
Africa-Press – Cameroun. Chaque matin en France, plus de la moitié des enfants âgés de 3 à 17 ans consomment des céréales au petit déjeuner. À l’occasion de cette rentrée scolaire, le Club européen des diététiciens de l’enfance (Cede) a entrepris un travail d’utilité publique en menant une étude comparative sur la qualité nutritionnelle de ces produits. Les résultats de cette recherche devraient non seulement inciter les parents à comparer attentivement les céréales avant de les acheter, mais aussi encourager les pouvoirs publics à imposer des normes de fabrication plus strictes.
Publiée dans la revue Nutrients, cette étude repose sur l’analyse de 559 produits identifiés comme des céréales pour les petits déjeuners vendus en France, en Belgique et au Luxembourg.
Premier constat: l’offre de céréales varie considérablement selon le type de commerce. Dans les magasins discount, les céréales fourrées, extrudées ou soufflées dominent (43,4 %). À l’inverse, dans les magasins spécialisés en produits biologiques, les flocons d’avoine et les mueslis représentent 78,3 % de l’offre. Or, l’étude révèle que ce sont précisément ces deux dernières catégories de céréales qui présentent les profils nutritionnels les plus intéressants, car elles contiennent plus de fibres et moins de sucre.
Moins de 3% des céréales pour enfants peuvent être mangées quotidiennement
Autre constat plus alarmant: la qualité nutritionnelle des céréales, surtout celles destinées aux enfants, laisse beaucoup à désirer. En effet, moins de 3 % de ces produits obtiennent un Nutri-score A ou B (version 2024), indiquant qu’ils peuvent être consommés quotidiennement. En comparaison, plus de 44 % des autres céréales, qui ne ciblent pas spécifiquement les jeunes, affichent un bon score.
Ces mauvais résultats s’expliquent en grande partie par leur forte teneur en sucre: selon l’étude, 78,2 % des céréales destinées aux enfants contiennent des sucres ajoutés (saccharose, sirop de glucose…), connus pour leurs effets néfastes sur la santé: vite assimilés par l’organisme, ils passent rapidement dans le sang et provoquent un pic d’insuline. Ce pic peut déclencher un cercle vicieux: il stimule l’appétit en provoquant une hypoglycémie réactionnelle, rendant l’enfant plus vulnérable à une consommation excessive de calories. À long terme, cela peut conduire à une prise de poids, car l’excès de sucre est stocké sous forme de graisse.
Le nouvel algorithme du Nutri-score renforce la distinction entre céréales sucrées et non sucrées
L’étude a également mis en évidence l’impact du nouvel algorithme du Nutri-score sur la classification des céréales.
D’après l’ancienne méthode de calcul (Nutri-score initial), près de 30% des céréales destinées aux enfants obtenaient un bon Nutri-score (A ou B).
Avec le durcissement des critères, notamment en ce qui concerne la teneur en sucre, les produits trop sucrés se voient désormais attribuer 5 points supplémentaires « défavorables ». Cette révision de l’algorithme diminue sérieusement le nombre de céréales bénéficiant d’un Nutri-score favorable, comme le montre le graphique.
Les céréales du petit déjeuner, un aliment très industrialisé
Par ailleurs, ce travail scientifique révèle que 80,1% des céréales analysées appartiennent à la catégorie Nova 4, celle des aliments ultra-transformés. Ces produits sont souvent riches en additifs (colorants, émulsifiants, agents gélifiants, texturants, édulcorants) et arômes.
Pour réduire les coûts et rendre leurs produits plus attractifs, les industriels remplacent également des ingrédients bruts comme le sucre, l’huile ou la farine par des substances industrielles telles que le gluten, le sirop de glucose-fructose ou les graisses hydrogénées.
Les formes originales de certaines de ces céréales (coques, mini-donuts, coussins) sont obtenues grâce à un procédé appelé cuisson-extrusion. Ce procédé consiste à faire passer une pâte molle dans un cuiseur-extrudeur, où la chaleur générée par friction provoque une cuisson partielle.
Ensuite, la pâte est soumise à des températures et des pressions très élevées. À la sortie de l’extrudeur, le contact avec la pression atmosphérique transforme la pâte cuite en une matière aérée et légère. Cependant, ce procédé altère notamment l’amidon des céréales, les rendant plus faciles à mâcher et à digérer que des aliments moins transformés, comme une tranche de pain complet.
Or, pour une digestion saine, il est crucial que les aliments soient mâchés et digérés lentement et progressivement. Une libération rapide des sucres peut entraîner une dérégulation de l’appétit et réduire la sensation de satiété.
Selon les autrices et auteurs de la publication, les céréales spécifiquement destinées aux enfants sont encore plus affectées par ces procédés industriels: 93,8 % d’entre elles sont classées comme ultra-transformées, contre 74,6 % pour les autres céréales.
