Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – Cameroun. L’Union africaine, la Banque africaine de développement et le gouvernement du Togo, ont organisé une conférence historique, du 12 au 14 mai 2025 à Lomé, pour élaborer la position commune africaine sur la dette du continent.
Lors de leur réunion à Lomé, la Capitale togolaise, les participants à cet évènement ont plaidé, le mercredi dernier 14 mai, pour une annulation « au cas par cas » de la dette publique du continent, devenue insoutenable pour plusieurs pays. Une initiative qui vise à libérer des ressources pour le développement, face à une dette estimée à plus de 1.130 milliards de dollars.
Ont pris part à cet évènement les Organismes de réglementations suivantes:
-la Commission de l’Union africaine,
-le Département du développement économique, du commerce, du tourisme, de l’industrie et des minéraux,
-ainsi que le Groupe de la BAD et le Gouvernement de la République du Togo.
• Thème de la conférence
Cette conférence de haut niveau sur la dette en Afrique, qui s’est déroulée sous le thème: « Plan de gestion de la dette publique de l’Afrique: restaurer et protéger la viabilité de la dette », visait à préparer, présenter et adopter la Déclaration de Lomé de l’Union africaine sur la dette en Afrique, et par la même occasion à établir un ensemble de principes communs de gestion de la dette que les États membres de l’Union africaine appliqueront pour guider la gestion de la dette tout en favorisant une coopération coordonnée avec les créanciers.
La conférence a réuni pendant trois jours (12-13-14 mai) des décideurs politiques des États membres de l’Union africaine, des experts, des partenaires de développement, des organisations régionales, la société civile et le monde universitaire, lors de sessions ayant porté sur:
-L’architecture financière mondiale et ses implications pour le paysage de la dette africaine,
-L’état actuel de la gestion de la dette publique en Afrique,
-La surveillance législative et cadres juridiques pour la gestion de la dette,
-L’allègement de la dette, restructuration et solutions de financement innovantes,
-Les notations de crédit et leur impact sur les économies africaines,
-La transparence et responsabilité dans la gestion de la dette,
-Le Rôle de la coopération internationale dans le renforcement des capacités nationales à gérer efficacement la dette.
• Intervenants et Illustres participants
Les éminents intervenants et panélistes qui se sont succédés en prenant la parole, furent les suivants:
-/- Son Excellence Faure Gnassingbé, Président du Togo,
-/- Le Rwandais Claver Gatete, Secrétaire exécutif de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique,
-/- Son Excellence Mahmoud Ali Youssouf, Président de la Commission de l’Union africaine,
-/- Georges Barcoula, Ministre des Finances du Togo,
-/- Kevin Chika Urama, Professeur et économiste en chef et vice-président pour la gouvernance économique et la gestion des connaissances, Groupe de la Banque africaine de développement.
De même, cette conférence historique a vu la participation d’un certain nombre de hauts responsables d’institutions financières régionales, notamment:
-/-Serge Ekue, président de la Banque ouest-africaine de développement (BOAD),
-/-Michel Dzombala, Vice-gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique centrale (BEAC),
-/-Sampawende Jules Tapsoba, économiste en chef adjoint de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank).
• Prévisions et attentes visées par l’UA et son nouveau Président
Alors que les pressions économiques sur les budgets nationaux s’accentuent, tout le monde attendait avec impatience la très attendue « Déclaration de Lomé », première étape vers une refonte des relations entre l’Afrique et la communauté internationale des créanciers, selon le magazine international, Jeune Afrique.
Il faut le reconnaître vraiment, la Déclaration de Lomé est l’événement central attendu lors de cette conférence, du fait qu’il devrait constituer la base d’un accord collectif africain sur les réformes nécessaires pour renforcer la viabilité de la dette, améliorer la transparence financière et revoir partiellement les mécanismes internationaux de restructuration de la dette.
Il importe de rappeler en cette occasion, que ce sommet est intervenu dans un moment très sensible, car les données du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM) indiquent que la dette extérieure des pays d’Afrique subsaharienne s’élève en moyenne à « environ 60 % du PIB », tandis que le nombre de pays africains souffrant de surendettement est passé de « 9 en 2012 à 25 en 2024 ».
C’est pourquoi, l’Union africaine espérait bien, à travers cet évènement, mettre fin au cercle vicieux de la crise de la dette, qui entrave le développement et la stabilité économique du continent, en formulant un cadre africain commun qui renforce la capacité à faire face aux défis financiers croissants.
• Une dette qui étrangle la croissance et des chiffres qui inquiètent
Du point de vue volume, enjeux et conséquences en 2025, il importe de noter que l’Afrique fait face à un défi économique majeur avec une dette dont le volume et le coût menacent son développement, sachant que la dette africaine présente des caractéristiques préoccupantes malgré une légère amélioration récente, avec des conséquences profondes sur les économies et les populations du continent.
Dans ce contexte, les dirigeants africains ont exprimé, dans leur déclaration finale, leur ferme volonté de plaider pour l’annulation ciblée de la dette, en fonction de la capacité réelle des pays à la rembourser. Cette posture pragmatique répond à un constat alarmant: plus de 25 pays sont désormais en situation de surendettement ou exposés à un risque élevé, rendant difficile tout investissement structurel.
