On ne me donnait que six mois de survie – Paul Biya

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On ne me donnait que six mois de survie – Paul Biya
On ne me donnait que six mois de survie – Paul Biya

Africa-PressCameroun. La longévité de Paul Biya à la tête du Cameroun surprend plus d’un. Les collaborateurs d’Ahidjo qui avaient vu le président de la République prendre le pouvoir en 1982 ne donnaient pas cher la peau de ce dernier. En effet Paul Biya n’avait pas l’allure d’un « animal politique ». L’homme serait un grand timide qui venait d’hériter de la gestion de tout un Etat. L’histoire atypique de Paul Biya est racontée dans le livre « Au Cameroun » de Paul Biya dont nous vous proposons un extrait.

À son arrivée au pouvoir, peu d’observateurs imaginaient que Biya tiendrait longtemps : il semblait timide, mal à l’aise, sa voix éraillée le faisait passer pour un faible. « On ne me donnait, au départ, que six mois de survie et, dans le fond, on n’avait pas tort. Toute la sécurité avait été mise en place par mon prédécesseur et lui était dévouée. “Comment osez-vous dormir ici !”, s’inquiétaient mes amis. Vous voyez, j’ai survécu », confiait-il en 1999.

La manière dont il a géré ses dix premières années au pouvoir a finalement laissé à voir aux Camerounais un Biya bien différent de l’idée qu’ils s’en faisaient au début de sa présidence. Au fur et à mesure que les années sont passées, il est devenu de plus en plus lointain, de plus en plus énigmatique : le temps est loin où on le voyait faire du vélo dans Yaoundé. Depuis 1984, Biya s’est retranché dans sa forteresse, devenant peu à peu quasiment invisible pour ses concitoyens et même pour la plupart de ses collaborateurs. Les conférences de presse qu’il a tenues et les interviews qu’il a accordés, en près de trente années de présidence, se comptent sur les doigts d’une main.

Il se montre rarement en public : en général, les Camerounais le voient au défilé militaire qui marque la journée du 20 mai, fête nationale, et de temps en temps en Une du quotidien d’État Cameroon Tribune à l’occasion d’une audience accordée à un ambassadeur ou à un industriel étranger de passage. Ils peuvent l’entendre chaque année à trois reprises : lors de ses discours traditionnels, prononcés à la fin de l’année, au moment de la « fête de la jeunesse » du 11 février, et lors de l’anniversaire de son arrivée au pouvoir, le6novembre. Mais, remarque un analyste, dans toutes ces adresses à ses concitoyens, « Biya parle des affaires de son pays comme s’il était un observateur extérieur. Il a des tournures étonnantes comme “je constate que”, “il me semble que”.

Ces formulations sont très révélatrices : elles montrent qu’il ne se sent pas concerné. On dirait qu’il est Zimbabwéen et qu’il parle de la Chine ». Jamais le président ne se déplace à l’intérieur du pays, sauf pour se rendre dans son village natal de Mvomeka’a ou de manière furtive pendant les campagnes présidentielles. En 2010, il a fait par exemple une seule visite officielle : il s’est rendu à Bamenda pour la célébration du Cinquantenaire de l’armée mais aussi pour préparer le terrain de l’élection présidentielle de 2011. Il n’était pas allé dans cette importante cité du Nord-Ouest depuis 1991. Bamenda est cependant la ville qui l’a vu le plus souvent : en près de 30 ans, Biya s’y est rendu cinq fois (1983, 1984, 1985, 1991 et 2010). Il n’est pas allé à Douala, capitale économique et plus grosse métropole du pays, depuis 1991. Il est cependant passé en octobre 2010 par son aéroport, situé à la sortie de la ville, sur la route qui conduit à Yaoundé : son avion, n’ayant pas pu se poser à Yaoundé, a dû y faire un atterrissage forcé.

Biya et son épouse ont dû rallier dans la nuit la capitale à bord du véhicule du gouverneur de la région du Littoral, dont dépend Douala. Ils ont à cette occasion emprunté « l’axe lourd » reliant la cité portuaire à Yaoundé, la route la plus empruntée et accessoirement la plus meurtrière du pays en raison de l’incivisme des automobilistes mais aussi parce qu’aucun investissement n’a été réalisé pour l’adapter au niveau du trafic. « Inédit : Paul Biya découvre l’axe lourd », a titré à l’occasion le quotidien Mutations, expliquant que ce retour effectué de nuit était probablement dû au mauvais état de la résidence présidentielle de Douala.

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