurales, et une lutte effective contre la corruption.
Autrement, en quoi ces crises internationales et le climat changeant empêchent-ils fondamentalement le gouvernement:
– De promouvoir l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire, principalement en ce qui a trait aux céréales et aux tubercules consommés localement (maïs, mil, sorgho, igname, manioc, patates douces, etc.?
– De faire davantage d’efforts dans la maîtrise de l’eau, un incontournable pour une agriculture résiliente, au lieu d’être toujours à la merci des caprices de la nature?
– D’assoir une vision claire dans les secteurs clés et de l’implémenter, par exemple?
Encore que tous les pays du monde et particulièrement de la sous-région subissent les mêmes contraintes géopolitiques mondiales. Subséquemment, toute chose étant égale par ailleurs, comment se fait-il donc que nos voisins immédiats, Ghana, Bénin, Burkina Faso font mieux que nous? Alors que, le Togo, dispose d’atouts spécifiques, tels que le seul port en eau profonde de la région, certains minerais et ressources et un territoire relativement petit, mais dont une forte proportion constituée de terre arable plus que chez la plupart de ses voisins. De plus, certains pays ont des conditions particulièrement précaires, zones désertiques, situation sécuritaire,… pourtant ils s’en sortent relativement mieux que le Togo; par le travail, l’engagement patriotique, la probité dans la gestion, l’imputabilité, etc. C’est ainsi que les discours semblent décrire des réalités virtuelles au Togo, par rapport aux vécus des citoyens.
Notre pays avance selon le Chef de l’État, mais dans quel sens et à quel rythme?
Le Chef de l’État déclara ainsi que « malgré ces différentes crises, je veux vous dire, ce soir, ma conviction que notre pays avance et que nous pouvons ensemble, si nous en avons l’ambition, tracer un chemin plus optimiste pour l’avenir. C’est en ce sens que le Gouvernement togolais a pris en 2024 les mesures que la situation imposait ».
Certes, il y a toujours du mouvement ou du changement, qui est inévitable et constant. Toutefois, le changement ou le mouvement peut être soit négatif ou un recul, soit positif ou une progression, soit avantageux, constructif ou non, etc. Alors quelle est la nature du changement ou de l’avancement au Togo depuis des décennies?
Le citoyen lambda se gratte la tête à savoir où sont les accomplissements ou le changement en question. Ils sont combien ces citoyens qui en bénéficieraient? Où trouve-t-on les données statistiques, les rapports et les réalités du terrain qui corroboreraient ces accomplissements? C’est bien beau et presque surréaliste tout ce qui a été listé ou évoqué comme accomplissements en 2024 ou dans les dernières années, et pourtant la réalité est implacable.
Voici la vérification ou l’épreuve des faits concernant certains de ces accomplissements mis de l’avant par le Chef de l’État!
L’aide aux agriculteurs qui n’est pas perceptible!
– Au cours de l’année 2024, 10 milliards au profit de 149.000 producteurs agricoles à travers divers mécanismes d’aide à l’agriculture
Il s’agit de quels mécanismes d’aide, sous quelles formes, au profit de quels producteurs agricoles? Et ces chiffres nous ramènent par exemple à une moyenne de 67 114 FCFA par agriculteur qui auraient bénéficié de cet appui. Où trouve-t-0n cette reddition de comptes.
– L’État a subventionné l’achat d’engrais à hauteur de 17 milliards 900 millions, déployé 400 tracteurs agricoles et distribué 3 500 kits d’irrigation
Avec les 17,9 milliards de FCFA, quelle était la quantité d’engrais subventionnée et qui est réellement mise à la disposition des agriculteurs togolais pour la saison 2024? Il faudrait rendre publics les détails sur les coûts d’acquisition de ces engrais, le montant des subventions à l’unité (tonne ou autres), le prix de vente des engrais de la compagne 2024 et les autres détails pertinents.
Selon le document « budget citoyen 2024 » du gouvernement, un total de 67 518,5 tonnes d’engrais vivriers a été distribué en 2022; 77 043,4 tonnes en 2023 et une prévision de 85 000 tonnes pour 2024. Concernant l’engrais coton, 16 375 tonnes auraient été distribuées en 2022; 19 735 tonnes en 2023 et une prévision de 22 000 tonnes en 2024. Un simple calcul arithmétique à partir de ces données du gouvernement donne un total de 107 000 tonnes d’engrais vivriers et coton pour 2024. Cela rapporté aux 17,9 milliards de FCFA équivaudrait à une subvention moyenne de 167 289,72 FCFA par tonne d’engrais ou 167,3 FCFA par kg d’engrais. Quel est alors le coût d’acquisition de ces engrais?
