Africa-Press – Togo. Steeve Rouyar, 44 ans, venu de Guadeloupe, a été arrêté à Lomé lors de manifestations contre le pouvoir de Faure Gnassingbé.
Cette photo de Steeve Rouyar, 44 ans, détenu au Togo depuis le 6 juin 2025, a été diffusée par sa famille et le comité de soutien à sa libération.
Dominique Rouyar est très inquiet: son fils Steeve est « détenu dans des conditions inhumaines et assis dans le noir toute la journée » avec 11 codétenus. « On ne lui donne pas à manger, on ne l’emmène pas se promener, il dort à même le sol », a-t-il assuré à l’AFP lors d’un entretien téléphonique.
La dernière fois que Dominique a parlé à Steeve, fin août, le Guadeloupéen à la stature imposante (1,95 m, 90 kg) lui a confié être « très amaigri ». « Je n’ai pas reconnu sa voix », souffle son père.
Le 6 juin dernier, une rare mobilisation secoue Lomé, la capitale du Togo, pays d’Afrique de l’Ouest tenu d’une main de fer par Faure Gnassingbé, président en poste depuis 2005, après 38 ans de pouvoir de son père Eyadema. La jeunesse veut dénoncer la corruption, l’arrestation des opposants ou des voix simplement critiques, la hausse du prix de l’électricité et la nouvelle Constitution, qui permet au dirigeant togolais de se maintenir à la présidence sans limite de mandats.
« Ça nous a fait un gros choc »
Trois jours plus tard, le parquet de Lomé annonce qu’un Français figure parmi la cinquantaine de « manifestants » arrêtés ce jour-là. Sans nouvelles de lui depuis plus d’une semaine, sa famille découvre sur les réseaux sociaux que Steeve est le Français en question. « Ça nous a fait un gros choc », confie son frère Mickaël à l’AFP. « On sait très peu de choses sur la manière dont il a été arrêté et les motifs d’inculpation ».
Selon l’opposition, la violente répression des manifestations de juin a fait sept morts – le parquet a fait état de 5 morts « par noyade ».
Après avoir gardé l’affaire sous silence, espérant que la diplomatie parvienne à sortir Steeve de prison, la famille Rouyar a commencé à alerte les médias fin juillet.
Selon la chaîne La 1re et la radio RFI, Steeve Rouyar est poursuivi pour troubles à l’ordre public aggravés, faits qu’il a reconnus devant un juge d’instruction, pour lesquels il risque un à cinq ans d’emprisonnement. Mais aussi pour le chef d’« atteinte à la sûreté de l’État », ce qu’il conteste, puni de 20 à 30 ans d’emprisonnement. Il aurait notamment participé à la fabrication de tracts, selon l’AFP, avant d’être arrêté lors d’un rassemblement et détenu au Service central de recherche et d’investigation criminelle (Scric).
« Une expérience extraordinaire »
Expert-comptable originaire de Guadeloupe, âgé de 44 ans et père de deux enfants, il n’hésite pas à exprimer ses idées politiques. Il a été candidat à trois reprises aux élections législatives (2017, 2022 et 2024) pour le Nouveau front populaire, ne récoltant jamais 1 % des voix. Sur ses comptes sociaux, il fustige régulièrement la politique d’Emmanuel Macron, la vaccination anti-Covid, et affiche son soutien à la cause palestinienne.
Selon sa famille, l’aîné de la fratrie Rouyar est venu au Togo pour ouvrir un nouveau cabinet d’expertise-comptable sur un marché africain « amené à exploser d’un point de vue économique », expliquait Steeve à la chaîne La 1re qui lui consacrait un portrait au mois de mai. Il n’aborde pas les difficultés administratives auxquelles sa famille dit qu’il s’est heurté pour créer son activité mais vante le potentiel du pays et du Bénin voisin, et décrit « une expérience extraordinaire », « enrichissant(e) sur le plan personnel, professionnel et spirituel ». « J’ai appris que j’avais un ancêtre du côté du Bénin. J’ai croisé des personnes qui ressemblaient trait pour trait aux habitants d’Anse-Bertrand », sa commune en Guadeloupe.
Une pétition a été lancée en juillet et un comité monté pour soutenir la libération du quadragénaire. En espérant que le Quai d’Orsay, qui n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP, parvienne à faire sortir Steeve Rouyar
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