Selon Patrick Ndzana Olomo, Directeur intérimaire du développement économique à la Commission de l’UA, la dette africaine est passée de 436 milliards USD en 2010 à 1.130 milliards en 2024, un bond qui asphyxie les finances publiques. Le service de la dette absorbe environ deux tiers des ressources budgétaires, ce qui freine les investissements dans des secteurs essentiels comme la santé ou l’éducation.
Une situation de la dette en Afrique qui montre une évolution contrastée, à titre d’exemple:
– Le ratio dette/PIB de l’Afrique subsaharienne est estimé à 62,1% en 2025, en baisse par rapport aux 67,3% de 2023, mais demeure à un niveau préoccupant.
– Certains pays, comme le Ghana, consacrent jusqu’à 26% de leurs revenus gouvernementaux au service de la dette, contre seulement 3% pour la France malgré un niveau d’endettement plus faible.
– 21 pays africains étaient considérés en 2024 comme « soit surendettés » « soit à haut risque de surendettement » selon le FMI.
• Vision d’économistes
Commentant cet évènement historique africain, des économistes du Centre africain de politique financière basé à Accra, ont déclaré que le sommet de Lomé représente un « test crucial de la maturité de la conscience souveraine africaine dans la gestion de la question de la dette extérieure », mettant en garde contre le fait de s’appuyer sur des déclarations symboliques sans construire de véritables outils communs.
Selon eux: « Si la Déclaration de Lomé ne s’accompagne pas d’un mécanisme institutionnel permanent de négociation collective avec les créanciers, le sommet restera un simple événement diplomatique. Ce qu’il faut aujourd’hui, ce n’est pas seulement une position unifiée, mais aussi des instruments financiers collectifs et un fonds souverain africain qui rééchelonne les dettes en fonction des priorités de développement, et non des conditions des marchés extérieurs », poursuivant dans leur vision que: « Ce qu’il faut, ce n’est pas seulement corriger la relation de l’Afrique avec ses créanciers, mais aussi redéfinir l’idée même de ‘dette’ dans le contexte africain comme un outil d’investissement, et non comme un fardeau permanent ».
• L’Afrique cherche une voix unifiée pour faire face à la crise de la dette et à la pression des créanciers
-/- Le plaidoyer de Faure Gnassingbé
Dès l’ouverture de la conférence, le président togolais Faure Gnassingbé a donné le ton:
« En 2024, l’Afrique a versé plus de 160 milliards USD pour sa dette, davantage que pour ses systèmes de santé et d’éducation réunis. Il propose une nouvelle doctrine de la dette, la considérant non plus comme un mal absolu, mais comme un outil de transformation, s’il est bien encadré ».
Vers une position africaine commune, le sommet de Lomé a marqué un tournant politique dans la façon dont l’Afrique a abordé la question de la dette avec courage et détermination. Il reste à voir si cette volonté commune se traduira en avancées concrètes sur le plan diplomatique et économique, dans un contexte mondial où les équilibres financiers sont de plus en plus fragiles.
Toutefois, les chefs d’État et responsables africains se sont engagés à adopter une position unifiée sur la gestion de la dette. L’objectif étant de: « structurer une stratégie de négociation collective face aux créanciers internationaux, pour exiger des annulations sélectives et des mécanismes de financement plus adaptés aux réalités africaines ».
• Défis persistants
L’Afrique ne sera point épargnée par les nombreux soubresauts et défis, et devrait donc composer avec:
– Des chocs climatiques ayant causé plus de 8,5 milliards de dollars de pertes en 2022.
– Des tensions géopolitiques qui perturbent les chaînes d’approvisionnement et les flux d’investissement.
– Une croissance démographique rapide nécessitant des créations d’emplois massives.
• Un tournant attendu
Dans son discours d’ouverture, le président Gnassingbé a souligné que « la conférence ne porte pas seulement sur la dette, mais sur l’avenir de l’Afrique », appelant à « remplacer la logique de contrôle par la logique de confiance », tout en soulignant que « la dette doit être un outil de développement, et non un fardeau qui entrave le progrès ».
De son côté, l’ancien président ghanéen John Dramani Mahama a souligné que « la dette doit servir le peuple », soulignant la nécessité de « renforcer le contrôle parlementaire de l’utilisation de la dette et de veiller à ce qu’elle soit orientée vers des projets qui ont un impact positif sur les citoyens ».
Quant à l’ancien président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat, il a également appelé à une « gouvernance stricte de la dette publique, soutenue par une forte solidarité africaine et un dialogue équilibré avec les créanciers internationaux ».
Pour conclure ce dossier, on peut avancer que « si la dette africaine montre des signes de stabilisation en 2025, son coût prohibitif et ses conséquences socio-économiques appellent à des réformes structurelles tant au niveau national (bonne gouvernance, diversification) qu’international (architecture financière plus équitable).
La ZLECAf et les initiatives de réduction du coût de la dette pourraient ouvrir entre-autres une nouvelle voie vers un développement plus soutenable.
Pour consultation:
Lien de la déclaration de Lomé et des décisions prises
https://tresorpublic.gouv.tg/wp-content/uploads/2025/05/Declaration-de-Lome-sur-la-dette.pdf
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