Dans un autre chapitre, comment comprendre que le Togo exploite du phosphate à ciel ouvert depuis plus de 6 décennies, mais n’a pas su installer une seule entité de fabrication d’engrais, si petite soit-elle? Cette absence de vision est aussi imputable aux crises internationales? L’atteinte de l’autosuffisance alimentaire est la base du développement. Quand on a faim, on ne peut rien faire de conséquent, de grand. Des pays comme le Maroc, le Sénégal, le Burkina Faso, etc., disposent pourtant d’unité de fabrication d’engrais. Qu’est-ce que ces décennies d’exploitation du phosphate ont apporté concrètement au pays, dont les générations à venir pourraient aussi profiter?
Dans un autre chapitre, les 400 tracteurs agricoles déployés et les 3 500 Kits d’irrigation distribués l’ont été sur quelle base et quel suivi en a été fait. Ils sont dans quel état actuellement? Quels impacts ont-ils eu sur les rendements agricoles, afin de savoir dans quelle mesure poursuivre continuer. Et combien ont-elles coûté aux contribuables?
Les infrastructures, ponts modulaires, ouvrages hydrauliques, pistes rurales et autres!
– Lancement en 2024 du programme de construction de 21 ponts modulaires mixtes en acier et béton pour permettre le désenclavement du milieu rural, condition essentielle de son développement économique et social.
Quelle est l’ardoise financière consacrée à ces projets et quel est l’état de situation ou de réalisation des travaux de ces 21 ponts modulaires mixtes? Quelles sont leurs spécificités et où se retrouvent-ils sur le territoire national? Les dossiers d’appels d’offres et les cahiers de charges concernant ces projets sont accessibles ou disponibles où? La transparence et la redevabilité sont les clés de réussite en la matière. Autrement, les intentions aussi nobles qu’elles soient, ne seraient que des chimères si elles ne sont pas suivies d’actions.
– Dans le secteur de l’eau, à travers différentes initiatives, ce sont plus de 350 ouvrages hydrauliques qui ont été réalisés au cours de l’année sur l’ensemble de notre territoire et sur la période 2020-2024, ce sont 3 000 ouvrages que nous avons pu réaliser.
Les 3 000 ouvrages hydrauliques réalisés en 5 ans, donc une moyenne de 600 ouvrages par année, se retrouvent où et sur quelles bases auraient-ils été faits? De quels types d’ouvrages hydrauliques est-il question? Lorsqu’on sait les difficultés d’accès à l’eau que vivent les citoyens un peu partout sur le territoire national, principalement dans les milieux ruraux, cette demande de reddition est un impératif.
Encore là, il ressort du document « budget citoyen 2024 » les éléments suivants au sujet du secteur de l’eau. En 2022, il y aurait eu l’installation de 201 forages équipés de pompes à motricité humaine (PMH) et 133 réhabilités, 199 installés et 67 réhabilités en 2023, alors que les prévisions pour 2024 étaient de 432 PMH à installer. En ce qui concerne les postes d’eau autonomes (PEA), 158 aurait été installés en 2022, 144 en 2023 et 320 prévues pour 2024. Il y aurait eu 10 Mini-Adductions d’eau potable (Mini-AEP) construites pour chacune des années 2022 et 2023 et 11 prévues pour 2024. 15 forages à gros débit auraient été réalisés en 2022, contre 1 en 2023 et 26 pour l’année2024.
– Plus de 1.900 kilomètres de pistes qui ont été ouvertes ou réhabilitées chaque année depuis 2020, améliorant de manière très significative l’accès de nos agriculteurs aux marchés. Cet effort majeur pour le secteur agricole est essentiel pour l’avenir de notre pays.
