Cameroun : avec Jean-Pierre Amougou Belinga, une polémique peut en cacher une autre

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Cameroun : avec Jean-Pierre Amougou Belinga, une polémique peut en cacher une autre
Cameroun : avec Jean-Pierre Amougou Belinga, une polémique peut en cacher une autre

Africa-Press – Cameroun. Sans doute s’en serait-il bien passé. Au Cameroun, Jean-Pierre Amougou Belinga n’en finit plus de faire parler de lui. Sujet médiatique par excellence, l’homme d’affaires à la fulgurante ascension, patron de Vision 4 et de Telesud, se retrouve une nouvelle fois sous le feu des projecteurs.

Il ne s’agit pas ici du contentieux qui l’oppose à l’administration fiscale et qui l’a précipité, bien malgré lui, au cœur de la guerre des clans qui fait rage à Yaoundé dans la perspective de l’après-Biya. Cette fois, la polémique est partie de l’inauguration d’un immeuble devant abriter les bureaux de ses entreprises.

Bloc de béton et de verre

Il faut dire qu’Amougou Belinga n’a pas fait dans la dentelle. L’évènement, qui s’est tenu à la fin d’août, a donné lieu à un défilé de personnalités et a fait l’objet de plusieurs reportages dithyrambiques dans les médias de l’homme d’affaires et dans une certaine presse. Le bloc de béton et de verre, situé en plein cœur de la capitale, en face du palais des sports et non loin du nouvel hypermarché construit par Carrefour, est présenté par l’entourage du magnat comme l’illustration de sa volonté de « donner un coup de modernité au groupe » qu’il a bâti.

Sauf que c’est moins pour son esthétique que pour le nom qui lui a été donné que la dernière réalisation d’Amougou Belingfait couler encre et salive. Détenteur d’un titre de notabilité traditionnelle chez les Ewondos, peuple qui occupait le centre de Yaoundé avant l’arrivée des Européens, l’homme d’affaires a entrepris de donner à l’édifice une dimension culturelle en le nommant « Immeuble Ekang », en référence au groupe ethnique qui rassemble les Betis (dont les Ewondos sont un sous-groupe), les Bulus – dont est originaire le président – et les Fangs.

Dans son architecture pourtant, l’immeuble Ekang n’a rien de traditionnel, si ce n’est peut-être ce tam-tam disposé, tel un logo, à côté du nom du building au sommet de ses neuf étages. Qui plus est, au Cameroun, personne n’a oublié cette sortie d’Amougou Belinga, en juillet 2020, au cours de laquelle il qualifiait « ses frères » de personnes foncièrement « paresseuses, malhonnêtes, sournoises et méchantes ».

Marketing communautaire

Le nom du bâtiment suscite en tout cas curiosité et interrogations, les mauvaises langues soupçonnant l’entrepreneur de vouloir se servir de sa communauté comme d’un paravent pour mettre cet investissement privé à l’abri d’un éventuel désaccord avec l’État, voire de verser dans le marketing communautaire. « Il ne s’agit de rien d’autre que d’une appellation à connotation tribale, qui met à mal la cohésion des peuples et des tribus vivant dans la capitale camerounaise », s’est ainsi emporté l’avocat Christian Ntimbane Bomo, en écho au mécontentement exprimé sur les réseaux sociaux.

Dans une tribune, l’économiste Thierry Amougou évoque, lui, une double grille de lecture. « Le côté positif à ces projets ethno-tribaux tient au fait qu’une concurrence monopolistique peut naître entre différents groupes tribaux, chacun s’évertuant à être excellent dans l’exaltation de son identité et de sa culture dans une sorte de mouvement national d’émulation qui enrichit le pays de sa diversité culturelle, écrit le chercheur au Centre tricontinental (Cetri). Leur côté dangereux et négatif est le potentiel destructeur de la nation camerounaise qu’ils peuvent porter en devenant des armes de destruction de la citoyenneté camerounaise pour des citoyennetés ethno-tribales. »

Pour Amougou Belinga lui-même, le choix de ce patronyme trouve ses raisons ailleurs. « Cet immeuble symbolise le rassemblement de tous les Ekangs autour d’une même table pour régler leurs différends, penser leur développement, a-t-il expliqué dans l’un de ses médias. Le tam-tam sur le logo symbolise l’édifice comme une plateforme de communication entre les peuples de la forêt et ceux d’ailleurs. »

Un prix défiant toute concurrence

Pour comprendre comment l’opérateur a acquis, pour 23,5 millions de francs CFA (35 700 euros), ce terrain situé à Warda et d’un peu plus de 4 700 m², il a fallu se rendre à la mairie de la ville de Yaoundé. Dans un espace où les mercuriales de l’État le fixent à 20 000 F CFA, un prix unitaire de 5 000 F CFA le m² surprend.

Car tel est le cœur de l’autre polémique liée à cet immeuble, laquelle est apparue après la mise en circulation d’un document relatif à l’attribution définitive dudit lotissement à la société immobilière Starline – propriété de Belinga – pour un coût relativement bas. Selon nos informations, le terrain en question est situé sur un domaine déclaré d’utilité publique par la mairie autour des années 2010 et pour lequel Amougou Belinga avait obtenu une attribution provisoire en 2018. Gilbert Ntsimi Evouna, qui occupait les fonctions de délégué du gouvernement, l’avait néanmoins enjoint de le mettre en valeur dans les plus brefs délais.

Réputé proche de Louis-Paul Motaze, le ministre des Finances, Amougou Belinga a-t-il joué de ses réseaux au sein du pouvoir pour acquérir ce terrain à un prix avantageux ? « Absolument pas », tranche un cadre de la mairie de Yaoundé. « La municipalité ne vend pas de terrains, mais elle fait des attributions. Dans ce cas, le montant versé correspond à des frais de régularisation qui sont fixés au prix standard de 5 000 francs le m². » Pas sûr que cela suffise à éteindre les soupçons.

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