Abdouraman Hamadou, chevalier blanc du foot camerounais ?

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Cameroun : Abdouraman Hamadou, chevalier blanc du foot camerounais ?
Cameroun : Abdouraman Hamadou, chevalier blanc du foot camerounais ?

Africa-PressCameroun. À l’origine de la plainte ayant abouti à l’annulation de l’élection du président de la Fécafoot, le dirigeant du club de l’Étoile filante de Garoua se fait le défenseur d’un football plus transparent. Retour sur l’ascension fulgurante d’un personnage controversé.

On ne lui connaît aucun passé de footballeur. Pourtant, son nom et son visage sont étroitement liés aux soubresauts qui agitent l’organisation de ce sport au pays des Lions indomptables. Adulé par certains, craint par d’autres, Abdouraman Babba Hamadou, 51 ans, reçoit depuis bientôt un mois félicitations et objurgations. Un florilège d’attentions, qui fait suite à l’aboutissement favorable de sa plainte contre la direction de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot) et de son président désormais sur la sellette, Seidou Mbombo Njoya.

Le 15 janvier dernier, le Tribunal arbitral du sport (TAS), juridiction basée à Lausanne, a une nouvelle fois invalidé l’élection de l’actuel comité exécutif de la Fécafoot, la troisième décision du genre en l’espace de huit ans. Cette élection devait pourtant acter le processus de normalisation initié par la Fifa, avec pour objectif de remettre de l’ordre dans une fédération en proie à de multiples turpitudes.

Mais pour Abdouraman Hamadou, ce scrutin avait été entaché par des « irrégularités criardes ». Il avait notamment pointé « l’absence de transparence dans le processus », « l’illégitimité du collège électoral » ainsi que « le non-respect des textes ».« Les conditions de validation des nouveaux statuts adoptés par le comité de normalisation, dirigé par Me Dieudonné Happi, n’ont pas été remplies. L’ensemble du processus électoral ne peut pas être contrôlé par une seule personne » explique Abdouraman Hamadou à Jeune Afrique, évoquant « une lutte pour l’indépendance du football camerounais ».

Deux comités concurrents
Depuis la diffusion de ce verdict, la Fifa a assuré « avoir pris acte de cette décision » et demandé au bureau en place d’assurer à titre intérimaire la gestion des affaires courantes de la Fécafoot, dans l’attente d’une nouvelle élection à la tête de la fédération. Maintenu dans ses fonctions à titre provisoire, Seidou Mbombo Njoya poursuit ainsi son mandat. Il envisage dès le 27 février la reprise des championnats locaux qui avaient été arrêtés suite à une autre procédure judiciaire du TAS au sujet de la ligue professionnelle de football (LFPC).

Mais Abdouraman Hamadou et ses soutiens – membres de l’assemblée générale de 2009 qui constitue selon eux le seul collège électoral valable, les autres ayant été invalidés par le TAS – ont de leur côté mis en place un comité exécutif provisoire qui prétend tirer sa légalité de l’article 30 des derniers textes reconnus de cette fédération. Faisant fi de la position des autorités camerounaises, qui penchent du côté de la Fifa, ils envisagent eux aussi l’organisation prochaine d’un championnat, mais surtout de réviser les statuts du code électoral.

En attendant l’épilogue de cet interminable feuilleton, Abdouraman Hamadou s’impose comme l’une des pièces maîtresse du processus de sortie de crise à la fédération.

Mohammed Iya, l’ex-mentor
Mais comment ce titulaire d’un baccalauréat scientifique, obtenu en 1991 au lycée classique de Garoua, parvient-il à mettre en échec des théoriciens du droit réputés, à l’instar du constitutionaliste Joseph Owona, du juriste James Moungue Kobila et des avocats comme Dieudonné Happi et Marcelle Denise Ambomo, dont il a à chaque fois trouvé des failles dans leur rédaction des statuts de la Fécafoot ?

Cette abnégation trouve en partie ses racines dans la rencontre fortuite entre deux individus, le 13 février 2000, dans la salle des banquets du haut-commissariat du Cameroun, à Lagos.

