[Exclusif] Cameroun : les secrets d’une guerre judiciaire entre Baba Danpullo et l’Afrique du Sud

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[Exclusif] Cameroun : les secrets d’une guerre judiciaire entre Baba Danpullo et l’Afrique du Sud
[Exclusif] Cameroun : les secrets d’une guerre judiciaire entre Baba Danpullo et l’Afrique du Sud

Africa-Press – Cameroun. C’est un feuilleton politico-judiciaire qui pourrait bien devenir « l’affaire Danpullo ». Selon nos informations, Baba Ahmadou Danpullo a obtenu le 5 septembre de Quentin Djapité Ndoumbe, le président du tribunal de première instance de Douala Bonanjo, une ordonnance visant à saisir, auprès des banques locales, les comptes de l’opérateur MTN Cameroon et du chocolatier-confiseur Chococam (filiale du groupe agroalimentaire Tiger Brands). L’entrepreneur réclame en effet le paiement de 243 milliards de F CFA (plus de 370 millions d’euros).

Le juge a également donné son feu vert à la saisie des comptes des responsables de ces entreprises, dont ceux de Colin Mukete, le président du conseil d’administration de la filiale du groupe de télécoms. L’une de ces ordonnances porte sur le « compte float » de Mobile Money Corporation, filiale de MTN Cameroon dévolue à la monnaie électronique et logée chez Afriland First Bank. Et, sur ce compte, se trouve la contrepartie des unités de valeur que chaque utilisateur de ce service détient dans son téléphone. Il faudra que la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) proteste énergiquement, et rappelle que ce compte est insaisissable, pour que la mesure soit levée.

Une décision de la First National Bank (FNB) sud-africaine est à l’origine de ce bras de fer, resté jusque-là totalement secret, dans lequel des centaines de milliards de F CFA sont en jeu.

Un vaste parc immobilier…

Début 2020, la FNB a décidé de saisir et de liquider tous les immeubles de Danpullo en Afrique du Sud, évalués à 5 milliards de rands (200 milliards de F CFA) – selon la requête adressée par ce dernier le 31 août au tribunal de première instance de Douala Bonanjo et que Jeune Afrique a pu consulter. Le tycoon camerounais s’est en effet constitué un vaste parc immobilier dans les villes de Johannesburg, du Cap et de Gqeberha (anciennement Port Elizabeth), qui lui rapporte mensuellement 20 millions de rands (800 millions de F CFA). Ces immeubles sont administrés par Bestinver Company South Africa Ltd, Joburg Skyscraper Pty Ltd et Bestinver Prop 01 Proprietary Ltd, qui sont toutes des filiales de Bestinver, le groupe qu’il a fondé.

L’ensemble des prêts que la banque sud-africaine a accordés à ces différentes entreprises s’élevait, en octobre 2017, à 615 millions de rands (25 milliards de F CFA). Le remboursement, de l’ordre de 10 millions de rands par mois, devait s’étaler sur dix ans. Alors qu’il restait sept années d’échéances et 550 millions de rands dus en avril 2020, la FNB aurait notamment exigé la signature de documents complémentaires de garantie, ainsi que le remboursement intégral anticipé et immédiat du reliquat, selon Baba Danpullo et ses conseils. Ce que ces derniers dénoncent comme « une croisade violente, anti-professionnelle, raciste, xénophobe et inhumaine » visant à déposséder le Camerounais de ses biens. Plusieurs sources livrent une tout autre version des faits : le magnat n’aurait pas remboursé au moins deux échéances de paiement, ce qui a poussé, selon la réglementation en vigueur, la banque à agir.

… et une carte maîtresse

Outre les 200 milliards de F CFA correspondant à l’ensemble des biens « bradés », Baba Danpullo réclame également 540 millions de rands (21,6 milliards de F CFA) correspondant aux loyers perçus par FNB jusqu’en avril 2020 et 22,1 milliards de F CFA de frais de recouvrement. Pour faire valoir ses droits, l’investisseur estime que son unique recours est une « saisie conservatoire des créances » sur les comptes de MTN Cameroon et de Chococam. Afin de convaincre le juge, le milliardaire a joué ce qu’il estime être sa carte maîtresse : la société publique sud-africaine Public Investment Corporation (PIC, qui gère notamment le fonds de pension des fonctionnaires sud-africains) est à la fois actionnaire de MTN Group, Tiger Brands et FirstRand Group, maison mère de FNB. Ce qui autorise Danpullo à s’en prendre aux filiales camerounaises des groupes sud-africains.

Avant d’enclencher la machine judiciaire, le milliardaire a toutefois fait jouer ses relations pour tenter de trouver une issue à ce différend – comme il le reconnaît par ailleurs lui-même dans sa requête. Toujours selon nos informations, ce proche du chef de l’État Paul Biya a obtenu que Félix Mbayu, le ministre délégué camerounais chargé du Commonwealth, soit dépêché à Pretoria pour plaider sa cause. Sauf que l’émissaire de Yaoundé s’est heurté au refus des autorités sud-africaines de s’immiscer dans une affaire judiciaire. Mais les initiatives continuent. Candith Mashego-Dlamini, la vice-ministre sud-africaine des Affaires étrangères, a été reçue le 24 octobre à Yaoundé par le Premier ministre, Joseph Dion Ngute. Officiellement, pour préparer la prochaine visite du président Cyril Ramaphosa en Afrique centrale.

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