Pia dans la Nasse de la Justice pour Usurpation

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Pia dans la Nasse de la Justice pour Usurpation
Pia dans la Nasse de la Justice pour Usurpation

Africa-Press – Togo. Courant le premier trimestre 2023, la Plateforme Industrielle d’Adétikopé (PIA) annonçait fièrement l’arrivée de plusieurs investisseurs locaux, parmi lesquels le groupe BAWASON, porteur d’un ambitieux projet de production de biocarburants. Présentée comme une opportunité majeure pour l’industrialisation du Togo, cette initiative s’est pourtant heurtée à une gestion opaque et contre-productive de la part de la PIA, censée pourtant soutenir les entreprises locales.

Ironie du sort: c’est la PIA elle-même qui a activement contribué à faire échouer ce projet, en bloquant les démarches administratives et en usurpant un rôle de bailleur privé sur un terrain relevant du domaine public. Résultat: le projet est à l’arrêt, le litige est porté devant la justice, et le tribunal de commerce de Lomé a tout simplement refusé de juger l’affaire, dénonçant un montage juridique bancal.

Les faits: le rêve d’une usine de biocarburant devenu cauchemar juridique

En mai 2022, la PIA SAS signe un contrat de bail à usage professionnel avec la société BAWASON GROUP SARLU, pour la location d’un terrain de 10.000 m2 au sein de la zone industrielle d’Adétikopé. Le bail est conclu pour une durée de 10 ans, moyennant un loyer annuel de 65 millions FCFA, et une caution de 37,5 millions FCFA.

L’objectif? Permettre à BAWASON, via sa filiale en création BA&BE CONSORTIUM SARLU, de construire une unité d’assemblage pour la production d’équipements de biocarburants. Le projet obtient le feu vert des autorités: statut de zone franche industrielle, attestation de conformité, etc. Tout semble prêt… sauf que rien ne se passe comme prévu.

Dès les premières pluies, le terrain se révèle totalement inondable et impraticable. Pire: la PIA refuse catégoriquement de mettre à jour le contrat au nom de la société réellement porteuse du projet, empêchant ainsi l’obtention du permis de construire. Le projet est paralysé.

Au cœur du litige: la nature juridique du terrain. Le contrat de bail mentionne que la PIA dispose d’un droit de jouissance de 99 ans sur la parcelle, accordé par l’État togolais. En réalité, il s’agit d’un terrain exproprié pour cause d’utilité publique par décret en 2019, et donc inscrit au domaine public de l’État.

Or, selon le droit OHADA et la jurisprudence de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA), un terrain relevant du domaine public ne peut faire l’objet d’un bail commercial, même entre deux sociétés privées. De par leur nature, les occupations du domaine public sont précaires, révocables, et relèvent du droit administratif. La PIA, en tentant de faire passer ce terrain public pour un bien privé, a violé le droit et induit en erreur son cocontractant.

Cerise sur le gâteau: la PIA a versé au dossier des titres fonciers dont nous avons copie qui ne correspondait pas au site loué, aggravant le flou juridique.

Un refus de collaborer malgré les démarches de BAWASON

Malgré les blocages, BAWASON GROUP ne reste pas les bras croisés: elle multiplie les relances, organise des réunions, transmet les originaux du contrat à la PIA à la demande de celle-ci pour mise à jour… puis plus rien. La PIA entre dans un mutisme total, refusant sans explication de régulariser la situation. Pourtant, la clause 7 du bail stipule clairement que toute cession ou transfert doit être accepté par la PIA, sauf motif sérieux et légitime. Aucune justification n’a jamais été apportée.

Résultat: pas de permis de construire, pas de travaux, pas d’exploitation, et des contrats d’investissement annulés, pour un montant cumulé de plusieurs milliards de FCFA. Ironie dramatique: alors que la PIA bloquait l’avancée du projet, elle réclamait en justice le paiement de trois années de loyers.

Le tribunal de commerce se déclare incompétent

Saisie par la PIA, qui se posait en victime, la justice togolaise a refusé de suivre. Le Tribunal de commerce de Lomé s’est déclaré incompétent pour connaître du litige, en se fondant sur deux éléments clés.

Le tribunal a reconnu que la parcelle est située sur un terrain exproprié appartenant à l’État togolais. En tant que bénéficiaire d’un simple droit d’usage, la PIA ne peut se comporter en propriétaire. Il s’agit donc d’un contrat d’occupation du domaine public, qui ne relève pas du droit commercial mais du droit administratif. Seule la chambre administrative de la Cour d’appel de Lomé est compétente.

« Un bail commercial ne saurait porter sur un domaine public, même s’il est signé entre personnes privées », rappelle le tribunal, en s’appuyant sur la jurisprudence de la CCJA.

