Variole du singe : « Ce virus a un potentiel épidémique »

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Variole du singe :
Variole du singe : "Ce virus a un potentiel épidémique"

Africa-Press – Togo. Plusieurs cas de cette maladie rare qui provoque des éruptions cutanées et de la fièvre ont été recensés en Europe. Une résurgence inquiétante pour India Leclercq de l’Institut Pasteur.

C’est un premier cas en France, après des alertes dans plusieurs pays européens et jusqu’aux États-Unis. La Direction générale de la Santé, a confirmé ce vendredi matin la présence d’un cas de variole du singe en Ile-de-France. Il s’agit d’un homme de 29 ans sans antécédent de voyage dans un pays où circule le virus, qui a été pris en charge et, en l’absence de gravité, se trouve isolé à son domicile.

Depuis le 14 mai, des cas confirmés d’infection par ce virus, rares mais circulant en Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, ont été signalés dans plusieurs pays à travers le monde comme aux Etats-Unis et au Canada. En Europe, le Royaume-Uni en compte moins d’une dizaine, l’Espagne plus d’une quarantaine ont été relevés en Suède ou encore en Italie. Bénigne, mais rare sur le Vieux Continent, cette maladie interpelle les agences sanitaires et fait craindre une résurgence épidémique.

India Leclercq, chercheuse à la cellule d’intervention biologique d’urgence de l’Institut Pasteur et enseignante à Paris Cité, travaille spécifiquement sur ce virus, appelé également Monkeypoxvirus. Elle fait le point pour L’Express.

L’Express : que sait-on de ce virus ?
India Leclercq

: Il est endémique en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. Ce qui veut dire qu’il circule à bas bruit dans ces régions. Depuis les années 2000, on constate une augmentation du nombre de cas dans certaines régions d’Afrique, essentiellement au Nigeria et en République démocratique du Congo. Sa circulation s’est accélérée, on sait désormais que l’on a eu plus de cas ces dix dernières années que dans les quarante précédentes années.

C’est un virus du groupe des orthopoxvirus, et une zoonose virale qui est transmise à l’homme par les animaux comme les rongeurs et les singes. On parle de variole du singe car il a été détecté pour la première fois sur des primates mais on pense que le réservoir du virus se situe chez les rongeurs. Il provoque des infections relativement bénignes et la plupart des personnes se rétablissent en quelques semaines. Il peut y avoir une certaine mortalité, qui est variable en fonction des virus. Il existe en effet deux « clades », ou branches, génétiques, de ce virus. Une qui circule principalement en Afrique de l’ouest et une autre en Afrique centrale, on sait que la branche originaire de l’Afrique centrale est plus pathogène et virulente que celle de l’ouest.

Quelle est cette létalité dont vous parlez ?

Pour le clade d’Afrique de l’Ouest, la mortalité n’excède pas 1%, en revanche pour celle de l’Afrique centrale elle se situe plutôt aux alentours de 8 à 10%. Mais les cas graves sont relativement rares et le plus souvent cette létalité est surtout liée à des problématiques de malnutrition ou une infection bactérienne secondaire ou une immunodépression. Ce sont des problématiques que l’on peut rencontrer dans ces régions d’Afrique où les systèmes de soins ne permettent pas une bonne prise en charge des patients, et comme cette maladie provoque des lésions cutanées cela peut mener à des surinfections bactériennes.

Mais j’insiste, en général la maladie est relativement bénigne. Les symptômes observés sont des maux de tête, des douleurs musculaires, l’apparition de grosseurs au niveau des ganglions lymphatiques, des formes de prostrations chez les enfants, et des lésions qui peuvent apparaître sur le visage et peuvent s’étendre sur le reste du corps.

Le premier cas confirmé en France a été formellement identifié, cela a-t-il été réalisé dans vos laboratoires ?

Non, nous intervenons en urgence, en dehors des heures ouvrées, mais les CHU sont dotés des moyens techniques permettant d’établir ce genre de diagnostic, l’Institut de Recherche Biomédicale des Armées, qui héberge le CNR Orthopoxvirus, peut également le faire.

Ce premier cas confirmé en France doit-il nous alerter ?

