Pourquoi voit-on des couleurs que les autres mammifères ne perçoivent pas ?

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Pourquoi voit-on des couleurs que les autres mammifères ne perçoivent pas ?
Pourquoi voit-on des couleurs que les autres mammifères ne perçoivent pas ?

Africa-Press – Cameroun. Vous vous êtes sûrement déjà demandé comment votre chien percevait le monde. Sa vision est en effet bien différente de la nôtre: il distingue le bleu et le jaune, mais voit très mal le rouge et le vert. A l’origine de ce contraste, il y a les cônes, des photorécepteurs qui permettent de détecter les couleurs de manière différente. Si la plupart des mammifères possèdent des cônes spécifiques à la lumière bleue ou verte. L’Homme et d’autres primates apparentés possèdent également des photorécepteurs qui détectent la lumière rouge, ce qui accroît notre capacité à voir des couleurs variées.

« On dit souvent des chats et des chiens qu’ils sont daltoniens, mais il serait plus exact de dire qu’ils ne voient pas le rouge », précise Robert Johnson, premier auteur de l’étude. Avec son équipe de l’université Johns-Hopkins, il a identifié le processus à l’origine de la fabrication de certains cônes plutôt que d’autres, en cultivant des « mini-rétines » en laboratoire. Leurs résultats ont été publiés dans la revue Plos Biology.

Des cônes et des bâtonnets pour voir

L’être humain détecte la lumière à l’aide de photorécepteurs. Les bâtonnets sont utilisés la nuit et servent à la perception des lumières faibles tandis que les cônes sont utilisés pendant la journée et nous permettent de voir les couleurs. Il existe trois types de cônes, différenciés selon la longueur d’onde à laquelle ils sont sensibles: bleue, verte ou rouge. Dans cet article, les chercheurs ont étudié la formation des cônes verts et rouges pour comprendre la différence de vision entre les humains et les autres mammifères. « Jusqu’à présent, on pensait que les cônes se différenciaient aléatoirement entre le vert et le rouge, comme si on jouait à pile ou face. Mais notre étude remet en cause cette idée », éclaircit Robert Johnson lors d’un entretien avec Sciences et Avenir.

Cône vert ou rouge, quelle différence ?

Les cônes verts et rouges sont très similaires. Seule l’opsine, une protéine qu’ils synthétisent, les différencie. C’est elle qui est à l’origine de la détection de la lumière et de la reconnaissance des couleurs. Les gènes de chaque capteur restent identiques à 96%, mais différentes opsines déterminent le type de cône dont il s’agit: opsine M pour les cônes verts ou L pour les cônes rouges.

Des organoïdes rétiniens en culture

Impossible pour les chercheurs de travailler directement sur le développement des yeux humains. Ils se tournent donc vers des « mini-rétines », aussi appelées organoïdes rétiniens, qu’ils cultivent pendant 200 jours dans des boîtes de pétri. « Ces expériences, très difficiles à réaliser en raison de leur durée, ont tout de même abouti à des résultats étonnants », explique-t-il.

Dans des conditions normales, l’équipe de Robert Johnson constate que les organoïdes génèrent un mélange de cônes verts et de cônes rouges, avec une majorité de cellules détectant le rouge, comme dans les rétines humaines. « Nous avons alors inséré une petite molécule, l’acide rétinoïque, au début de l’expérimentation. Résultat: les organoïdes présentaient une majorité de cônes sensibles au vert et très peu de cellules détectant le rouge », indique le chercheur.

Mais qu’est-ce que cela signifie ? L’acide rétinoïque est un dérivé de la vitamine A, essentielle à une vision normale car elle est en lien étroit avec des protéines qui détectent la lumière. Cette molécule agirait donc au début du développement rétinien. « Certaines enzymes, protéines impliquées dans les réactions chimiques, augmentent les niveaux d’acide rétinoïque, et conduisent ainsi à la production de cônes sensibles à la lumière verte », résume Robert Johnson. « Avec le temps, ces enzymes ne sont plus produites chez l’humain et la rétine commence à générer des cellules détectant le rouge. »

Les chercheurs ont même mis en évidence un gène clé dans le développement, qui semble agir comme un minuteur et un compteur pour assurer les bonnes proportions de cellules au bon moment. « Il semble que l’Homme et les primates apparentés aient évolué vers de nouveaux gènes et mécanismes qui ont conduit à la génération de cellules détectant le rouge », ajoute-t-il.

Un rapport cônes rouges/ cônes verts variable

L’équipe de Robert Johnson a également cartographié la proportion des deux types de cônes, verts et rouges, dans la rétine de 700 personnes. Étonnamment, celle-ci peut varier de manière considérable d’un individu à l’autre, sans pour autant altérer la vision: « Le jaune est perçu un peu différemment, concède Robert Johnson. Certains voient une balle de tennis jaune, mais pour d’autres, elle tire davantage vers le vert ». Jusqu’à présent, les chercheurs ne parviennent pas à expliquer qu’une telle variabilité n’ait presque aucune conséquence sur la perception visuelle. « A titre d’exemple, si ces types de cellules déterminaient la longueur d’un bras humain, les différents ratios aboutiraient à des longueurs de bras incroyablement différentes », s’étonne l’auteur.

En s’appuyant sur leurs résultats, les chercheurs de l’Université Johns-Hopkins développent aujourd’hui de nouveaux moyens pour transplanter des organoïdes rétiniens à des patients ayant un défaut de vision, dans l’espoir de la restaurer. « Il est essentiel que nous comprenions le mécanisme à l’origine des différents types de cellules de nos yeux pour pouvoir cultiver ces organoïdes avec la proportion correcte de chacun des photorécepteurs », simplifie-t-il.

Curieux de connaître l’évolution de ces mécanismes, les chercheurs ont d’ores et déjà commencé à cultiver des organoïdes rétiniens de singe. « Notre objectif est de comprendre comment toutes les cellules de la rétine sont fabriquées. Il en existe plus de 100 types différents chez l’Homme. Nous n’avons fait qu’effleurer la compréhension des trois types de photorécepteurs à cône (rouge, vert et bleu), et il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir ! » conclut-il.

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