Autre faille: le contrat imposait une tentative de règlement amiable d’un mois avant toute action en justice. Or, la PIA n’a fourni aucune preuve formelle de tentative de médiation, ce qui constitue une violation du contrat, empêchant là encore la juridiction commerciale de trancher.

« Par ces motifs, statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en premier ressort ; constate que le contrat de bail qui lie les parties porte sur un domaine public ; juge qu’un tel contrat ne peut recevoir la qualification de bail à usage professionnel au sens de l’acte uniforme de l’OHADA relatif au droit commercial général ; dit donc qu’il s’agit d’un contrat administratif dont l’appréciation relève de la compétence de la chambre administrative de la cour d’appel de Lomé ; se déclare, en conséquence, incompétent u profit de la chambre administrative de la Cour d’appel de Lomé ; condamne la requérante aux dépens » ; lit-on dans le jugement rendu par le tribunal de commerce de Lomé, en son audience publique de la chambre ordinaire du mardi 18 mars 2025.

Le Groupe Bawason réclame donc des dédommagements pour rupture aux tors exclusifs de PI, violations de contrat, faux et usage de faux.

De la demande de restitution de la caution, il est constant qu’elle a versé à la demanderesse la somme de trente-sept millions cinq cent mille (37.500.000) FCFA à titre de caution sans avoir pu jouir des lieux donnés à bail ; que la résiliation du bail entraine la restitution de la caution versée à titre de garantie ; qu’il y a lieu d’ordonner à la demanderesse de lui restituer la somme de trente-sept millions cinq cent mille (37.500.000) FCFA versée à titre de caution ;

« De la demande de dommages intérêts pour préjudice subi du fait de la demanderesse, aux termes de l’article 1142 du code civil « Toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts, en cas d’inexécution de la part du débiteur » ; qu’elle fait valoir qu’il vient d’être démontré que la PIA SAS n’a pas satisfait à son obligation de délivrer les lieux donnés à bail en bon état ; qu’il a été également démontré qu’elle a violé ses obligations contractuelles en refusant sans motif d’actualiser le contrat pour lui permettre d’obtenir les documents administratifs indispensables à la jouissance des lieux ; que le non-respect de ses obligations par la demanderesse lui a causé d’énormes préjudices en ce qu’elle a perdu tous les investissements réalisés sur le chantier ; que par courrier en date du 14 février 2023 adressée à la PIA SAS, elle lui a communiqué le montant cumulé des investissements réalisés sur le site et qui s’élèvent à la somme de cent onze quatorze millions quatre cent quarante-sept mille (114.447.000) FCFA », lit-on dans le jugement portant demandes conventionnelles de Bawason Group.

« Qu’en outre, dans l’espoir d’entreprendre ses activités, elle a signé trois contrats d’un montant de seize millions cinq cent mille (16.500.000) $ Canadiens chacun, soit au total de vingt et un milliard neuf cent soixante-deux huit millions (21.978.000.000) FCFA qui ne peuvent plus être exécuté à cause de l’indisponibilité des lieux ; que l’attitude de PIA SAS a terni son image et a compromis les contrats qu’elle a signés avec ses partenaires commerciaux ; qu’en effet, en entrevant son activité, la PIA SAS a porté atteinte à sa réputation sur le marché ; que tous ces préjudices cumulés s’élèvent à la somme totale de vingt-deux milliards quatre-vingt-douze millions quatre cent quarante-sept mille (22.092.447.000) FCFA ; qu’il y a lieu de condamner la société PIA SAS à lui payer, la somme de vingt-deux milliards quatre-vingt-douze millions quatre cent quarante-sept mille (22.092.447.000) FCFA à titre de dommages-intérêts pour préjudices résultant de la résiliation dudit bail », poursuit Bawason dans ses demandes conventionnelles.

L’affaire va se poursuivre donc à la chambre administrative de la Cour d’appel de Lomé, mis Bawason Group se dit ouvert à toute médiation pour « vite vide ce dossier et passer à autre chose ».

Ce jugement révèle le mode de gestion problématique de la part de la PIA SAS, censée être un pilier de l’industrialisation au Togo. La location illégale de domaines publics, la rétention arbitraire de contrats, le blocage administratif de projets industriels, soulignent un climat d’insécurité juridique peu propice aux investissements.

En clair, au lieu d’encourager les entrepreneurs à s’implanter, la PIA semble parfois agir comme un obstacle, utilisant des pratiques opaques et contraires aux règles du droit public et commercial.

Ce revers judiciaire pourrait bien faire jurisprudence, tant il remet en question la légalité de nombreux baux conclus par la PIA avec des entreprises privées. Il appelle à:Une clarification juridique des statuts fonciers au sein de la zone industrielle ; un audit des contrats signés par la PIA ; Une refonte des pratiques internes, pour garantir la sécurité des investissements au Togo.

Shalom AMETOKPO
Source: LE TONNERRE

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