Africa-Press – Togo. Alors que l’opposant togolais, qui se proclame « président élu », vit caché depuis le mois de juillet, ses avocats ont déposé un recours devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU.
S’il a « disparu » depuis le début du mois de juillet, Agbéyomé Kodjo, qui continue de dénoncer les résultats de la présidentielle du 22 février donnant une large victoire à Faure Gnassingbé, n’est pas pour autant absent de la scène médiatique. L’opposant, qui vit dans un lieu tenu secret par ses proches, multiplie les interventions dans les médias et sur les réseaux sociaux.
Surtout, Agbéyomé Kodjo a décidé de changer de stratégie. Après avoir misé sur la mobilisation de ses troupes au Togo, et après en avoir été pour ses frais, il espère désormais obtenir des soutiens à l’extérieur du pays. Et il a mandaté deux avocats français, Me Pierre-Henri Bovis et Me Robin Binsard, pour mener la charge.
Ceux-ci ont déposé une requête devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU. Ils dénoncent la « privation de liberté inique et attentatoire au droit international ainsi qu’à la Constitution togolaise » dont serait victime l’opposant togolais.
En cause notamment, l’interdiction qui lui est faite de tenir « tous propos, déclarations ou attitudes tendant à remettre en cause et à saper l’ordre constitutionnel et institutionnel », condition imposée par son contrôle judiciaire lors de sa remise en liberté, le 24 avril dernier, après trois jours de garde à vue au cours desquels il avait été entendu pour « atteinte à la sûreté de l’État ».
Si la procédure s’annonce longue (la prochaine session du Comité des droits de l’homme de l’ONU est prévue en novembre prochain), et que les décisions de ce comité ne s’imposent pas aux États, les avocats de Kodjo n’en comptent pas moins sur l’impact de cette action.
« Nous demandons au Comité de constater la violation des droits et libertés d’Agbéyomé Kodjo. C’est une procédure qui peut avoir un pouvoir symbolique très fort, et un impact diplomatique important », insiste Me Binsard, qui confie que cette action n’est « qu’un premier pas », et prévoit des recours devant d’autres instances internationales dans les semaines à venir.
Dans le même temps, Kodjo, qui affirme avoir pris le maquis parce qu’il « craint pour sa vie », multiplie les interventions en tant que « président démocratiquement élu ». Dans un message audio diffusé début septembre, le président du Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MPDD) a réitéré ses appels à manifester.
« La vraie fausse victoire de Faure Gnassingbé n’est pas légitime et ne pourrait se prévaloir de légalité pour longtemps encore », lance notamment Kodjo, dont l’immunité parlementaire a été levée en mars dernier à la demande du parquet de Lomé après qu’il s’est autoproclamé président de la République.
Des prises de parole que l’on balaie d’un revers de la main dans les couloirs de la présidence. « Sur le plan politique, c’est un non-évènement, glisse un conseiller de Faure Gnassingbé. Mais au niveau judiciaire, ses agissements tombent sous le coup de la loi. »
« Le Togo mérite mieux que cette arlequinade. Notre pays a déjà tourné la page de l’élection présidentielle de 2020 et poursuit résolument sa marche sous la houlette du chef de l’État qui a été élu par une large majorité de Togolais », martèle en écho une cadre du parti présidentiel, l’Union pour la République (Unir).
Inculpé d’atteinte à la sûreté de l’État, de diffusion de fausses informations et de troubles aggravés à l’ordre public, Agbéyomé Kodjo s’est volatilisé alors que, le 10 juillet, il faisait l’objet d’une nouvelle convocation judiciaire. Les autorités togolaises ont annoncé, quelques jours plus tard, l’émission d’un mandat d’arrêt international à son encontre. Rivalité ancienne
La rivalité entre les deux hommes, qui a pris un tour radical depuis la proclamation des résultats de la présidentielle, est ancienne. « Agbéyomé Kodjo s’est toujours présenté comme le fils spirituel et le dauphin incontournable de feu Eyadéma, jusqu’au jour où ce dernier a désigné officiellement Faure comme son successeur et l’a présenté aux barons du parti », rappelle un ancien haut cadre du Rassemblement du peuple togolais (RPT), le parti fondé par le père de l’actuel président togolais lorsqu’il était au pouvoir, qui s’est mué en 2010 en l’Unir, sous l’impulsion de Faure Gnassingbé.
À en croire un proche du président togolais, Agbéyomé Kodjo « n’a jamais digéré l’accession de Faure Gnassingbé au pouvoir ». Une chose est sûre : un éventuel règlement politique de cette « crise » entre les deux hommes semble s’éloigner chaque jour un peu plus.