Révisions: Inspirez-Vous des Champions !

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Révisions: Inspirez-Vous des Champions !
Révisions: Inspirez-Vous des Champions !

Africa-Press – Togo. Quelle est la meilleure façon d’apprendre? En 2013, cinq chercheurs américains ont tenté de répondre à cette question en évaluant l’efficacité de dix techniques d’apprentissage parmi les plus utilisées ou réputées. Ils ont ainsi passé en revue plus de 700 publications scientifiques, mesurant le plus souvent les résultats obtenus par un groupe de volontaires à qui l’on avait enseigné une méthode d’apprentissage spécifique, en les comparant à un groupe témoin.

Au sortir de cette méta-analyse, les chercheurs américains ont loué les mérites de deux méthodes particulièrement efficaces, qualifié trois tactiques de prometteuses malgré des preuves scientifiques encore insuffisantes, et mis au pilori les cinq dernières stratégies, qui seraient tout bonnement à proscrire. Mauvaise nouvelle: il y a de fortes chances que vous ayez utilisé ou utilisiez toujours les pires techniques selon la science…

Relire son cours ou ses notes aurait ainsi étonnamment très peu d’intérêt. Les différentes études montrent tout au plus quelques bénéfices sur la seconde lecture, mais qui s’effondrent dès les relectures suivantes. Une habitude pourtant encore bien ancrée, probablement car elle nécessite peu d’efforts et offre une illusion d’apprentissage bien confortable.

Autre grand classique des révisions: extraire d’un texte ou d’une prise de notes les points importants, sous forme de fiches ou simplement en surlignant des passages clefs. La méthode a été testée chez des étudiants, des jeunes enfants, et jusqu’à des pilotes de chasse, sur des sujets variés et des textes de longueur différentes, avec à chaque fois peu ou prou les mêmes conclusions: surligner ou isoler des points centraux n’aurait au mieux que des effets très limités, voire serait contreproductif en empêchant de faire des connexions entre les informations à retenir.

Trois sessions d’une heure valent mieux qu’une séance de trois heures

Faudrait-il mettre alors au placard toutes nos habitudes d’apprentissage? Selon les auteurs, c’est une certitude, tant les méthodes à l’efficacité scientifiquement prouvée vont bien souvent à l’encontre des pratiques habituelles. Ainsi, la première des techniques encensées par les chercheurs se pose comme l’exact opposé du traditionnel bachotage des étudiants.

Comme son nom l’indique, l’apprentissage distribué (ou pratique distribuée) consiste simplement à espacer ses temps d’apprentissage. Très concrètement, la mémorisation est sensiblement meilleure lorsqu’on fait trois sessions de révision d’une heure – voire six sessions d’une demi-heure – plutôt qu’une seule séance de trois heures. « Avec le temps, nous oublions, ou plus exactement nous ne sommes plus capables d’accéder aux informations que nous avons apprises. Ces traces de mémoire doivent être réactivées régulièrement pour ancrer l’information dans le temps long », explique Laurence Taconnat, professeure en psychologie cognitive à l’université de Tours où elle enseigne notamment les mécanismes de mémorisation.

Joindre le geste à la parole: le truc du comédien

Comment les comédiens retiennent-ils leur texte? En le vivant, tout simplement. Manon, Boris et Nathalie jouent ensemble dans Maisons ou Celles et ceux qui bâtissent, une pièce d’Aude Schmitter créée en 2025 par la compagnie Akalmie Celsius. Et chacun a ses petits trucs. Leur point commun? Une mémoire qui passe par le corps, le mouvement, les émotions. Si Manon recopie ses répliques pour les visualiser, rien ne vaut les répétitions et la présence des autres, quand le corps entre en jeu. « Lorsque je dis une phrase dans une position précise, elle s’ancre. Le mot se lie avec tout l’environnement autour. » Elle associe aussi la mémorisation de son texte à « une émotion, une sensation, un souvenir vécu ou inventé.  » « Mon truc, c’est la piscine, confie Boris. J’apprends mon texte en faisant des longueurs, en respirant régulièrement. » La vaisselle ou le ménage fonctionnent aussi: « J’ai besoin d’être occupé, ça libère la tête. » Mais il nuance: « J’intègre rapidement le texte brut, mais cela ne veut pas dire que c’est fixé. Il faut retravailler encore. »

Le vrai apprentissage se passe au plateau quand le texte s’associe au mouvement, imprègne le corps. Nathalie, quant à elle, travaille à l’oreille et s’appuie sur la réplique de ses partenaires. Avec Manon, elles partagent la technique du collage des mots: « Quand je n’arrive pas à enchaîner deux phrases, je colle le dernier mot de la première au premier mot de l’autre, et j’essaye de trouver un sens à ce collage, de le mettre en image. » Et une fois la pièce terminée, le texte s’efface-t-il? Pas tout à fait. « Je pense que je nettoie ma mémoire, je le range quelque part, explique Nathalie. Mais il peut revenir à tout moment, sans prévenir. » Le souvenir est là, latent, prêt à resurgir au détour d’une odeur, d’un mot, d’un geste. Parce qu’un texte, ça ne s’oublie jamais tout à fait.