Un aliment qui ne respecte pas les critères de qualité nutritionnelle définis par l’OMS
Pourtant, l’OMS a établi des recommandations nutritionnelles strictes concernant la composition des céréales pour le petit déjeuner des plus jeunes. Malheureusement, dans l’échantillon étudié, seuls 24,2 % des produits respectaient ces critères.
Parmi les céréales comportant un marketing ciblant les enfants, seulement 4,4 % respectaient ces recommandations.
Marketing agressif et pression matinale: un défi pour les parents
Cependant, Il est souvent difficile pour les parents de résister à l’achat de ces céréales, car les enfants, influencés par un marketing et une publicité agressifs, deviennent prescripteurs de ce type de produits.
Interrogée à ce sujet par Sciences et Avenir, Céline Richonnet, coautrice de l’étude et diététicienne, comprend bien cette réalité. Elle reconnaît qu’il peut être compliqué de renoncer à ces céréales pour le petit déjeuner: elles plaisent aux jeunes, et rassurent les parents en leur permettant de s’assurer que leurs enfants ne partent pas à l’école le ventre vide.
Le Cede souligne également que le repas du matin, avec un temps limité, n’est pas propice aux discussions sur le choix des aliments. Lors des échanges avec les patients, les diététiciennes observent que les céréales représentent une solution pratique pour de nombreuses familles: elles sont faciles à préparer — il suffit de les verser dans un bol avec du lait —, rapides à manger, propres (pas de miettes sur la table ou au sol, contrairement aux tartines), elles se conservent longtemps.
Un changement d’habitude qui doit se faire pas à pas
À la question de savoir comment faire face à ce problème, Céline Richonnet recommande d’adopter un changement progressif: « Le changement doit se faire pas à pas. Par exemple, on peut limiter la consommation de céréales aux jours d’école et proposer d’autres options le reste du temps. Nous encourageons le retour aux tranches de pain, qui peuvent être accompagnées de fromage, de beurre végétal (à base de noisettes, d’amandes, etc.) ou de beurre classique. Pour ceux qui aiment le sucré, une petite quantité de confiture ou une fine couche de pâte à tartiner peut également convenir. »
Elle suggère également de profiter de moments comme la rentrée scolaire pour changer de marque et éviter les versions spécifiquement conçues pour les enfants, facilement reconnaissables par leurs emballages attractifs (dessins, jeux, personnages de dessins animés sous licence, univers enfantin) et leurs saveurs séduisantes, comme le caramel, le miel ou le chocolat. « Les plus riches en sucre et en acides gras saturés sont les céréales fourrées », précise-t-elle.
Elle préconise: « À la place, optez pour des mueslis au chocolat, qui plairont tout autant aux enfants tout en étant bien meilleurs sur le plan nutritionnel que presque toutes les céréales destinées aux enfants. »
Céline Richonnet encourage aussi à utiliser des applications comme Open Food Facts pour comparer les différentes marques. Ces outils fournissent des informations sur le Nutri-score et le degré de transformation, permettant ainsi de faire évoluer ces choix vers des options plus saines.
Un marché à réguler
Néanmoins, le Cede estime que les parents ne devraient pas avoir à s’orienter seuls dans cette « jungle alimentaire » et déplore l’inaction des pouvoirs publics.
Si la France rendait obligatoire l’application des critères de l’OMS pour les céréales, les fabricants qui souhaitent communiquer auprès des enfants seraient contraints de reformuler leurs produits en réduisant la teneur en sucre et en augmentant la proportion de céréales complètes.
Enrichies en fibres, ces céréales aideraient à limiter les pics d’insuline et favoriseraient la sensation de satiété. Avec de telles compositions améliorées, le choix des céréales pour le petit déjeuner deviendrait beaucoup plus simple et plus sain pour les familles.
Les trois outils utilisés par le Club européen des diététiciens de l’enfance (Cede) pour étudier les céréales du petit déjeuner
Le Nutri-score est un système de notation qui classe les aliments en fonction de leur teneur en sucre, en sel, en matières grasses, et de leur densité énergétique. Les produits sont notés de A à E: un aliment classé « A » est considéré comme sain et peut être consommé régulièrement, tandis qu’un produit classé « E » est à éviter et doit être consommé très occasionnellement.
La classification Nova évalue les aliments selon leur degré de transformation. Un aliment du groupe 1 correspond à un produit brut, comme un fruit, un légume, ou du lait. À l’opposé, un aliment du groupe 4 est considéré comme ultra-transformé, ayant subi un niveau élevé de transformation industrielle qui altère ses qualités nutritionnelles.
Le troisième outil est celui développé par le bureau régional pour l’Europe de l’OMS. Il fournit des seuils à ne pas dépasser pour chaque catégorie d’aliments s’adressant à l’enfant. Pour les céréales du petit déjeuner, les critères fixés par l’OMS sont les suivants: pas plus de 17 g de matières grasses, 12,5 g de sucres totaux, et 0,5 g de sodium par portion de 100g. Les produits qui dépassent ces seuils sont déconseillés pour une consommation régulière, surtout chez les enfants et ne devraient pas pouvoir les cibler (cadeaux, licence, personnages…).
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