Qui peut être contre la vertu? Mais, restons dans le concret. Une moyenne de 1 900 km de pistes rurales par année depuis 2020, nous amènerait à près de 9 500 km de pistes ouvertes ou réhabilitées au Togo entre 2020 et 2024. Le tout a coûté combien aux contribuables togolais? Et il doit pouvoir être possible de mettre à la disposition des Togolais les localisations de ces pistes, les cahiers de charges des travaux, etc. Aussi il serait souhaitable de préciser ce qu’on entend par ouverture ou réhabilitation de pistes, parce que la réalité de nos zones rurales nous questionne sur l’effectivité des 9 500 km de pistes rurales réalisées en 5 ans au Togo.
Le « budget citoyen 2024 » mentionne par contre que 538,4 km linéaires de pistes rurales entretenues et 381,5 km de pistes rurales ouvertes, construites et réhabilitées en 2022, 837,22 km de pistes à entretenir prévus pour 2023 dont seulement 367,9 km étaient entamés et 160,9 km de pistes rurales ouvertes, construites et réhabilitées. Tout comme en 2023, 837,22 km linéaires de pistes à entretenir sont prévus pour 2024. Et curieusement pour 2024 il était prévu 2 744,04 km de pistes rurales ouvertes à construire et à réhabiliter. Cela représente presque 3 fois ce qui était planifié pour les 2 années 2022 et 2023. Bref, il semble y avoir une problématique d’incohérence dans les données de part et d’autre. Et donc, on serait loin des 1 900 km de pistes ouvertes ou réhabilitées annuellement évoqués par le Chef de l’État dans son allocution de fin d’année 2024.
Le chantier de l’assurance maladie universelle (AMU), les centres de santé et les équipements
– En janvier 2024 a été lancé le chantier de l’AMU (l’Assurance Maladie Universelle) qui vise à assurer à chaque citoyen un accès équitable à des soins de santé de qualité.
Cette couverture maladie comprenant un régime d’assurance maladie obligatoire de base (RAMo) et un régime d’assistance médicale (RAM), devait prendre en charge 3 catégories de bénéficiaires. Il s’agit des agents publics et assimilés ainsi que les titulaires des pensions civiles et militaires (catégorie 1), des travailleurs et les titulaires des pensions de retraite du secteur privé, les ministres du Culte, les travailleurs indépendants ainsi que les personnes relevant des secteurs informel et agricole (catégorie 2) et la 3e catégorie de bénéficiaires est constituée par les personnes vulnérables.
Un an après le lancement de l’AMU, quelles sont le taux réel de souscriptions, l’amplitude de la couverture et l’effectivité de remboursement des prestations dues aux assujettis? Aussi le diable étant dans les détails, il faudrait principalement étayer la notion du « prix de base de remboursement de l’acte » relativement à la prise en charge du régime de l’AMU. C’est une notion très subtile qui pourrait dénaturer la couverture réelle des actes de santé et des médicaments.
À cet égard, l’ancien doyen de la faculté de gestion de Lomé, Michel Kalife, exprimait dans une vidéo ses préoccupations et douleurs au sujet de la misère des Togolais dont le niveau de vie a énormément baissé. Il se désolait aussi du fait que l’augmentation du salaire minimum et des salaires n’est pas appliquée dans le secteur privé qui crée le plus d’emploi. Finalement, il déplore le fait qu’il paie depuis 1 an les contributions à l’AMU, mais sans avoir les cartes de remboursement des actes et médicaments ni pour lui ni pour ses employés. Bref, des assujettis honorent leurs cotisations sans que le régime ne fasse sa part, mais personne ne semble imputable. C’est surtout ça le Togo actuel.
– En 2024, le Togo a pu doter plusieurs centres de santé d’équipements médicaux modernes d’une valeur de plus de 20 milliards de FCFA.
De quels équipements médicaux modernes est-il question et quels en sont les centres de santés bénéficiaires? L’état de vétusté du matériel médical dans nos centres de santés ou leur absence relative amène à ce des questionnements sans fin. Combien d’hôpitaux publics au Togo ont été équipés de scanners modernes par exemple ou d’ambulances et d’autres équipements de soins d’urgence requis? Surtout, quand on sait le nombre d’accidents sur nos routes, entre autres. Dans les faits, on ne semble pas remarquer ou constater ce à quoi auraient servir les 20 milliards de FCFA des contribuables togolais. Autrement, il faudrait rendre accessibles les rapports ou les détails y afférant. Le document « budget citoyen de 2024 » ne fait était d’aucune acquisition d’équipements médicaux. On y retrouve plutôt des distributions de moustiquaires imprégnées d’insecticide. On voit où les gouvernants semblent mettre leurs priorités.
