Africa-Press – Cameroun. Jeune Afrique révèle les fractures au sein de l’État-major sur la gestion de la contestation post-électorale
Au cœur de la crise électorale qui secoue le Cameroun, une bataille silencieuse se joue entre les militaires. Jeune Afrique a appris, auprès de sources au sein de l’État-major, que la hiérarchie militaire camerounaise est traversée par des désaccords profonds quant à la meilleure stratégie pour gérer la montée en puissance d’Issa Tchiroma Bakary à Garoua.
D’un côté, certains généraux prochains de Paul Atanga Nji épousent la ligne dure: une répression rapide et visible qui devrait dissuader toute tentative de révolte organisée. De l’autre, des officiers supérieurs redoutent que cette approche provoque une escalade qu’ils ne pourraient plus contrôler, rappelant les débordements des régions anglophones.
Selon les révélations de Jeune Afrique obtenues auprès de sources militaires directes, le commandement des forces armées camerounaises traverse une crise de légitimité interne. Les soldats, mal payés et démoralisés après des années de déploiement dans les régions anglophones en crise, se questionnent désormais sur le bien-fondé de leurs ordres.
Un officier confie à Jeune Afrique: « Nous sommes déjà usés. Le gouvernement nous demande maintenant de nous battre contre le peuple pour sauver un président vieillissant. Beaucoup d’entre nous nous demandons si c’est vraiment le rôle de l’armée. »
Cette fatigue morale s’ajoute aux tensions économiques. Le budget de défense, longtemps privilégié, stagne depuis trois ans. Les équipements militaires vieillissent, tandis que le contraste entre les avantages des hauts gradés et la condition des soldats de base s’élargit.
Ce que Jeune Afrique révèle ici pour la première fois, c’est que certains gradés de l’armée ont reçu et relu les appels lancés par Issa Tchiroma Bakary aux forces de sécurité — des messages invitant les militaires à choisir le peuple plutôt que le régime. Ces appels ont circulé dans les quartiers militaires de Yaoundé et ont trouvé un écho auprès de certains officiers intellectuels.
Un document interne de l’État-major, obtenu par Jeune Afrique, montre que des discussions sont en cours sur les « limites légales et constitutionnelles » de l’obéissance militaire en période électorale. C’est un débat qui n’avait jamais pris cette ampleur dans l’armée camerounaise.
Jeune Afrique a appris que le gouvernement craint désormais un scénario qu’il avait longtemps jugé impensable: une fragmentation de la chaîne de commandement militaire. Si des officiers de rang moyen refusaient d’exécuter des ordres de répression jugés illégitimes, l’armée camerounaise se retrouverait paralysée — ou pire, divisée.
Cette crainte explique pourquoi le pouvoir n’a pas encore procédé à une répression massive à Garoua. Selon Jeune Afrique, Paul Biya et son entourage ont reçu des avis militaires clairement formulés: une intervention brutale pourrait déclencher une mutinerie, ou tout du moins une obstruction passive.
Pour l’heure, l’État-major temporise, tout comme le gouvernement. Mais Jeune Afrique a appris que cette stratégie d’attentisme inquiète certains généraux. Un haut officier confie: « Chaque jour qui passe, Tchiroma gagne du terrain auprès de nos troupes. À un moment, il sera trop tard pour arrêter ce mouvement. »
Le scénario que redoutent les militaires réalistes, selon Jeune Afrique, est celui d’une cristallisation progressive: Tchiroma Bakary devenant peu à peu un symbole d’espoir pour une armée elle-même en quête de légitimité nouvelle.
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