Antidépresseurs Boostent Destruction Des Tumeurs

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Antidépresseurs Boostent Destruction Des Tumeurs
Antidépresseurs Boostent Destruction Des Tumeurs

Africa-Press – Cameroun. Des globules blancs « heureux » combattent-ils mieux le cancer? C’est ce qu’affirme une récente étude publiée dans la revue Cell. La prise d’antidépresseurs, couplée aux traitements anti-cancéreux, permettrait de diminuer de moitié la taille des tumeurs.

La sérotonine, souvent surnommée « l’hormone du bonheur », est un messager chimique essentiel à la régulation de l’humeur, du sommeil, de l’appétit et de l’anxiété. Dans un cerveau en bonne santé, quand la sérotonine a transmis son message d’un neurone à un autre, elle est réabsorbée par son neurone d’origine. Chez certaines personnes souffrant de dépression ou de troubles anxieux, ce mécanisme peut être trop rapide. L’effet positif de la sérotonine n’a donc pas le temps de se mettre en place. C’est à ça que veut parer la classe d’antidépresseurs basée sur la fluoxétine (comme le Prozac).

On appelle cette famille de médicaments des « inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine », les ISRS. Ce nom alambiqué signifie simplement que l’antidépresseur bloque cette recapture trop rapide. La sérotonine a le temps de délivrer son message avant d’être trop vite rapatriée dans le neurone. La quantité de sérotonine disponible dans le cerveau augmente de façon à améliorer l’état émotionnel.

Mieux armer les lymphocytes T

D’après ces travaux menés par l’Université de Californie (Etats-Unis), les antidépresseurs pourraient aussi jouer un rôle crucial dans la lutte contre le cancer. On sait que la sérotonine ne joue pas que sur l’humeur mais aussi sur la digestion, le métabolisme et le système immunitaire. Il y a quelques années déjà, l’équipe du Pr Yang s’était aperçue que les cellules immunitaires issues des tumeurs possédaient des niveaux élevés de molécules régulant la sérotonine. Les lymphocyes T cytotoxiques, aussi surnommés lymphocytes T tueurs car ils sont chargés de supprimer les cellules cancéreuses, modifient la régulation de la sérotonine lorsqu’ils reconnaissent une tumeur. Ils produisent alors des enzymes qui dégradent cette hormone. Or, cela rend leur action anticancéreuse moins efficace. Lorsque la sérotonine n’est pas dégradée, qu’elle peut librement faire son effet, les lymphocytes T fonctionnent mieux.

Les chercheurs se sont donc concentrés sur les transporteurs de la sérotonine, appelés les SERT. « Une cible particulièrement intéressante » selon l’équipe, puisque les SERT ne servent qu’à une seule chose: transporter la sérotonine. Or, s’attaquer aux SERT, c’est permettre à la sérotonine de rester plus longtemps en action. L’arme pour y arriver était déjà toute trouvée: les antidépresseurs de type ISRS, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, déjà largement commercialisés sous plusieurs marques comme Prozac, Zoloft, Celexa et bien d’autres.

Des tumeurs moitié moins grosses et des rémissions

En moyenne, les tumeurs ont moitié moins grossi qu’en temps normal (environ 50%) sur des modèles de cancer du sein, de la prostate, du colon, de la vessie et de mélanome ainsi que chez la souris. Grâce à des lymphocytes T bien plus efficaces, qui ont pu ralentir la croissance de la tumeur. « Les antidépresseurs ont rendu les lymphocytes plus heureux dans l’environnement oppressant d’une tumeur », explique le Pr Yang. « Ses signaux de sérotonine ont considérablement augmenté, le revigorant assez pour combattre les cellules cancéreuses. »

En combinant ce traitement avec des thérapies cancéreuses déjà existantes, les résultats ont, encore une fois, été bluffants: cette fois, les tumeurs ont rapetissé, voire disparu chez tous les sujets. En temps normal, les immunothérapies telles que les anticorps anti-PD-1 s’avèrent efficaces chez moins de 25% des patients. Tout le monde ne répond pas à ces molécules, chargées d’aider les lymphocytes T à attaquer les cellules cancéreuses sans être freinés par la protéine PD-1. Cette fois, avec les antidépresseurs, toutes les tumeurs ont diminué de taille chez la souris et certaines ont même atteint le stade de rémission.

Des résultats à confirmer sur l’humain

Un résultat qui, s’il était confirmé sur l’humain, pourrait avoir un impact immense sur l’espérance de vie des malades. « Cela pourrait contribuer à éviter des chirurgies agressives et des dommages irréparables causés à certains organes », confie à Sciences et Avenir James Elsten-Brown, chercheur en microbiologie et en immunologie à l’Université de Californie à Los Angeles, et auteur de l’étude. C’est par exemple le cas de patients avec un cancer de la vessie avancé, chez qui tout l’organe a dû être retiré, et qui vivent ensuite avec une poche urinaire. « En continuant la recherche, on pourrait se passer de chirurgies invasives et de chimiothérapies douloureuses et lourdes pour le patient. »

Après ces premiers résultats prometteurs, l’équipe veut maintenant mener un essai en vie réelle, sur de véritables patients atteints de cancer et traités avec cette classe d’antidépresseurs, en particulier ceux à qui une immunothérapie a été proposée. L’espoir est d’autant plus grand que ces molécules existantes ont déjà été approuvées par les autorités sanitaires. Le processus pour mettre en place ce traitement auprès des patients malades du cancer pourrait être plus rapide que la normale. « Pour le moment, nous nous attendons à ce que les médicaments déjà existants soient efficaces et suffisants dans nos essais cliniques. Mais le développement de nouvelles formulations, dans le but d’améliorer l’efficacité du traitement, reste toujours une possibilité », explique James Elsten-Brown.

Environ 20% des patients atteints de cancer prennent déjà des antidépresseurs – le plus souvent des ISRS – aux Etats-Unis. En France, les dernières données de l’Assurance Maladie remontent à 2010. A l’époque, 6% des Français (sains comme malades, tous confondus) consommaient des antidépresseurs, soit environ 4 millions de personnes.

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