Brésil, Champion Mondial de la Diversité Génétique

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Brésil, Champion Mondial de la Diversité Génétique
Brésil, Champion Mondial de la Diversité Génétique

Africa-Press – Cameroun. Colonisation, migrations forcées, héritage indigène… Avec son histoire mouvementée, le Brésil constitue le pays avec le plus de diversité ethnique au monde. La colonisation du Brésil par les Européens, du 15e au 20e siècle, a entraîné l’un des déplacements de population les plus importants de l’histoire. Environ 5 millions d’Européens et au moins 5 millions d’esclaves africains ont été menés dans une région où vivaient déjà 10 millions d’indigènes. C’est ce qui donne aujourd’hui sa grande diversité génétique et culturelle au Brésil, avec plus de 200 millions de personnes descendantes de ces populations variées. Et cela se retrouve dans son ADN, selon une récente étude publiée dans la revue Science. 8,7 millions de variants génétiques, inconnus jusque-là, viennent d’être découverts.

Souvent absents des bases génétiques mondiales, ils retracent le passé du pays ainsi que les nombreux métissages entre populations. Ces génomes nous racontent d’intenses histoires de migrations, volontaires ou forcées, qui ont mené à la formation de ce qui est probablement la population au monde avec le plus de diversité ethnique. Les Brésiliens sont un véritable réservoir de profils génétiques issus de différents continents, ou même de lignées éteintes aujourd’hui, ce qui les rend d’autant plus intéressants d’un point de vue évolutionnaire ou médical.

Car au-delà de la diversité ethnique, ces nouveaux variants pourraient avoir un apport important dans le domaine de la santé. Ils se trouvent en effet dans des régions régulatrices ou codantes des protéines, susceptibles d’influencer des traits tels que la fertilité, le métabolisme ou l’immunité. 36.637 variants rares et potentiellement nocifs, plus fréquents chez les individus ayant une ascendance africaine ou amérindienne, ont également été identifiés.

Un pic aux 18e et 19e siècles

Pour avoir la représentation la plus complète possible, l’équipe a choisi des cohortes de participants dans tout le pays. Environ 400 d’entre eux proviennent des communautés vivant le long de la rivière Amazone, dont les génomes portent d’importantes portions de gènes indigènes ancestraux. Les populations afro-brésiliennes, avec un héritage génétique africain, ont aussi été incluses.

Les analyses révèlent que le métissage des populations a atteint son pic aux 18e et 19e siècles, durant lesquels les événements historiques ont joué un rôle central dans le mélange des populations. « Après la découverte de mines d’or dans le sud-est du pays, a démarré la période appelée « le cycle de l’or » (1690–1750). Elle a attiré de grandes vagues de migration portugaise et alimenté l’expansion urbaine vers l’intérieur du pays, tout en entraînant le déplacement et l’extermination des populations autochtones », explique Kelly Nunes, chercheuse en génétique à l’Université de Sao Paulo et co-autrice de l’article.

« L’arrivée de la cour royale portugaise en 1808, suivie d’une forte augmentation du trafic d’Africains réduits en esclavage — plus de deux millions jusqu’en 1888 — a marqué l’apogée de la diaspora africaine au Brésil. Après l’abolition de l’esclavage en 1888, les politiques gouvernementales ont encouragé l’immigration européenne, en particulier vers le sud et le sud-est, dans le but de freiner la croissance de la population africaine et de renforcer l’idéologie raciale dominante. Les conflits internes, les guerres et les sécheresses sévères ont également provoqué des déplacements internes massifs. Ensemble, ces processus ont conduit à des épisodes successifs de métissage, souvent marqués par des déséquilibres de pouvoir et de genre, façonnant le complexe mosaïque génétique du Brésil contemporain. »

A cette période, les métissages ne se faisaient pas au hasard: les hommes européens avaient majoritairement des enfants avec des femmes indigènes ou africaines. Les analyses ont aussi révélé des métissages entre des individus issus de différents pays africains, qui n’auraient pas eu l’occasion de se rencontrer sur le territoire africain. Alors qu’au Brésil, si.

« Le génome d’une personne métissée ressemble à une mosaïque composée de blocs issus de différentes origines ancestrales »

Aujourd’hui, il ne reste plus que 10% des peuples indigènes du Brésil. “Environ 90% d’entre eux ont été décimés après l’arrivée des colons européens. Mais malgré cela, les génomes des brésiliens métissés portent encore des traces génétiques de ces groupes ancestraux. De nombreux variants génétiques, trouvés dans les génomes brésiliens d’aujourd’hui, proviennent de populations indigènes américaines qui n’existent plus aujourd’hui. Cela nous aide à comprendre certains aspects clé des premières populations”, poursuit Kelly Nunes. Et à expliquer aussi, comment encore aujourd’hui, ces variants ont un impact sur la santé des brésiliens. “Nous avons trouvé des variants génétiques chez les Brésiliens liés aux populations indigènes qui pourraient jouer un rôle sur la santé des peuples indigènes d’aujourd’hui, et peut-être même sur la population entière”, renchérit la Pr Tábita Hünemeier, spécialisée en biologie évolutionnaire à Sao Paulo.

Au fil des décennies et des mélanges, on pourrait penser que le génome des Brésiliens d’aujourd’hui a été tellement recomposé qu’il en deviendrait impossible de retracer précisément ses origines. Et pourtant, il est toujours possible de lire leur histoire personnelle dans chacun d’eux, selon Kelly Nunes. “Le génome d’une personne métissée ressemble à une mosaïque composée de bloc issus de différentes origines ancestrales. Aujourd’hui, on peut examiner chacun de ces segments, leur nombre et leur taille, pour en trouver l’origine. » Ainsi, l’histoire de l’individu peut être retracée, au point de trouver précisément de quelle région les ancêtres de cette personne étaient originaires.

Ces nouveaux variants génétiques vont désormais pouvoir être utilisés dans de futures recherches, en anthropologie mais aussi dans le domaine médical. Avec 8,7 millions de nouveaux variants trouvés sur à peine 2.700 personnes, le ratio est énorme. « Cela reflète à quel point nous manquons de données dans ce domaine ! », explique Lygia V. Pereira, professeure de génétique à l’Université de Sao Paulo. « Les études génomiques manquent cruellement de diversité et sont principalement réalisées sur des populations d’origine européenne. Or il est crucial d’étudier les génomes de populations hors d’Europe afin que la médecine s’adapte à tout le monde. Ces nouveaux variants proviennent en majorité d’ancêtres africains ou indigènes, ce qui montre à quel point nous avons à apprendre des populations non-européennes. » L’équipe espère que ses résultats permettront de mieux interpréter les tests génétiques des populations issues non seulement du Brésil mais aussi d’Afrique ou d’origine indigène. Ces nouveaux variants pourraient aussi éclairer la biologie humaine d’une lumière nouvelle et être utilisés dans le développement de nouveaux médicaments.

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