La pauvreté, grande oubliée de la COP28 ?

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La pauvreté, grande oubliée de la COP28 ?
La pauvreté, grande oubliée de la COP28 ?

Africa-Press – Cameroun. Si de nombreuses voix saluent l’accord sur la sortie des énergies fossiles, beaucoup estiment qu’il ne règle rien pour l’Afrique en l’absence de mesures concrètes de lutte contre la pauvreté.

Il y a un an, à la veille de la COP27, l’ancien président nigérian Muhammadu Buhari et le président ougandais, Yoweri Museveni, publiaient chacun un éditorial dans la presse américaine. Dans le Washington Post, le premier se proposait d’expliquer à ses lecteurs « comment ne pas parler du changement climatique aux pays africains ». Dans Newsweek, son homologue ougandais prévenait que « la faillite de l’Europe ne devrait pas être le problème de l’Afrique ». Si les titres de ces articles semblaient éloignés l’un de l’autre, leur tonalité et leur fond étaient semblables.

Hypocrisie occidentale

Les deux dirigeants y dénonçaient « l’hypocrisie » des gouvernements occidentaux, qui ne respecteraient pas leurs engagements – le fonds de 100 milliards de dollars consacré au financement de l’adaptation au changement climatique et de l’atténuation de ses effets dans les pays en développement n’avait toujours pas été alimenté à hauteur des promesses – ou qui, d’un côté, s’opposeraient aux investissements dans les énergies fossiles en Afrique et, de l’autre, lorsque cela les arrange, relancent leurs centrales à charbon. Ils y déploraient aussi les conséquences dramatiques de l’injustice dont ils estiment leurs pays victimes: malgré le rôle négligeable de l’Afrique dans le dérèglement climatique – le continent représente à peine 3 % des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde –, celui-ci subit, plus que d’autres, les conséquences d’évènements climatiques extrêmes. Or ces derniers, et le dérèglement climatique qui les précède, résultent de trois siècles d’industrialisation forcenée ayant apporté prospérité, confort et pouvoir aux pays occidentaux.

Mais ceux-ci estiment aujourd’hui que ce modèle est dépassé, et appellent à une transition vers une économie propre et moralement acceptable. Et ce même si, comme l’indique le président Museveni dans sa tribune, l’exploitation de la totalité des réserves de gaz naturel connues de l’Afrique pour la production d’électricité ferait passer son taux d’émission de gaz à effet de serre à 3,5 % à peine de la totalité des émissions produites au niveau mondial. D’ailleurs, poursuivait-il, « les fonds occidentaux ont été investis dans des projets éoliens et solaires qui reçoivent les applaudissements des représentants du camp de la vertu dans les couloirs du Congrès et les chancelleries européennes, mais qui laissent les Africains sans électricité lorsque le vent ne souffle pas et que le soleil ne brille pas ».

L’enjeu de ce débat est essentiel: la pauvreté. Celle-ci est une menace existentielle pour le continent. Tout doit être fait pour en venir à bout. Le problème, remarquablement résumé par deux jeunes auteurs dans un article paru début 2022 dans la revue American Affairs, est le suivant: « Malgré les tentatives pour trouver des modèles alternatifs de développement économique, il n’y a pas de stratégie réplicable à grande échelle pour développer un pays – pour le faire passer de la pauvreté à la prospérité – qui n’implique un processus massif d’industrialisation. »

Trajectoire déroutante

Mais si l’on regarde les dernières décennies, la croissance du secteur manufacturier – et donc le développement économique, plus généralement – est venue en grande partie de l’est de l’Asie, notamment de la Chine. Dans la majorité des pays pauvres – l’Amérique latine, l’Asie du Sud, le Moyen-Orient et l’Afrique subsaharienne –, la trajectoire des économies a été pour le moins déroutante: un processus simultané de « désagriculturation » et de désindustrialisation, notamment à partir de 1980.

Ce double processus a aggravé la misère en Afrique, mais au moins (pourraient penser certains), la planète en a profité. Sauf que c’est un compromis intenable sur le long terme, car la persistance de la pauvreté en Afrique a des conséquences considérables au-delà du continent. C’est donc la communauté internationale dans son ensemble qui bénéficierait de l’émergence économique du continent, et donc – d’une manière ou d’une autre – de son industrialisation. Par conséquent, toute la question est de concilier cet impératif avec celui, tout aussi crucial, de la préservation de la vie sur terre. Dans un article académique intitulé National responsibility for ecological breakdown: a fair-shares assessment of resource use, 1970-2017, les co-auteurs, dont le professeur Jason Hickel, ouvrent une piste: « Réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre demandera que les pays riches adoptent des stratégies transformatrices de post-croissance et de décroissance. »

Ce 13 décembre 2023, alors que de nombreux observateurs et activistes se réjouissent, à juste titre, que le texte final de la COP28 appelle pour la première fois à une « transition » hors des énergies fossiles, la question reste posée, aux Africains d’abord, à la communauté internationale ensuite: quid du véritable enjeu africain ?

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