Pour combattre l’oubli, espacez vos révisions

Cette idée découle entre autres des travaux du psychologue allemand Hermann Ebbinghaus qui, à la fin du 19e siècle, s’acharna à retenir et tester sa mémorisation de quelque 2.300 syllabes combinant successivement une consonne, une voyelle et une consonne. Il tira de cette somme colossale de données une « courbe de l’oubli », montrant la mémorisation chuter de manière exponentielle avec le temps. Il nota cependant qu’après chaque nouvelle révision, la pente de la courbe semblait s’adoucir. Autrement dit, chaque révision ancre un peu plus l’information et ralentit le processus d’oubli.

Reste à savoir de combien de temps il faut espacer ces séances de mémorisation. « On retrouve souvent l’idée qu’il faudrait rafraîchir sa mémoire juste au moment où l’on commence à oublier l’information, mais c’est toute la difficulté d’extrapoler les résultats de recherches menées dans des conditions expérimentales très contrôlées pour en faire des recommandations au quotidien », nuance le directeur de recherche au CNRS Franck Ramus.

Avec l’équipe qu’il dirige à l’École normale supérieure, il a publié en 2021 une méta-analyse qui remet en question une autre stratégie fréquemment mise en avant: l’apprentissage expansé, ou l’idée qu’il faudrait espacer de plus en plus les phases de révision pour un apprentissage optimal. « C’est ce qui a été préconisé pendant des années, mais notre étude ne trouve pas de bénéfices nets à cette technique. En revanche, cela ne remet nullement en cause l’idée qu’il faut de toute façon espacer dans le temps les phases de révision ! »

Plutôt que de relire vos notes, testez vous-même vos connaissances !

À ce stade, une question se pose: réviser ses connaissances de manière espacée, certes, mais sous quelle forme, si le surlignage et la simple relecture sont si peu utiles? C’est là qu’intervient la seconde technique d’apprentissage plébiscitée par les cinq chercheurs américains… et tant d’autres. « C’est probablement la technique qui fait le plus consensus dans la communauté scientifique, répliquée et validée par des centaines d’études », assure Franck Ramus.

Celle-ci est on ne peut plus simple: plutôt que de relire vos notes, testez vous-même vos connaissances. « Cela peut passer par des autotests – se poser des questions sur ce que l’on a retenu avant de vérifier si on a bon – ou créer soi-même des QCM, des textes à trous, organiser des quiz entre plusieurs membres d’un groupe de révision… liste Mathieu Hainselin, maître de conférences en psychologie expérimentale à l’université de Picardie Jules-Verne. Quel que soit le sujet, toutes les études montrent des effets vraiment nets. » Un exemple parmi des centaines d’autres: dans une étude publiée en 2008, les chercheurs ont demandé à des étudiants d’apprendre du vocabulaire dans une langue étrangère, soit en le relisant régulièrement, soit en se testant régulièrement. Une semaine plus tard, le premier groupe avait retenu 36 % des mots en moyenne, contre 80 % dans le second groupe.

Ces deux grands piliers d’un apprentissage efficace, l’autotest et les révisions espacées, Sébastien Martinez ne les aborde pourtant pas immédiatement lorsqu’il prodigue ses formations pour booster la mémoire de salariés de grandes entreprises ou d’étudiants en médecine. « Ces techniques sont très efficaces, mais elles peuvent faire peur aux non-initiés. Je préfère commencer par des méthodes beaucoup plus amusantes et stimulantes, comme les associations d’idées », explique cet ingénieur de formation, champion de France de mémoire 2015, devenu coach et passionné de compétitions dans ce domaine. Un comble pour celui qui disait détester apprendre par cœur pendant ses études, lui qui prépare désormais ses compétitions comme un sportif de haut niveau. De quoi, entre autres, redonner de tête une suite de 312 cartes à jouer ou de 402 chiffres – sur ce dernier exploit, il est cependant loin du champion du monde en titre, le Français Sylvain Arvidieu, qui détient le record de 1955 chiffres retenus en seulement quinze minutes, et avec qui il a créé en 2020 l’Association des sports de mémoire.

