Les Organisations Régionales Africaines : des Experts et Chercheurs se Penchent sur leur Rôle Après 2024

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Les Organisations Régionales Africaines : des Experts et Chercheurs se Penchent sur leur Rôle Après 2024
Les Organisations Régionales Africaines : des Experts et Chercheurs se Penchent sur leur Rôle Après 2024

Anouar CHENNOUFI

Africa-Press – Cameroun. Il importe de savoir pourquoi y a-t-il tant d’organisations régionales, mais avant d’y répondre, il faut se rendre à l’évidence que le continent africain couvre à peu près la même superficie que la superficie combinée de l’Union européenne et des cinq pays suivant: la Chine, l’Inde, le Mexique, le Japon et les États-Unis.

Le fait que 54 pays africains, dont 16 pays enclavés, couvrent la même superficie que ces six régions économiques, signifie que la création de marchés plus vastes, synonyme d’économies d’échelle, nécessite de franchir de nombreuses frontières.

C’est la logique sous-jacente de la Communauté économique régionale africaine (CER), et de son rôle en tant que « pierre angulaire de l’intégration économique africaine » dans le cadre de l’Union africaine.

De même, il existe des regroupements économiques régionaux qui se chevauchent, tels que:

a) la Commission économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC),

b) la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC),

c) l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA),

d) la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).

Des discussions ont été déjà entamées sur la « rationalisation » pour éviter les chevauchements et les doubles emplois.

I – Prolifération d’instances régionales

Il est utile de rappeler que les organisations régionales en Afrique ont représenté un centre majeur pour atteindre les objectifs des gouvernements et des peuples du continent au cours des trois dernières décennies.

Toutefois, suite à l’escalade de diverses menaces à travers le continent, des rôles de pionniers ont émergé pour l’organisation continentale et les Communautés économiques régionales (CER), ainsi que des initiatives de sécurité dédiées dans le cadre des efforts visant à restaurer la stabilité dans de nombreux pays et régions d’Afrique.

Le terme « organisation régionale africaine » couvre une variété de groupes à différents stades d’institutionnalisation, y compris des forums politiques, des arrangements militaires et une variété d’organisations établies. Une organisation régionale africaine représente une forme institutionnelle de coopération qui rassemble trois pays ou plus au sein d’une zone géographique spécifique. Dans ce contexte, cinq catégories d’organisations régionales africaines émergent, déterminées par leurs relations avec l’Union africaine.

Bien que les organisations régionales répondent à un besoin actuel de coordination, la plupart d’entre elles ne sont pas des nouveautés. Beaucoup s’inscrivent dans le prolongement, parfois remanié, de dispositifs coloniaux: c’est le cas de la Communauté de l’Afrique de l’Est (CAE) du côté anglophone ou de l’UEMOA et de la CEMAC du côté francophone en Afrique de l’Ouest et centrale respectivement.

Le franc CFA quant à lui est moins le fruit d’une intégration monétaire récente et réussie qu’un héritage du passé.

Par ailleurs, de nombreuses organisations de gestion des bassins versants ont à l’origine été créées pour faciliter la navigation entre des pays africains récemment devenus indépendants: la CICOS provient de la « Commission tripartite de 1978 entre le Congo-Brazzaville, la République centrafricaine (RCA) et le Zaïre », au début chargée de coordonner la navigation sur le fleuve Congo, et plus tard sur les fleuves Oubangui et Sangha.

La plupart des organismes régionaux sont moins le reflet d’une action collective concertée que d’une histoire qui détermine « motivations politiques et relations de pouvoir », au sein des États et entre eux. En soi, la géographie et l’histoire continuent de jouer un rôle dans la composition des organisations régionales et le mode de participation des pays membres.

En moyenne, un pays africain est membre de huit organisations régionales. Parmi celles-ci figurent les huit Communautés économiques régionales (CER) reconnues par l’Union africaine, des unions économiques, monétaires et douanières de longue date telles que l’Union des douanes de l’Afrique australe (UDAA), l’UEMOA et la CEMAC, ainsi que toute une série d’organisations régionales en charge de la gestion des bassins versants, de la paix et de la sécurité, de l’énergie, ou de la sylviculture.

C’est la République démocratique du Congo (RDC) qui détient actuellement la palme des affiliations: elle est membre de pas moins de 14 organisations régionales africaines.

Bien que d’autres facteurs entrent en ligne de compte, la géographie et la taille du pays importent. Diverses parties de la RDC s’intègrent avec différents pays voisins et donc avec diverses régions, d’où les affiliations à de multiples organisations régionales. La RDC est membre de trois des huit CER reconnues par l’UA, à savoir le « Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA) », la « Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) » et la « Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) ».

La RDC a par ailleurs renouvelé sa demande d’adhésion à la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) en 2019. Si, de manière anecdotique, certains responsables de l’Union européenne (UE) ont laissé entendre par le passé que « chaque pays ne devrait choisir qu’une région », il s’avère sans doute plus important de comprendre ce que les pays et leurs dirigeants attendent de chacun de ces blocs régionaux.