Construction et réhabilitation de salles de classe
– Augmenté les efforts de l’État au bénéfice de l’Éducation Nationale en 2024, notamment avec plus de 2 000 salles de classe construites et réhabilitées sur les 7 000 classes réalisées dans le cadre de la feuille de route gouvernementale, de même que près de 4.400 postes d’enseignant ouverts au concours national de décembre 2024, portant à 15 000 le nombre d’enseignants recrutés sur les 4 dernières années.
Des 2 000 salles de classe construites et réhabilitées en 2024 évoquées par le Chef de l’État dans son allocution de fin d’année 2024, quelle est la part des constructions neuves et celle des rénovations? Par ailleurs, qu’entend-on ici par rénovation de salles de classe? Dans les pays voisins, les nouvelles constructions de salles de classe se démarquent et sont adaptées aux nouvelles réalités de l’apprentissage. Qu’en est-il au Togo? Où trouve-t-on une nouvelle école ou de nouvelles salles de classe de nouvelles générations qui pourraient nous faire dire waouh ou enfin? Cela pose surtout la problématique de la qualité et l’adéquation de certains projets au Togo, de même que l’absence de redevabilité et d’imputabilité.
Ici aussi, le « budget citoyen 2024 » signale qu’en 2022 seulement 10 blocs de 4 salles de classe et 57 blocs de 3 salles ont été construits pour un total de 211 salles, 64 blocs de 4 salles de classe et 196 blocs de 3 (total de 844 salles) en 2023 et il était prévu 64 blocs de 4 salles de classe et 86 blocs de 3 (total de 514 salles) en 2024.
Un vaste plan de lutte contre la vie chère?
– Le Gouvernement a lancé un vaste plan de lutte contre la vie chère, une baisse des coûts de transport et un contrôle de prix des produits de première nécessité, accompagné d’un dialogue fructueux avec les importateurs et les grossistes.
Quel est le plan pour le contrôle de prix des produits de première nécessité! Quel en est le résultat concret à ce jour? Parce que le citoyen lambda dans son quotidien ne le ressent ou ne le constate pas encore. Les prix des produits de première nécessité comme le maïs, le haricot, le riz, le mil, le sorgho, le gari, l’huile rouge et végétale, le gaz, le charbon, etc. continuent leur progression à la hausse. Certes il y a moins de 4 mois, le 10 décembre 2024, le prix du carburant le plus utilisé au Togo pour le déplacement, le super sans-plomb, a été réduit; mais seulement de 20 FCFA par litre, passant de 700 à 680 FCFA. Une réduction qui reste très superficielle pour induire une réduction de prix de produits, de transport globalement et autres éventuellement. Dans ce cas, k’impact sur de la chaine d’approvisionnement est presque nul.
Il y a par contre de plus en plus de situation de monopoles, de grossistes exclusifs en roue libre. Non plus, le citoyen ne remarque pas de mesures effectives pour assurer la qualité des produits disponibles sur les marchés, entre autres. Bref, est-ce que le coût de la vie au Togo s’est stabilisé par rapport à l’année antérieure ou au mieux à régresser par exemple?
– Concernant la prime spéciale de fin d’année bénéficiant à moins de 150 000 personnes, si on se fie aux chiffres communiqués!
Par simple calcul et au regard de l’enveloppe consacrée de 7 850 820 000 FCFA, la prime exceptionnelle de 60 000 FCFA par personne concernerait tout au plus 130 847 personnes, fonctionnaires, personnel de l’enseignement confessionnel et pensionnées affiliées à la caisse de retraite; et non plus de 150 000. À moins que des compléments n’aient pas encore été dévoilés.
Réduction de tarifs d’électricité
– La réduction des tarifs d’électricité concernera plus d’un million de Togolais.
Le communiqué de presse du 24 décembre 2024 du gouvernement annonçait une réduction du « tarif de l’énergie électrique à usage domestique pour les usagers en prépayé dont la consommation mensuelle est restée inférieure ou égale à 30 kwh sur les neuf derniers mois, passe de 114 FCFA/KWh à 70 FCFA/KWh ». Cette mesure toucherait un peu plus de 200 000 ménages, représentant environ le 1/3 des clients de la CEET (Compagnie d’énergie électrique du Togo). Une question se pose à savoir si le mécanisme de compteur prépayé permet d’identifier efficacement ces utilisateurs, principalement leur moyenne de consommation qui les rendrait admissibles à cette mesure; entre autres.