Pour accomplir de telles prouesses, Sébastien Martinez pioche dans une palette de moyens mnémotechniques ayant majoritairement recours aux images mentales. Selon le coach en mémoire, ces méthodes sont tout aussi pertinentes pour l’apprentissage au quotidien. « Si, par exemple, vous souhaitez retenir la capitale du Mali, vous allez d’abord vous demander à quoi cela vous fait penser: peut-être avez-vous un ami qui y est allé récemment. Sinon, vous pouvez simplement jouer avec la phonétique. Vous pouvez ainsi penser au boxeur Mohammed Ali, ‘M. Ali’. Pour la capitale, Bamako, vous pensez à un coup de poing, avec l’onomatopée ‘bam’ et l’idée du KO en boxe. Vous construisez alors la scène la plus vivante possible, une image mentale avec le maximum de sensorialité: vous voyez Mohammed Ali donner un coup de poing, vous entendez le son ‘Bam’ et vous imaginez le KO de son adversaire, tout cela avec la clameur du public, la sueur des sportifs, leur adrénaline… »

La création d’associations mentales, si possible loufoques et très imagées, semble en effet diablement efficace pour mémoriser des informations brutes à court et moyen termes, explique Mathieu Hainselin. « Cela donne du sens à des choses abstraites, et mobilise ce que l’on appelle l’effet de distinctivité: notre cerveau a tendance à mieux retenir les images incongrues, qui sortent de l’ordinaire.  »

Ces images mentales sont à la base de la plupart des méthodes utilisées dans les compétitions de mémoire (palais mental, système majeur, etc.). Dans ses formations, Sébastien Martinez les détourne pour les adapter à un contexte d’apprentissage plus classique: lister tous les os du corps humain pour les étudiants en médecine, ou mémoriser le plan et le contenu d’une présentation en entreprise. « Cela permet de retenir plus efficacement des briques de connaissances de base, qui elles-mêmes forment un socle indispensable à la compréhension de sujets plus complexes », avance le champion de mémoire. En bref, de bons outils utiles dans certains cas particuliers, sans qu’elles puissent se substituer aux deux techniques d’apprentissage phares: les autotests et les révisions espacées.

Au-delà de ces méthodes essentielles, plusieurs concepts pourraient faciliter davantage la mémorisation. « Il y a par exemple ce que l’on appelle l’apprentissage génératif, par lequel on va soi-même créer de la connaissance, présente Franck Ramus. Par exemple, en reformulant les informations à retenir, en les réorganisant, en questionnant les liens entre elles, en trouvant d’autres exemples pour les illustrer. On sort ici de la simple mémorisation pour améliorer aussi la compréhension et l’organisation des connaissances. »

Autre conseil complémentaire, essayer de relier les nouvelles informations à nos connaissances déjà acquises. « Globalement, tout ce qui entre dans une démarche active de mémorisation s’inscrira bien plus durablement que ce qu’on a lu de manière passive », résume Laurence Taconnat. Apprendre plus efficacement sans y passer forcément plus de temps est donc possible… Mais cela ne pourra se faire sans quelques efforts, de la motivation et surtout un changement de ses habitudes.

Ce changement, justement, à l’aune des preuves scientifiques qui s’accumulent, est-il aujourd’hui en cours dans les salles de classe et sur les bancs des universités? En d’autres termes, les flashcards et autres autotests ont-ils remplacé les surligneurs? « C’est loin d’être parfait, mais il me semble quand même observer un mouvement de fond depuis quelques années, avec une meilleure connaissance des bonnes stratégies au sein du corps enseignant comme des élèves », note Mathieu Hainselin, qui consacre une partie de son temps de travail à intervenir dans les écoles, collèges, lycées et universités. Une manière de transmettre de nouvelles habitudes d’apprentissage, mais aussi d’étudier comment celles-ci peuvent être adoptées – ou non – via des recherches expérimentales menées dans les salles de classe.

Franck Ramus a quant à lui créé un cours en ligne gratuit à destination des enseignants, afin de former massivement ces derniers aux meilleures stratégies de transmission des connaissances. « Il y a un intérêt grandissant pour le sujet chez les professeurs, mais la majeure partie des étudiants continue aujourd’hui d’utiliser les méthodes les moins efficaces. Tout cela se diffuse, mais plutôt lentement. »

Selon lui, il faudrait que cette question des stratégies d’apprentissage, pourtant présente dans le socle commun de l’Éducation nationale depuis 2015, soit enseignée dès l’école primaire. Mieux apprendre devrait ainsi constituer le premier des apprentissages.