II – Cinq catégories d’organisations régionales africaines valorisées selon leurs relations avec l’UA
1- Organisations postindépendance axées sur l’intégration régionale

Il s’agit notamment du Conseil de l’Entente, de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). À l’exception du Conseil de l’Entente, une initiative africaine créée avant le départ du colonialisme, les deux autres organisations régionales africaines sont la continuation des arrangements coloniaux en Afrique de l’Ouest et centrale après la décolonisation, sous la forme de la « zone franc CFA ».

2- Communautés économiques régionales (CER)

Ce sont des groupements régionaux de pays africains et représentent les piliers de l’Union africaine. Elles ont toutes été formées avant le développement de l’organisation continentale sous la forme de l’Union africaine en 2002.

Bien qu’indépendantes, régies par leurs propres lois et développées individuellement, les CER ont été proposées pour la première fois dans le Plan d’action de Lagos de 1980 et réaffirmées par le Traité d’Abuja 1991 comme base du groupe Communauté économique africaine (AEC), les CER étant devenues la pierre angulaire de la Communauté économique africaine (AEC), le but des CER est de faciliter l’intégration économique régionale entre les membres des différentes régions et à travers la Communauté économique africaine (AEC) plus large, créée dans le cadre du Traité d’Abuja.

Ce traité, en vigueur depuis 1994, ambitionne en définitive de créer un marché commun africain en utilisant les CER comme éléments de base, tout en travaillant également en étroite collaboration avec l’Union africaine dans le cadre de l’Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA).

L’Union africaine reconnaît huit communautés économiques régionales:

-/- L’Union du Maghreb arabe (UMA)

-/- Marché commun de l’Afrique orientale et australe (COMESA)

-/- Communauté des États Sahélo Sahariens (CEN–SAD)

-/- Communauté d’Afrique de l’Est (CAE)

-/- Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC)

-/- Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO)

-/- Autorité Intergouvernementale sur le Développement (IGAD)

-/- Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC)

3- Initiatives sous-régionales avec des dispositifs de sécurité reconnus par l’Union Africaine, ou initiatives de sécurité dites ad hoc

Il s’agit notamment du Groupe des Cinq pour la région du Sahel et de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT). Bien que ces deux dispositifs de sécurité régionale ne fassent pas partie de l’APSA, l’Union africaine a autorisé le déploiement de la Force multinationale mixte (MNJTF) dirigée par la CBLT et de la Force conjointe du G5 Sahel (FC – G5S).

4- Une initiative sous les auspices de l’Union africaine

Un exemple en est le Processus de Nouakchott, et ce mécanisme fournit un cadre de discussion et d’échange d’informations. Il a été créé pour renforcer la coopération en matière de sécurité et activer l’APSA dans la région sahélo-saharienne. Il est supervisé par la Commission de l’Union africaine, qui est le secrétariat permanent de l’Union africaine.

5- Dispositions de sécurité non reconnues par l’Union africaine

Ces dispositions comprennent l’Initiative d’Accra, la Commission du Golfe de Guinée (GGC), l’Autorité Liptako Gourma (LGA) et l’Union du fleuve Mano (MRU). Cette catégorie comprend les organisations régionales africaines et les arrangements régionaux établis sur une plus longue période: la LGA a été créée en 1970, tandis que l’Initiative d’Accra a été lancée en 2017. Elles se partagent le même objectif de renforcer la coopération en matière de sécurité, en se concentrant sur les activités locales et dynamique transfrontalière.

III- A propos d’intégration régionale africaine

L’intégration régionale en Afrique, née du développement de l’organisation continentale et du rôle croissant des communautés économiques régionales, aux niveaux politique, sécuritaire et économique, même si les bénéfices ne sont pas répartis également à travers le continent, a contribué à renforcer le tissu économique et les aspects sécuritaires du continent. Les communautés économiques régionales ont accru les flux commerciaux intra-régionaux et facilité la libre circulation des personnes, des connaissances et des technologies. Les organisations transnationales et interétatiques ont également œuvré pour promouvoir l’ordre et la paix en établissant des mécanismes de sécurité et des plateformes de dialogue sur un continent embourbé dans un conflit.

Cependant, ces dernières années ont été témoins de réactions surprenantes de la part de nombreux pays africains face aux rôles et interventions exercés par les groupes économiques régionaux dans les affaires des pays, imposés par les évolutions, ainsi qu’aux chartes juridiques et aux engagements adoptés par ces groupes, sachant que les positions variaient entre le rejet du rôle des groupes régionaux et la remise en question de leur intégrité et de leur neutralité.

À la lumière de ces évolutions dans les relations entre les pays africains et les groupes régionaux, notamment les sous-groupes, de nombreuses questions ont été soulevées sur l’importance des rôles joués par les groupes régionaux en Afrique et sur la nécessité de les développer:

-/- Que ce soit en termes de structures ou de principes, de valeurs et de règles qu’ils adoptent, ou est-il nécessaire de les développer ?

