Africa-Press – Cameroun. Avec seulement un milliard de bénéfice prévu, la rentabilité du fleuron économique camerounais soulève des questions
Le Port Autonome de Douala (PAD) vient d’adopter son budget pour l’exercice 2026, et les chiffres révélés dans un communiqué officiel daté du 23 décembre suscitent déjà des interrogations. Avec des recettes prévues à 122,064 milliards de FCFA et des dépenses estimées à 121,511 milliards de FCFA, le principal poumon économique du Cameroun afficherait une marge bénéficiaire de moins d’un milliard de FCFA, soit à peine 0,45% de son chiffre d’affaires prévu.
Selon le communiqué N°1008/25/CR/PAD signé par le président du Conseil d’Administration, Shey Jones Yembe, le budget 2026 du Port Autonome de Douala a été adopté lors des 127ème et 128ème sessions du Conseil d’Administration tenues les 22 et 23 décembre 2025 à Douala.
Les chiffres présentés par le Directeur Général Ngo’o Cyrus, assisté du Directeur Général Adjoint Moukoko Njoh Charles Michaux, sont les suivants:
Recettes: 122.064.737.738 FCFA TTC (toutes taxes comprises)
Dépenses: 121.511.756.222 FCFA TTC
Un rapide calcul révèle un excédent prévisionnel de seulement 553 millions de FCFA, soit moins de 0,5% de marge bénéficiaire pour une infrastructure stratégique qui génère plus de 122 milliards de recettes annuelles.
Pour une entreprise publique de cette envergure, considérée comme le principal port du Golfe de Guinée et la porte d’entrée maritime du Cameroun, du Tchad et d’une partie de la République Centrafricaine, une telle marge interpelle. À titre de comparaison, les ports performants affichent généralement des marges bénéficiaires comprises entre 10% et 25% de leur chiffre d’affaires.
Des investissements massifs: Le PAD pourrait avoir programmé d’importants investissements dans la modernisation de ses infrastructures, ce qui gonflerait mécaniquement les dépenses pour l’exercice 2026.
Des charges d’exploitation élevées: Les coûts de fonctionnement du port (salaires, maintenance, énergie, sécurité) pourraient absorber la quasi-totalité des recettes.
Une politique tarifaire non optimale: Les tarifs des activités de lamanage et de scanning des marchandises, pourtant approuvés lors de cette même session, pourraient ne pas suffisamment couvrir les coûts réels d’exploitation.
Des inefficiences organisationnelles: Une structure de coûts trop lourde ou des processus peu optimisés pourraient expliquer ce faible niveau de rentabilité.
Ce budget minimaliste intervient paradoxalement dans un contexte où le Conseil d’Administration a approuvé « le rapport de performance du Port Autonome de Douala pour les neuf (09) premiers mois de l’exercice 2025 », sans que les détails de cette performance ne soient publiquement communiqués.
Le Conseil a également adopté « le cadre de performance du Port Autonome de Douala pour la période triennale 2026-2028 », suggérant une vision stratégique à moyen terme. Mais comment concilier cette ambition de performance avec un budget qui ne dégage qu’une marge dérisoire?
Le communiqué précise que le Conseil d’Administration a « félicité la Direction Générale pour la qualité des documents produits ainsi que la clarté des présentations » et a « exprimé son appréciation à l’endroit de la Direction Générale pour la conduite de l’ambitieux plan de développement de l’outil portuaire de Douala-Bonabéri ».
Ces félicitations peuvent sembler décalées au regard d’un budget qui ne prévoit qu’un excédent symbolique. Elles soulèvent la question de savoir si le Conseil d’Administration mesure pleinement les enjeux de rentabilité d’une infrastructure aussi stratégique.
Ce budget 2026 soulève plusieurs interrogations légitimes:
Où vont les 121,5 milliards de dépenses? Une ventilation détaillée permettrait de comprendre si ces sommes sont investies dans la modernisation du port ou simplement consommées en frais de fonctionnement.
Le PAD est-il structurellement rentable? Si un port qui traite l’essentiel du commerce extérieur du Cameroun et des pays enclavés voisins ne dégage qu’une marge de 0,45%, c’est qu’il existe un problème structurel de modèle économique.
Les tarifs sont-ils compétitifs? Avec de telles charges, le PAD peut-il maintenir des tarifs attractifs face à la concurrence des ports voisins comme celui de Kribi ou ceux du Nigeria et du Gabon?
Quelle est la masse salariale? Dans les entreprises publiques camerounaises, les charges de personnel représentent souvent une part disproportionnée du budget. Qu’en est-il pour le PAD?
Y a-t-il des subventions cachées? Ce budget intègre-t-il des transferts ou des mécanismes de compensation qui ne sont pas apparents dans les chiffres bruts?
Pour une infrastructure d’importance nationale, le Port Autonome de Douala se doit d’être exemplaire en matière de transparence financière. La publication d’un budget détaillé, avec une ventilation claire des postes de dépenses et des projets d’investissement, permettrait aux Camerounais de mieux comprendre l’utilisation de ces 121 milliards de FCFA.
En attendant, ce budget 2026 qui ne dégage qu’un milliard d’excédent sur 122 milliards de recettes appelle à une réflexion approfondie sur la gouvernance et l’efficience du Port Autonome de Douala, pilier de l’économie camerounaise qui mériterait une gestion à la hauteur de son importance stratégique.
La question demeure: comment le principal port du pays, par lequel transitent l’essentiel des importations et exportations nationales, peut-il fonctionner avec une rentabilité aussi faible? Les autorités portuaires et le gouvernement camerounais doivent des explications aux contribuables et aux usagers du port.





