
Africa-Press – Togo. Le ministre des Affaires Etrangères, de l’Intégration régionale et des Togolais de l’Extérieur, Prof. Robert Dussey est résolument pour un changement de paradigme dans les relations entre l’Afrique et ses partenaires occidentaux et du reste du monde.
Dans une tribune publiée par le quotidien genevois « Le Temps », le chef de la diplomatie togolaise a relevé le traitement et
le second plan qui est réservé à l’Afrique depuis la nuit des temps par ses partenaires quand il s’agit des questions d’émancipation et de développement.
« Le rôle assigné à l’Afrique depuis le début de la guerre en Ukraine est évocateur de l’image qu’ont encore les grandes puissances de notre continent : leur zone d’influence. L’Afrique n’a pratiquement aucun impact sur l’ordre mondial actuel alors qu’elle subit très drastiquement les conséquences des perturbations de la société internationale. Elle ne revêt un intérêt aux yeux des grandes puissances que lorsqu’elles se retrouvent en difficulté. Avant de se préoccuper du positionnement de l’Afrique dans le conflit ukrainien, il faut se préoccuper d’abord de la place que l’Afrique occupe sur la scène du monde. Aujourd’hui, l’Afrique n’occupe pas la place qu’elle devrait tenir sur la scène internationale. Pour preuve, dans toutes les discussions relatives au conflit russo-ukrainien, l’Afrique a été mise à l’écart alors même qu’elle subit de plein fouet les conséquences de cette crise qui affecte gravement la sécurité alimentaire du continent », », a relevé le Chef de la Diplomatie togolaise.
Pour de nombreuses grandes puissances, poursuit le ministre togolais, le continent africain n’a pas de rôle à jouer en tant qu’acteur « majeur » au sens kantien du terme sur la scène internationale.
« Elles pensent habiter le même monde alors que le monde a profondément changé », ajoute-t-il.
Pour Robert Dussey, il est inadmissible qu’après 77 ans de la création des Nations Unies, l’Afrique n’a toujours pas une place parmi les membres permanents du Conseil de Sécurité depuis occupé par les cinq puissances mondiales à savoir la Chine, les Etats-Unis, la Russie, la France et le Royaume Uni.
« Bien que le projet d’intégration africaine soit toujours en chantier, un consensus s’était depuis dégagé entre les Etats africains au niveau de l’Union africaine sur la nécessité pour le continent d’obtenir deux places de représentants permanents au sein du Conseil de sécurité, en plus des deux places de membres non-permanents réservées aux Etats africains. Malgré ce consensus général des quasi 54 Etats membres, les réticences des membres du « P5 » à voir l’Afrique occupée cette place ne font aucun doute. La voix de l’Afrique ne semble malheureusement pas être entendue, car certains ne veulent tout simplement pas que l’Afrique soit un continent fort », a écrit le chef de la diplomatie togolaise.
Pour lui, les grandes puissances veulent « réduire » l’Afrique à une entité purement instrumentale au service de leurs causes et ne veulent visiblement pas que le continent puisse jouer un rôle important, voire un des rôles principaux dans le monde.
Ils s’efforcent le plus souvent à amener les Africains à adhérer à leur « narratif » et, in fine, les Africains servent utilement à soutenir un camp contre un autre. Quand il s’agit de voter une résolution au Conseil de Sécurité, nous sommes activement sollicités d’un côté comme de l’autre. L’Afrique est alors très courtisée, voire même mise sous pression par certains de ses pays partenaires, dénonce le professeur Robert Dussey, tout en rappelant que le monde s’est décentré pour devenir multipolaire.
« Pour paraphraser Blaise Pascal, le monde est devenu un tout dont le centre est à la fois partout et nulle part. Et l’Afrique ne peut et ne veut plus être les wagons d’une seule et même locomotive. Beaucoup de pays africains ne se sentent plus aujourd’hui trop liés au sens d’embrigadement par l’histoire coloniale et se montrent très enthousiastes à travailler avec de nouveaux partenaires », a-t-il indiqué.
Le ministre togolais souhaite vivement un changement de mentalité et de comportement chez les partenaires de l’Afrique qui d’après lui, viennent chacun, sans exception, en Afrique, avec des agendas avant tout dictés par leurs propres intérêts.
« Pour l’Occident tout comme pour l’Est, je ne crois pas que les mots « partenariat » ou « alliés » soient toujours bien compris, quand il s’agit de l’Afrique. L’Afrique n’a pas certes les mêmes mégaphones comme les grandes puissances du monde, mais la voix de l’Afrique compte et doit compter si l’on veut avoir l’Afrique comme partenaire sur les grands sujets internationaux », a-t-il écrit.
Prof. Robert Dussey estime dans sa tribune que l’Afrique doit prendre son destin en main pour peser désormais sur la scène mondiale.
« L’Afrique veut coopérer avec ses alliés sur la base de ses intérêts bien compris. Pour ce faire, nos partenaires doivent se défaire des imaginaires qui sont en grande partie forgés aux XIXe et XXe siècles et qui sont en dissonance manifeste avec le XXIe siècle, siècle où les défis nationaux ou régionaux ont des implications globales et les défis mondiaux des déclinaisons et ramifications régionales, nationales, voire locales. Les répercussions et les perturbations économiques actuelles à l’échelle internationale, résultats directs du retour de la guerre en Europe, constituent une belle illustration », a écrit Prof. Robert Dussey.
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