Au-delà, un simple calcul arithmétique nous renseigne que si les 200 000 ménages concernés par la mesure gouvernementale représentaient le 1/3 de la clientèle de la CEET, tel que précisé, il y aurait donc un total de 600 000 ménages togolais connectés par la CEET. On en déduirait qu’il y aurait plus ou moins 600 000 ménages sur le territoire national disposant de connexions à l’énergie électrique, à moins qu’il y ait d’autres fournisseurs d’énergie électrique ou d’autres considérations à prendre en compte dans l’estimation du nombre de ménages togolais disposant de l’énergie électrique. Ici aussi, ces chiffres posent une problématique d’incohérence par rapport à ceux annoncés par le gouvernement le 13 décembre 2024, lors de l’atelier de présentation des résultats détaillés du RGPH-5 et de la 2e édition de l’enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages (EHCVM-2). On n’y apprenait que 1 768 387 ménages ont été dénombrés au Togo, dont 745 221 ménages vivant dans des habitats traditionnels, 541 190 disposants d’habitats semi-modernes et 481 976 d’habitats modernes.
À cette occasion, le gouvernement signalait que l’accès à l’électricité s’établissait à 70,3% des ménages avec une proportion d’à peu près de 9 ménages sur 10 en milieu urbain contre 5 ménages sur 10 en milieu rural. On se demande d’abord qu’est-ce que le gouvernement inclus dans « accès à l’électricité » et comment concilier ces différentes données qui semblent traiter de la même chose? Les 600 000 ménages clients de la CEET rapportés aux 1 768 387 ménages du RGPH-5 ne donnent pas une proportion de plus de 70%, mais précisément 33,93%. Même si on y ajoutait les « connexions araignées » et celles des unités solaires privées, on serait loin du compte. À moins que, par exemple, les termes de ménages aient différentes connotations ou compositions dans les 2 situations référentielles. Autrement, on serait dans un cas « d’estimation créative » en considérant la possibilité d’accès et non l’accès effectif, dans la mesure où si l’énergie électrique est disponible dans un secteur, tous les ménages y résidents seraient alors considérés comme ayant accès (la possibilité d’accès) à l’électricité? Ce serait une éventualité pour arriver à ces chiffres. À défaut on voudrait en avoir le cœur net.
Les résultats économiques et sociaux sont-ils vraiment conformes à la feuille de route 2020-2025 ?
– Le Chef de l’État a dit aussi dans son allocution du 31 décembre 2024, que « tous ces résultats économiques et sociaux sont conformes à la Feuille de Route 2020-2025 que j’avais donnée au Gouvernement et que, sous mon autorité, il applique année après année. »
Tout d’abord, il faudrait rappeler qu’il y avait préalablement le Programme National de Développement (PND) 2018-2022, lancé le 3 août 2018 et bien d’autres. Ce PND lancé en fanfare avec un gratin de conseillers expatriés ambitionnait d’atteindre durant la période 2018-2022 un financement global de 8,3 milliards $US provenant à 65% du secteur privé et 35% public; un cap de 7,6% de croissance à l’horizon 2022; 50% de taux de bancarisation et 1 million d’emplois, dont 500 000 emplois directs. Et 2022 est passé depuis bientôt 3 ans sans qu’aucun des objectifs fixés ne soit tant soit peu atteint. Seulement que lors de son discours de fin d’année 2022, le Chef de l’État avait mentionné que la Plateforme industrielle d’Adetikopé (PIA) avait créé des milliers d’emplois pour les jeunes; et sans plus de détails. En 2025, cette PIA montre un visage relativement dépérit sans coup férir. Entre-temps, le PND s’est métamorphosé en feuille de route gouvernementale. Il faut dire que le recyclage des concepts est l’un des points forts du pouvoir de Lomé.
La feuille de route gouvernementale 2020-2025 comportait 36 projets et 6 réformes prioritaires orientés en 3 axes stratégiques pour renforcer l’inclusion et l’harmonie sociales et garantir la paix (axe 1), dynamiser la création d’emplois en s’appuyant sur les forces de l’économie (axe 2) et moderniser le pays et renforcer ses structures (axe 3). Nous sommes en 2025, la dernière année de cette feuille de route 2020-2025, alors voyons l’état de situation des ambitions et des indicateurs cibles qui devraient être atteint.