Quatre méthodes pour être au top
Les flashcards

Domaine: toute information simple devant être mémorisée sur le long terme (vocabulaire, fait historique, culture générale… )

Difficulté : 3/5

Les flashcards, ou cartes mémoire, se présentent sous la forme de cartes (en format papier ou virtuelles) avec une question simple au recto et sa réponse au verso. Par exemple: « Capitale de l’Australie /Canberra « , ou « Lieu de naissance de Mozart/Salzbourg « . L’une des utilisations les plus courantes est connue sous le nom de système de Leitner: les cartes sont rangées dans plusieurs boîtes numérotées (généralement entre 3 et 7). Lorsqu’on trouve la bonne réponse sur une carte, celle-ci est déposée dans la boîte suivante, sinon elle retourne dans la boîte d’origine. Idéalement, les cartes de la boîte 1 devraient être testées quotidiennement, celles de la boîte 2 tous les deux jours, la boîte 3 tous les quatre ou cinq jours, etc. Cela nécessite un véritable travail de planification, mais particulièrement payant pour retenir un grand nombre d’informations (certains mémorisent ainsi des milliers de faits et dates en quelques mois !). Plusieurs applications, comme Anki ou Quizlet, reprennent ce système avec des cartes virtuelles, en ajoutant un algorithme plus complexe pour proposer les cartes les plus susceptibles d’être oubliées au bon moment.

Le système majeur

Domaine: dates, nombres

Difficulté : 5/5

Très prisée dans les compétitions de mémoire, cette méthode associe chaque chiffre de 0 à 9 à une ou plusieurs consonnes: le 3 au « m », le 4 au « r », le 9 au « p » et au « b », etc. Une fois ces associations intégrées, un nombre peut être transformé en mot utilisant ces consonnes: par exemple 34 pourra devenir « marais  » et 93 « boum « . Associer ces images mentales entre elles pour créer une histoire permettra alors de retenir de grandes suites de nombres. Ainsi, 34-94-93 devient « mon mari perd une pomme « . Si l’apprentissage initial est long et fastidieux, il permet ensuite de retenir des quantités phénoménales de dates et de nombres.

Les cartes heuristiques

Domaine: ensembles complexes de connaissances, révisions

Difficulté : 1/5

Aussi appelées cartes mentales ou mind maps en anglais, elles constituent un support plus efficace qu’une simple prise de notes pour comprendre (et donc mémoriser) de larges champs de connaissances. Il s’agit de placer le domaine à étudier au centre d’une page blanche. Pour rester dans le sujet, prenons ici la mémoire. Des flèches partiront ensuite de ce mot pour identifier cinq ou six thèmes s’y rattachant: les différents types de mémoire, les mécanismes neurologiques, les troubles liés à la mémoire, les méthodes de mémorisation, etc. Puis, chaque thème sera à son tour subdivisé pour obtenir une représentation visuelle du sujet sous forme d’arborescence. Pas de longues phrases ici, mais des mots, des chiffres clés, des concepts – si possible agrémentés de couleurs, de flèches, de dessins (un vélo pour la mémoire épisodique, un réseau de neurones, etc.). Le simple fait de réaliser une carte heuristique permet de tester ses connaissances, mais aussi d’identifier les informations centrales, de les hiérarchiser, de les relier entre elles… Bref, faire de l’apprentissage génératif.

Le palais mental
Domaine : listes d’objets ou d’informations, potentiellement dans l’ordre

Difficulté : 2/5

Probablement l’une des plus anciennes techniques de mémorisation, connue dès l’Antiquité sous le nom de méthode des loci (lieux en latin). La première étape consiste à construire une image mentale très précise d’un lieu – pour vous aider, choisissez un endroit réel que vous connaissez déjà bien, comme votre maison ou le square à côté de chez vous. Ensuite, vous disséminerez les éléments à retenir à différents endroits de votre palais, si possible avec des images mentales fortes et incongrues. Pour retenir votre liste de courses, imaginez une vache allongée sur votre canapé, des tomates écrasées sur le sol, un dentier accroché au lustre… Difficile alors d’oublier que vous devez acheter du lait, du ketchup et du dentifrice. En disposant ces éléments le long d’un parcours prédéfini au sein de ce palais, vous pourrez même retenir l’ordre desdits éléments. En combinant cette technique à d’autres, comme le système majeur, il devient possible de retenir une longue frise chronologique ou les trente premières décimales de pi.

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