Africa-Press – Cameroun. Un lieu de travail agréable implique des salariés plus efficaces. Des milliers d’études portant sur l’éclairage, le bruit, la température l’ont prouvé. Mais il n’existait pas grand-chose sur l’influence de la qualité de l’air intérieur. Dans quelle mesure les polluants qu’on rencontre dans les bureaux et ateliers affectent-ils la créativité des salariés ? C’est à cette question que vient de répondre des chercheurs de l’université de technologie Nanyang de Singapour.
La créativité mesurée en fonction de la règle des « quatre P »
Leurs résultats, publiés dans Scientific Reports,sont particulièrement éclatants: en réduisant de 72% les teneurs en composés organiques volatils (COV) dans un espace de travail fermé, on améliore de 12% le potentiel de création des utilisateurs du lieu.
Pour parvenir à ce résultat (qui n’aurait pu être obtenu sans l’apport financier d’un fabricant de filtres à air), les chercheurs ont dû trouver un moyen de mesurer la créativité d’une personne pour pouvoir en vérifier une augmentation ou une baisse de niveau.
La créativité se définit à partir de quatre critères, dits en anglais « les quatre P ». Le premier P a trait à la personne: c’est la prise en compte des différences individuelles de capacité de création. Le deuxième est le process, soit la méthode utilisée par la personne pour développer son idée. Le troisième est le produit, c’est-à-dire le résultat du process.
Enfin, la pression concerne l’environnement dans lequel la personne a travaillé. La créativité est par ailleurs influencée par une multitude d’interactions qui vont des relations humaines (famille, collègues) à l’environnement physique, en passant par les outils utilisés.
L’apport des briques de Lego
Les chercheurs ont bâti un protocole à partir de cette base théorique. Ils ont pour ce faire utilisé la méthode « Lego serious play ». Cette technique d’animation de réunions de travail utilise les célèbres petites briques en plastique pour améliorer la participation de tous les acteurs réunis autour d’une table.
A partir du sujet à discuter, les participants sont invités à apporter physiquement leur « brique » à la construction commune. Le « Lego serious play » implique la présence d’un coordinateur qui rappelle l’objectif final commun et évite ainsi au groupe de déraper. Il ne s’agit pas en effet de mesurer la créativité individuelle mais celle d’un groupe (la méthode est ainsi utilisée chez des personnes atteintes de démence).
Les chercheurs de Nanyang ont donc modifié la règle du jeu en supprimant le coordinateur pour n’obtenir que des variations individuelles de création. Pendant six semaines, 87 étudiants se sont prêtés à six sessions de quarante minutes consistant à lire un résumé d’un problème global comme le changement climatique, la santé mentale ou la pauvreté, puis d’apporter une solution concrète en élaborant une construction en Lego.
Les participants étaient ensuite invités à écrire une description et une explication de leur proposition. A chaque session, les chercheurs ont fait varier la qualité de l’air du lieu de travail en utilisant une combinaison de filtres qui a permis de contrôler les teneurs en CO2, particules fines de moins de 2,5 microns (PM2,5) et de COV.
Qui de l’activité du cerveau ?
Les constructions ont ensuite été évaluées par un jury de sept personnes spécialement entraînées pour appliquer une grille de notation basée sur l’originalité du projet proposé, son degré de sophistication dans la recherche de la solution, ainsi que la complexité et l’esthétique de la construction.
Les chercheurs ont alors traité statistiquement les scores obtenus par les participants avec les teneurs en polluants, et c’est ainsi qu’ils ont pu déterminer un potentiel de création amélioré de 12% quand les teneurs en COV passent de mille parties par milliard dans un m3 d’air à 272 parties par milliard. Ces derniers polluants sont particulièrement importants en milieu fermé puisqu’ils sont émis par les peintures, papiers peints, les colles des meubles, les produits d’entretien et les bombes à parfum et se retrouvent donc en très forte concentration dans l’air intérieur.
La relation de cause à effet a été moins bien établie avec les PM2,5 et le CO2. Pour les chercheurs, aucun doute n’est permis: étudiants, employés, artistes sont plus créatifs quand l’air est plus sain. L’étape prochaine annoncée par l’équipe singapourienne est de déterminer les mécanismes qui impliquent une action des polluants sur la créativité en mesurant l’activité du cerveau lors de ces exercices de Lego.
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