-/- Faut-il créer des organisations alternatives ?

-/- Quels sont les rôles joués par les nouvelles alliances, représentées par des initiatives de sécurité dédiées qui travaillent en parallèle avec les rôles des groupes sous-régionaux ?

Plusieurs experts s’y sont penchés, d’où de nombreuses études résultant ont examiné l’impact de l’appartenance d’un État aux huit communautés économiques régionales d’Afrique sur le comportement des États membres dans trois domaines principaux, dont les plus importants sont la poursuite du conflit, l’établissement de la démocratie, la gouvernance et les questions sociales et économiques, ainsi que le développement économique.

L’Union africaine considère les communautés économiques régionales comme des piliers de l’intégration continentale et d’une éventuelle union politique. Un certain nombre de chercheurs supposent qu’au fil du temps, l’appartenance d’un pays à une ou plusieurs communautés économiques régionales sera positivement associée à la bonne gouvernance, au développement social et économique et à la réduction des conflits. Cependant, les obstacles auxquels sont confrontés les travaux des groupes régionaux en Afrique ont commencé à limiter leur influence et leur rôle attendus.

Les racines des principaux défis de l’Afrique, notamment la fragilité des États, l’autoritarisme, les divisions identitaires et le chômage élevé, restent de nature nationale et sont souvent négligées par les organisations supranationales.

La prolifération d’organisations régionales dotées d’un mandat de plus en plus complet a également été utilisée par les hommes politiques africains, y compris les dirigeants autoritaires, comme moyen d’accéder au financement international, d’accroître leur influence intérieure et d’améliorer leur visibilité sur la scène internationale.

De telles dynamiques contribuent à l’émergence d’un fossé évident entre le discours officiel appelant à la démocratie et à la bonne gouvernance et les pratiques d’organisations telles que l’Autorité intergouvernementale pour le développement, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, la Communauté de l’Afrique de l’Est, l’Association de développement de l’Afrique australe, ou l’Union africaine.

IV-De quoi souffrent les organisations régionales africaines ?

En outre, les organisations régionales africaines souffrent parfois d’une dépendance à l’égard des puissances internationales en l’absence de financement national ou régional pour leurs projets et plans sécuritaires et politiques.

De ce contexte, est donc née l’idée du dossier actuel sur les « organisations régionales africaines », à travers lequel des experts et des chercheurs tentent d’étudier les rôles actuels d’un certain nombre d’organisations régionales africaines, dont en premier lieu l’organisation continentale, et les rôles qui se reflètent sur la stabilité et la sécurité des différents pays et régions du continent africain, ainsi que sur le degré de succès ou d’échec des organisations régionales actuelles en Afrique dans leur réponse aux menaces qui s’intensifient dans différentes parties du continent, et qui entravent les stratégies de développement et de progrès, ainsi que l’accès aux analyses qui déterminent l’avenir des organisations régionales en Afrique et la mesure dans laquelle les pays du continent doivent « abolir, créer ou développer » des organisations régionales pour soutenir « la paix et la sécurité » sur le continent africain.

Depuis l’année dernière, le Centre d’études internationales et régionales (CIRS) de l’Université de Georgetown au Qatar, organise un atelier de rédaction de manuscrits dans le cadre de son projet de recherche sur « L’évolution des organisations régionales africaines ».

Plusieurs chercheurs internationaux et régionaux ont été invités à soumettre leurs articles de recherche liés à diverses organisations régionales opérant sur le continent africain. Au cours de leurs réunions, ils ont discuté de diverses questions telles que le régionalisme, les voix africaines, les problèmes, le genre, l’héritage colonial, l’arabisme et la nation panafricaine, et ont reçu de nombreux commentaires et retours approfondis.

L’un des chercheurs a ouvert la discussion initiale avec un exposé intitulé « De l’OUA à l’Union africaine », où il a décrit la transition de l’Union africaine à l’Organisation de l’unité africaine en soutenant que la norme de solidarité africaine représente deux limites pour l’Union africaine, soulignant que si les normes de solidarité étaient au cœur de l’Union africaine et liaient ses membres entre eux, elles leur étaient également néfastes. C’est pourquoi, il est important pour l’avenir de l’organisation non seulement de continuer sur la voie de la solidarité, mais de la renforcer et de l’élever à d’autres niveaux d’interaction qui permettront de combler le fossé entre les paroles et les actes.

Des questions liées à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ont été également évoquées, dont une analyse complète de la CEDEAO, affirmant que depuis sa création en 1975, l’organisation régionale a eu une histoire complexe d’innovation, de triomphe, d’inertie et de tragédie. L’analyse examine également les objectifs sous-jacents des dirigeants politiques et bureaucratiques qui dirigent la CEDEAO, la relation fragile de l’organisation régionale avec les citoyens d’Afrique de l’Ouest et les changements institutionnels innovants au fil du temps.

Ces recherches visent à examiner les différentes interactions à la lumière de l’évolution des paysages politiques et économiques mondiaux et régionaux.

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