Les ambitions et les indicateurs cibles prévus dans l’axe 1 de la feuille de route 2020-2025
Les ambitions de l’axe 1 consistaient à offrir une identité et garantir la couverture santé et l’accès aux services de base à tous; à offrir une éducation accessible au plus grand nombre et en phase avec le marché du travail; et à assurer la sécurité, la paix et la justice pour tous.
Les indicateurs cibles de l’axe 1 de la feuille de route 2020-2025 sont entre autres, l’atteinte de 95% de la demande en eau potable couverte en zone rurale; 100% Attribution d’une preuve d’identité biométrique à chaque citoyen; 75% Taux d’accès à l’électricité en 2025; entre 40 et 45 élèves par classe au niveau de l’enseignement de base; une population couverte par la Couverture Maladie Universelle à 60%; 86% d’accès de la population aux ouvrages d’assainissement et 95% Population à moins de 5 Km (ou 45 min) d’un centre de soins.
Les ambitions et les indicateurs cibles prévus dans l’axe 2 de la feuille de route 2020-2025
Il était prévu dans l’axe 2 de faire de l’agriculture un véritable moteur de croissance et de création d’emplois; d’affirmer la place du pays en tant que hub logistique et de services; et de créer de véritables industries extractives et transformatrices.
Les indicateurs majeurs envisagés sont principalement des gains de productivité annuels sur l’agriculture entre 2021 et 2025 de 8 à 10%; 80% des routes en état bon ou moyen; 20 entreprises implantées dans le parc logistique et industriel; plus de 120 Milliards FCFA de balance commerciale (export ou substitution aux imports); 4000 km de pistes rurales supplémentaires et 43 millions de conteneurs à l’horizon 2025.
Les ambitions et les indicateurs cibles prévus dans l’axe 3 de la feuille de route 2020-2025
Dans cet axe 3, le gouvernement souhaitait faire du Togo une référence régionale dans le digital; de renforcer l’attractivité du pays auprès des investisseurs; de solidifier les structures de l’État et stabiliser ses comptes publics; de mettre le développement durable et l’anticipation des crises futures au cœur des priorités du pays.
Et les indicateurs majeurs à atteindre à cet égard sont notamment 95% de la population bénéficiant d’une couverture en réseau internet en 2025; 270 MW de capacité électrique supplémentaire mise en place en 2025; 3 Câbles sous-marins opérationnels reliant le Togo au réseau international à l’horizon 2025; 3% de véhicules électriques dans les ventes annuelles de véhicules neufs; 75% des démarches administratives digitalisées; et 15% Part des recettes fiscales sur PIB à horizon 2025.
Alors citoyens togolais, dans quelle mesure « tout ou partie de ces résultats économiques et sociaux dans le Togo actuel en ce début de 2025 sont conformes à la Feuille de Route 2020-2025 », comme l’a mentionné le Chef de l’État dans son allocution du 31 décembre? Et si par extraordinaire tout était beau au Togo, pourquoi les statistiques qui comptent ne l’expriment pas (voir le tableau ci-dessous)?
Doit-on se réjouir de l’endettement du Togo?
– Le Chef de l’État s’est « réjouis que la communauté internationale ait reconnu la qualité de l’action économique du Togo. Cette reconnaissance s’est notamment traduite par la signature de plusieurs accords d’aide au financement d’investissements et de programmes sociaux par les grandes banques de développement comme la Banque Mondiale, la BAD (la Banque Africaine de Développement) ou la Banque Ouest Africaine de Développement. »
L’endettement du Togo reste élevé et frôle actuellement la marque de l’insoutenabilité (70 %) de la dette. Déjà en en 2023 son niveau d’endettement de 3 707,8 milliards FCFA représentait 68 % de son PIB, dont 61,4 % de dette intérieure essentiellement composée de titres d’États émis sur le marché sous-régional. En 2024, le niveau d’endettement a progressé et était estimé à 68,8 % du PIB. Le Togo est depuis quelques années hyperactif sur les marchés d’émissions de l’UEMOA, presque bimensuellement. Le problème fondamental est que cet endettement effréné est loin d’être structurant. On ne saurait s’en réjouir d’aucune façon. Qu’avons-nous fait ou que faisons-nous de ces emprunts?
