Africa-Press – Cameroun. L’entrée en vigueur d’une taxe de 0,2 % sur les transactions électroniques met en émoi les usagers camerounais sur les réseaux sociaux. Face à cette mesure du gouvernement Biya, les opérateurs ripostent en ordre dispersé.
Le ton monte sur les réseaux sociaux camerounais contre la loi de finances 2022, entrée en vigueur le 1er janvier. Les revendications concernent en particulier une taxe de 0,2 % sur les transferts et retraits d’argent issus des portefeuilles de mobile money comme Orange Money ou MTN MoMo.
Celle-ci est prélevée par les opérateurs de télécommunications qui doivent reverser aux finances publiques les montants collectés le quinzième jour du mois. Le texte prévoit néanmoins une exception pour les virements bancaires et les transactions concernant le règlement des impôts et autres taxes.
Une « taxe contre les pauvres »
Aussitôt mise en application, la mesure a déclenché un tollé auprès des consommateurs qui n’ont pas tardé à exprimer leur mécontentement sur les réseaux sociaux et notamment sur Twitter, où les hashtags #EndMobileMoneyTax et #WeSayNo ont été créés.
En 72h, 11 910 tweets dénoncent l’instauration au #Cameroun d’une taxe sur les transferts d’argent via #MobileMoney, avec les hashtags #EndMobileMoneyTax et #WeSayNo.
En octobre 2020 déjà, 150 000 tweets avaient été postés en 15j avec #EndPhoneTax, faisant céder les autorités. pic.twitter.com/nvM5ZiEoZH
« Le mobile money est juste un mode de paiement. Il n’y pas de taxe si je paye par chèque. Pas de taxe si je paye par cash. Il n’y a pas de taxe si je paye par virement bancaire. C’est une taxe contre l’innovation. C’est une taxe contre les pauvres », déplore, dans un tweet publié le 2 janvier, Rebecca Enonchong, dirigeante de la société AppsTech et personnalité engagée en faveur de la liberté d’expression, très suivie sur les réseaux sociaux.
Rares sont les pays ayant décidé d’appliquer une telle mesure fiscale
Contactée par Jeune Afrique, la patronne camerounaise précise que « le mouvement ayant commencé juste le 1er janvier, nous n’avons pas encore eu d’interactions avec les autorités. « Je pense que les opérateurs aussi essayent de mieux comprendre la loi », avance-t-elle en soulignant « le côté régressif de cette taxe qui décourage l’innovation et l’inclusion financière ».
Les challengers tentent d’en profiter
De leur côté, MTN et Orange, les deux principaux opérateurs de mobile money du pays sont pour l’instant restés silencieux sur le sujet, se contentant d’informer leurs clients par SMS de l’effectivité de cette nouvelle taxe. C’est par ce message, reçu le lendemain des festivités du nouvel an, que la majorité des camerounais ont appris l’existence de cette nouvelle taxation. Et c’est ce qui explique pourquoi la fronde n’a lieu que maintenant, alors que la loi contenant la mesure controversée est discutée depuis le mois de novembre.
« La loi a été signée le 16 décembre, une semaine avant Noël, et la mesure sur la taxation se cache au milieu d’un texte de 72 pages », ajoute Rebecca Enonchong.
Pour leur part, le challenger Express Union Finance, présent sur le marché depuis 1997 avec 700 agences à travers le pays, ainsi qu’EMI Money, créé en 2011, tentent de profiter de l’occasion pour capter de nouveaux clients. Le premier promet ainsi de supporter la charge de la taxe pour des dépôts et retraits compris entre 1 et 25 000 F CFA (soit jusqu’à 38 euros environ). Le second confirme l’application de frais progressifs sur les transferts allant jusqu’à 10 millions de F CFA, des frais négociables en guichet pour des montants supérieurs.
Ailleurs sur le continent, rares sont les pays ayant décidé d’appliquer une telle mesure fiscale. Au Ghana, un projet de loi similaire nourrit les débats depuis novembre 2021, amenant certains partis de l’opposition à boycotter les débats au Parlement et produisant même une bagarre entre députés, le 20 décembre, puis une grève des agents du réseau de distribution trois jours plus tard.
Dans le cadre d’un projet de loi relatif au budget 2022, une disposition baptisée « E-levy » prévoit en effet une taxe de 1,75 % sur les paiements, transferts de fonds, virements bancaires et paiement marchands électroniques. Cette dernière doit être appliquée sur les montants supérieurs à 100 cédis (environ 14 euros), que la dépense ait été réalisée en une seule fois ou en plusieurs dans une même journée
Cette taxe, devant être mise en application en février, n’a pas encore été votée. Début décembre, le gouvernement ghanéen a proposé de baisser le taux de prélèvement à 1,5 % – contre un taux de 0,5 à 1 % réclamé par l’opposition. Le projet « E-levy » devait initialement permettre à l’État ghanéen de récupérer près d’un milliard d’euros de recettes.
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