Ce jour-là, Abdouraman Hamadou, jeune opérateur économique de passage dans la capitale nigériane où les Lions indomptables viennent de remporter la finale de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), fait la rencontre de Mohammed Iya, alors président par intérim de la Fécafoot.

Le courant passe immédiatement entre les deux natifs de Garoua qui échangent en fufuldé. L’ancien président de la Sodecoton le sollicite immédiatement à ses côtés, notamment pour sa première élection au poste de président de la Fécafoot, en avril 2000. Abdouraman Hamadou accepte la mission, ce seront ses premiers pas dans l’univers du football.

Mohammed Iya le nomme responsable de la communication en 2005, ce qui ne manque pas de lui attirer des détracteurs. Abdouraman Hamadou devient un personnage incontournable de la tour de Tsinga, où il est l’un des pilliers du système Mohammed Iya, alors tout-puissant président de la fédération.

Mais tout bascule en 2011, quand les deux hommes se brouillent. Après la nomination de Tombi A Roko Sidiki au poste de secrétaire général, Mohammed Iya le démet de son poste de chef de cabinet en raison des divergences qui les opposent. Abdouraman Hamadou démissionne.

Les proches de l’ancien président de la fédération, aujourd’hui derrière les barreaux après sa condamnation, en 2015, à 15 ans de prison pour détournement lorsqu’il dirigeait la Société de développement du coton (Sodecoton), dénoncent un « manque de loyauté ». Abdouraman Hamadou assure de son côté que « les intérêts de la fédération et ceux du président n’allaient plus de pair ». « Je suis fidèle aux institutions et non aux hommes », précise-t-il aujourd’hui à JA.

Revanche
Détenteur des secrets de la Fécafoot, il promet à l’époque de se retirer du monde du football à la condition que son ancien patron et son entourage le « laissent tranquille ». Mais en 2012, lorsqu’Abdouraman Hamadou est sollicité par la Fifa pour occuper le poste de chef du bureau de la FIFA pour l’Afrique centrale – un poste qu’occupait Jean Manga Onguene, nommé directeur technique des équipes nationales du Cameroun -, Mohammed Iya et Issa Hayatou, alors patron de la CAF, s’y opposent. Le poste lui échappera, mais le natif de Garoua se jure de prendre sa revanche.

« Ils n’ont pas respecté leur engagement de me laisser évoluer loin d’eux », se remémore-t-il. Abdouraman Hamadou prend la tête du club d’Étoile Filante de Garoua. Il devient à ce titre membre de l’assemblée générale de la Fécafoot et se pose en défenseur et garant des textes de l’organisation. À son actif, près d’une dizaine de plaintes déposées auprès de la chambre d’arbitrage et de conciliation (CCA) et du TAS. « Même les balayeurs du TAS me connaissent », ironise-t-il.

Cet engagement lui vaut d’engranger des soutiens, et pas des moindres. Parmi eux, les stars Samuel Eto’o et Joseph-Antoine Bell, mais aussi plusieurs responsables gravitant dans l’univers du football et contribuant à financer les onéreuses procédures judiciaires lancées auprès du TAS. « Je ne m’arrêterai jamais, car je ne peux pas laisser cela en héritage à mes enfants », rétorque-t-il lorsqu’on lui demande quand ces procédures prendront fin.

Après avoir refusé plusieurs postes à la Fécafoot et dans l’administration camerounaise, il accepte en octobre 2020 celui que lui proposera l’ancien général Pierre Semengue : prendre la tête d’une commission ad hoc chargée de l’organisation et du suivi des championnats de ligue 1 et de ligue 2 au sein de la Ligue professionnelle de football. Objectif : poursuivre sa lutte pour débarrasser le football camerounais de ses magouilles.

Une démarche reconnue au sommet de l’État. Le 18 février, le secrétaire général de la présidence Ferdinand Ngoh Ngoh et le Premier ministre Joseph Dion Ngute ont ainsi reçu le sénateur Albert Mbida, président du comité exécutif provisoire de la Fécafoot et soutien d’Abdouraman Hamadou. Pour ce dernier, le chemin ne devrait pas s’arrêter là. Pour celui qui n’exclut pas de présenter sa candidature à la tête de la Fécafoot, le chemin est encore long avant que le football camerounais ne soit à ses yeux irréprochable.

 

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