Et depuis quand le niveau d’endettement est l’expression d’une reconnaissance de la part des prêteurs qui font des affaires? Les affaires sont les affaires. Par exemple la Zambie qui s’était lancée dans un endettement non structurant avait dû déclarer faillite en 2020. Elle était entrée officiellement en défaut de paiement, à la suite du refus de sa demande de moratoire par les pays créanciers. La même année l’Angola, malgré son potentiel énorme, avait aussi connu une crise de la dette pour cause de décisions non judicieuses. D’autres pays ont vécu la même problématique, plus ou moins. Alors, le fait de recevoir des prêts n’est pas intrinsèquement une reconnaissance de la qualité d’une action économique. Encore que les conditions de la dette, notamment quand les taux d’intérêt leur sont favorables, certains prêteurs ne lésinent pas. Ce qui reste fondamental est ce à quoi est destiné le prêt, la création de valeurs ou la consommation ou encore les dépenses de prestige.
Le Togo une véritable démocratie à partir de février 2025?
Le Chef de l’État conclut ses vœux pour l’année 2025 en mentionnant que « en février prochain, un Sénat sera mis en place et dans les mois qui suivent la réforme constitutionnelle votée en 2024 entrera en vigueur. Le Togo deviendra alors une véritable démocratie parlementaire comme c’est le cas dans plusieurs grands pays, notamment l’Inde, l’Ile Maurice, le Royaume-Uni ou l’Allemagne, par exemple ».
Toutefois, la corruption reste l’un des boulets de l’économique togolaise et de l’administration. Déjà, l’index 2022 de perception de la corruption de transparency international donne au Togo un score de 30 sur 100 et un rang de 130 sur 180 pays évalués. Ce fut le même score en 2021. En comparaison avec ses voisins, le Burkina Faso occupe le 77e avec un score de 43, le Ghana, le 72e au même titre que le Bénin avec un score de 42.
Lors de son discours du 26 avril 2012 dans le cadre du 52e anniversaire de l’indépendance du Togo, Faure Gnassingbé fustigeait que « lorsque le plus petit nombre accapare les ressources au détriment du plus grand nombre, alors s’instaure un déséquilibre nuisible qui menace jusqu’en ses tréfonds la démocratie et le progrès ». Nonobstant, aucun indélicat n’a eu à rendre des comptes, apparemment. Au contraire le tentacule de la corruption s’étend jusqu’à ce que le Président de la Cour Suprême, M. Abdoulaye YAYA, ne pose le constat ne février 2023 que « la minorité pilleuse qui a été dénoncée dans ce pays est devenue une majorité prédatrice tentaculaire, et à cette allure, personne n’est en sécurité… En dehors du football, la corruption est devenue le sport national ».
En 20 ans de pouvoir ou presque, on n’a pas observé un début de lutte effective contre la corruption, le cancer métastasé de la gestion politique au Togo, malgré les nombreux scandales. De mémoire, on ne saurait citer de rapports de la Cour de compte, d’inspection générale de l’État, d’audits ou autres qui ont connu une suite ou un suivi au Togo. La minorité nuisible dont le Chef de l’État à connaissance déploie allègrement ses tentacules. Le peuple subit et languit. Alors, qu’est-ce que ce parlementarisme à la sauce togolaise apporterait à la lutte contre la corruption par exemple? Le Président du conseil des ministres qui sera choisi selon la constitution imposée de la 5e république qui se voit confier l’absolu des pouvoirs exécutifs n’est pas un élu sous aucune forme, contrairement aux régimes parlementaires en Allemagne, Grande-Bretagne, Inde, Ile-Maurice, Italie, etc. Et le summum de l’incongruité de ce régime parlementaire à la sauce RPT/UNIR reste que ce Président du conseil peut prononcer la dissolution de l’Assemblée nationale après consultation de son Président (Art. 51). Pire, quand son gouvernement n’obtient pas l’approbation de la majorité des membres de l’Assemblée nationale, il peut aussi dissoudre l’Assemblée nationale (Art. 52, alinéa 2), plutôt que son gouvernement tombe.
Joseph Atounouvi
Source: libertetogo.tg
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