Ce qui me semble assez inhabituel, c’est cette dissémination des cas un peu partout en Europe et même ailleurs puisqu’ils en ont aussi aux États-Unis. Jusqu’à présent, on observait des épidémies relativement localisées, et cette fois le nombre de cas est plus diffus, c’est quelque chose d’un peu nouveau. Il reste difficile de donner une explication à cela dans l’immédiat, il faudra enquêter davantage mais a priori on devrait être en capacité de limiter la diffusion du virus. Il est encore trop tôt pour dire si cela peut entraîner une épidémie plus large.

Cette remontée des cas est-elle étonnante ? Pouvait-on s’attendre à une épidémie ?

C’est assez inhabituel d’avoir des cas en Europe. Leur augmentation constante et de manière aussi rapprochée n’a, me semble-t-il, peu ou pas été observé précédemment. Mais ce virus est dans le radar de l’Organisation mondiale de la santé, qui l’a qualifié « d’émergent », et qui doit donc être surveillé. Une étude récente de modélisation a montré qu’il a bien un potentiel épidémique. On pouvait donc s’attendre à voir une augmentation des cas. En revanche, le nombre de cas secondaires actuellement observé est plus étonnant, même s’il reste encore assez limité. En 2003, on a eu une grosse épidémie de Monkeypoxvirus aux aux États-Unis et au Canada, avec 47 personnes touchées, ce qui montre que ce genre de vague n’a rien de totalement inédit. On sait que l’épidémie est endémique et active dans certaines parties de l’Afrique et le premier cas au Royaume-Uni a bien été documenté: il s’agit d’une personne qui revenait du Nigeria, un pays dans lequel le virus circule plus qu’ailleurs.

Mais au-delà de l’origine géographique, Il y a eu ensuite des transmissions interhumaines au niveau local, ce qui signifie que les cas suivants ne sont pas des cas d’importation. Mais ce qui nous rassure, c’est que l’on a déjà eu ce type de transmission et qu’elles peuvent rester localisées voire s’arrêter d’elles-mêmes. Il faut donc attendre de voir ce qui va se passer. La bonne nouvelle c’est que l’on a les moyens de diagnostic pour identifier assez rapidement les nouveaux cas.

Est-ce que l’apparition de ces cas en Europe peut être liée à une résurgence dans ces pays Africains ?

Probablement puisqu’on assiste à une résurgence forte des infections au Monkeypoxvirus dans ces pays d’Afrique. L’hypothèse la plus probable, c’est un arrêt de la vaccination contre le virus de la variole, qui protégeait aussi contre les autres orthopoxvirus, responsables de l’infection chez l’homme.

On a beaucoup vacciné contre la variole jusqu’au début des années 1980, puis à partir de là, quand cette maladie a été déclarée « éradiquée », on a peu à peu arrêté les campagnes de vaccination. On a donc probablement une immunité dans la population qui a diminué et c’est pour ça d’ailleurs que l’on trouve des cas plutôt chez les personnes jeunes qui n’ont pas été du tout vaccinées contre le virus de la variole.

L’autre explication de cette résurgence se trouve du côté de ces populations plus fréquemment exposées au réservoir animal. Et c’est un problème récurrent des maladies émergentes, car ces personnes sont de plus en plus en contact avec la faune sauvage du fait de la mondialisation, des déforestations, les mises en culture, etc.. Et donc ça peut aussi expliquer en partie l’augmentation du nombre de cas. Enfin, on fait aussi plus de diagnostics de cette maladie.

Les cas identifiés en Angleterre, concernent en majorité des personnes homosexuelles ou bisexuelles. Comment expliquer cela ? Pourraient-elles être particulièrement à risques ?

On ne peut pas affirmer pour le moment que la communauté homosexuelle serait plus à risque dans le cas présent, et jusqu’à maintenant, il n’avait pas été décrit de transmission sexuelle pour le virus de la variole du singe. Je me garderai de faire des conclusions hâtives, à partir des données encore parcellaires dont nous disposons.

Est-ce qu’on connaît des traitements ou des vaccins contre cette maladie ?

Il n’y a pas de traitement spécifique pour le virus de la variole du singe, mais il y a un qui a été approuvé aux États-Unis contre la variole, et qui pourrait être utilisé contre la variole du singe. Et puis il y a le vaccin générique contre la variole qui a fait ses preuves puisque cette maladie a été éradiquée grâce à la vaccination qui est aussi efficace à hauteur de près de 85 % contre le Monkeypoxvirus. Ce qui veut dire que si jamais ce virus prenait un petit peu plus d’ampleur, on aurait des moyens de lutte.

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