Louis Yinda et André Siaka, deux magnats à l’assaut des régions

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Cameroun : Louis Yinda et André Siaka, deux magnats à l’assaut des régions
Cameroun : Louis Yinda et André Siaka, deux magnats à l’assaut des régions

Africa-PressCameroun. Figures des milieux d’affaires camerounais, Louis Yinda et André Siaka sont en campagne chacun dans sa région : le Littoral et l’Ouest. Et tous deux rêvent d’en ravir la présidence.

Ils ont bâti leur réputation en dirigeant deux des plus grandes entreprises du portefeuille du groupe Castel, au Cameroun. Louis Yinda, 80 ans, a été pendant trente-six ans le directeur général de la Société sucrière du Cameroun (Sosucam), et André Siaka, 71 ans, a passé vingt-six années à la tête de la Société anonyme des brasseries du Cameroun (SABC). Deux longues carrières de chefs d’entreprise qui ont fait d’eux des incontournables dans les milieux d’affaires camerounais, malgré leur retrait de la direction de ces deux géants locaux de l’agro-industrie.

Toujours administrateur du groupe Somdiaa, Louis Yinda est ainsi toujours régulièrement consulté en raison de sa longue expérience et de sa maîtrise du secteur agro-industriel en Afrique, pendant qu’André Siaka, fondateur et patron de Routd’Af, une entreprise de BTP, est l’un des hommes d’affaires les plus réputés du pays.

Mais le profil des deux hommes, jusqu’ici essentiellement tournés vers le monde des affaires, pourrait bientôt changer. Les deux magnats ont en effet décidé de s’imposer dans l’arène politique en prenant part, pour la première fois, à des élections.

Depuis la validation de leurs candidatures par Elecam, le 2 octobre dernier, Louis Yinda et André Siaka briguent officiellement un poste de de conseiller régional.

Passage obligatoire pour espérer être désigné chacun à la tête de sa région d’origine, celle du Littoral pour le premier et celle de l’Ouest pour le second.

Car c’est là le réel objectif des deux hommes. Et, pour y parvenir, ils ne ménagent pas leurs efforts. Entre opérations de lobbying et stratégies de communication savamment déployées, Louis Yinda et André Siaka sont en campagne électorale depuis bien avant le lancement officiel de celle-ci, le 21 novembre. Et nombre d’observateurs s’interrogent sur les motivations qui sous-tendent cet engagement politique.

Louis Yinda, le vieux militant
Dans le Littoral, Louis Yinda met en avant l’aboutissement d’un long parcours politique, certes passé pour l’essentiel loin des feux des projecteurs qu’offre un poste de ministre, de député ou de maire. « Je suis un vieux militant du Rassemblement démocratique du peuple camerounais [RDPC] », clame ce diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, qui se targue d’avoir « servi au plus haut niveau sept secrétaires généraux du comité central » du parti présidentiel.

Membre fondateur du RDPC, et membre de son comité central depuis 1985, Louis Yinda a longtemps évolué dans le sillage de Joseph Mboui, ancien patron du parti au pouvoir dans le département de la Sanaga-Maritime, décédé en 2017.

Discret, ses années de militantisme au sommet lui ont permis de s’imposer jusque dans les plus hautes sphères du pouvoir. Fait rare pour un directeur général d’entreprise privée, Louis Yinda a ainsi souvent représenté le président Paul Biya, dont il est l’un des fidèles, lors de cérémonies officielles. Ce fut notamment le cas en 2013, lors de l’ouverture de la « Porte Sainte » de la cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Douala.

Ce soutien au chef de l’État lui a notamment valu d’être maintenu au poste de président de la Commission logistique du parti pendant près de dix-huit ans. Chef de délégation du comité central du RDPC dans plusieurs régions, il est également devenu, depuis le décès de Joseph Mboui, chef de la délégation permanente du comité central pour le département de la Sanaga-Maritime.

André Siaka, le financier de l’ombre
André Siaka est lui aussi membre du RDPC depuis la fin des années 1980, mais là s’arrête la similitude avec Louis Yinda. Cet ingénieur de formation originaire de l’Ouest bamiléké n’a en effet jamais occupé de fonction politique, bien qu’il ait souvent été consulté par les autorités de Yaoundé. Une position qui contraste avec celle de ses pairs membres de l’élite économique de la région de l’Ouest, pour qui politique et business sont souvent intimement liés. Certains investissent d’ailleurs de fortes sommes d’argent dans la sphère politique dans l’optique de faire évoluer leurs affaires. Mais, jusqu’à présent, le nom de Siaka ne renvoyait, dans les réseaux RDPC de l’Ouest, qu’à celui d’un grand financier de l’ombre.

« André Siaka avait un profil différent de celui de la majorité des hommes d’affaires bamiléké, assure un analyste politique. Ces hommes d’affaire font de la politique dans le but de se rapprocher des décideurs, d’obtenir des faveurs et de faire prospérer leurs affaires. C’est un militantisme à vocation de lobbying. Or, en tant que directeur d’une entreprise à capitaux français, André Siaka n’en avait pas besoin, car le lobbying de l’entreprise qu’il dirigeait était en partie mené par les réseaux français. »

Aujourd’hui à la tête de sa propre entreprise de BTP, Routd’af, il a choisi de sortir de l’ombre. Un engagement en pleine lumière qui intervient quelques mois après la mort du patriarche Victor Fotso, qui a laissé la ville de Bandjoun sans leader politique d’envergure.

Bien qu’il espère ravir cette place, sur le terrain, l’ancien patron du Gicam avance avec prudence. « Le parti est très compliqué. Cette élection n’est pas comme les autres », confie l’un de ses proches pour justifier l’intense campagne de lobbying engagée auprès du collège électoral.

Si, dans l’Ouest, André Siaka sait qu’il pourra compter sur les réseaux d’opérateurs économiques dont il est proche depuis son passage à la tête du Gicam, la partie s’annonce plus serrée pour Louis Yinda dans le Littoral.

Une place de conseiller régional lui est certes acquise en tant que tête de liste dans son fief de la Sanaga-Maritime, mais il est loin d’être assuré de prendre la présidence de la région. Il est en effet confronté aux ambitions d’autres cadres du parti, en particulier Sawa-Camille Ekindi. Ce dernier pourrait profiter du récent ralliement de son frère, Jean-Jacques Ekindi, opposant historique qui a annoncé son retour au RDPC fin avril, pour faire pencher Yaoundé en sa faveur. À dix jours du scrutin, les jeux restent ouverts.

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