Dans Notre ADN, un Rétrovirus de 500 Millions D’années « contrôle » les Embryons

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Dans Notre ADN, un Rétrovirus de 500 Millions D'années
Dans Notre ADN, un Rétrovirus de 500 Millions D'années "contrôle" les Embryons

Africa-Press – Cameroun. Environ 8% de notre génome a été hérité de rétrovirus. Ces derniers ont infecté des organismes primitifs, des êtres vivants – qui sont nos ancêtres très lointains – il y a des millions d’années. Mais ce matériel génétique fait toujours partie de notre ADN. Longtemps, la science a pensé que cet « ADN poubelle » ne servait à rien. Mais des chercheurs espagnols viennent de montrer qu’au contraire, ils ont joué un rôle crucial dans notre développement. C’est grâce à ces rétrovirus hérités il y a des millions d’années que les embryons humains parviennent à se développer.

Il y a environ 500 millions d’années, « l’explosion cambrienne » survenait sur Terre. Durant cette période, les êtres vivants qui peuplent la planète connaissent un boom: la biodiversité se développe à grande vitesse. « Les organismes multicellulaires émergent notamment dans les océans. Les invertébrés, les animaux sans colonne vertébrale, étaient alors dominants. En parallèle, les premiers vertébrés, les ancêtres des poissons et autres vertébrés d’aujourd’hui, évoluent. Des organismes ressemblant à des poissons dotés de structures squelettiques primitives ont commencé à apparaître. Des formes simples d’algues et de plantes primitives étaient présentes, contribuant à la diversité globale des écosystèmes », explique Nabil Djouder, à la tête de l’équipe de recherche Facteurs de croissance, nutriments et cancer au CNIO, le centre de recherche espagnol contre le cancer.

L’ADN « poubelle », un précieux patrimoine

C’est à cette époque que des rétrovirus parviennent à s’intégrer dans l’ADN des animaux récemment apparus. Ce passage dans le génome des êtres vivants n’a pas été « prémédité » par les rétrovirus. Il s’agit plutôt d’un processus fortuit. « Les rétrovirus sont des virus à ARN qui ont la capacité unique de transcrire leur génome ARN en ADN. Ce dernier peut ensuite être intégré dans l’ADN de la cellule hôte », explique Nabil Djouder. Si la cellule infectée est une cellule germinale, un spermatozoïde ou un ovule, le virus peut être transmis à la génération suivante lors de la reproduction sexuée. « Attention, il est important de noter que toutes les infections virales ne conduisent pas à une intégration dans le génome de l’hôte. Dans la plupart des cas, le système immunitaire peut éliminer l’infection virale sans intégration. »

Au fil du temps, les restes viraux dans le génome sont des séquences qui ont été intégrées dans le génome de l’hôte au cours de l’évolution, en étant sans cesse transmis au génération futures. Si bien qu’environ 8% de notre ADN d’aujourd’hui est constitué de « restes » de ces rétrovirus d’il y a 500 millions d’années. Longtemps, cet ADN a été considéré comme de l’ADN « poubelle ». « On a longtemps appelé comme ça le petit pourcentage du génome qui ne semblait pas coder pour des protéines ni jouer un rôle fonctionnel clair. De nombreux scientifiques pensaient autrefois que ces régions non codantes, y compris les restes viraux, étaient essentiellement des restes évolutifs sans but ni fonction », explique Nabil Djouder. Mais au fil des recherches, il est devenu évident que de nombreuses régions non codantes, y compris certains restes viraux, jouent un rôle important dans les fonctions de régulation, l’expression des gènes et la stabilité du génome.

De deux à quatre cellules, une étape clé

Et les nouveaux travaux publiés par l’équipe de Nabil Djouder dans la revue Science Advances vont largement dans ce sens: c’est le matériel génétique hérité des rétrovirus qui dicte le rythme de développement des embryons. Le mécanisme intervient tout au début de la gestation, après la fécondation, lorsque les premières cellules se divisent. Quand l’embryon n’est encore composé que de deux cellules, ces dernières sont totipotentes. Elles peuvent se développer n’importe quel type de cellules, des tissus ou des organes de l’organisme. Lors de l’étape d’après, quand ces deux cellules se divisent pour former quatre cellules, la pluripotence apparaît. « C’est une étape encore plus spécialisée. Les cellules pluripotentes ont la capacité de se différencier en n’importe quel type de cellule de l’organisme mais ne peuvent pas former de tissus extra-embryonnaires tels que le placenta. Ces cellules jouent un rôle crucial dans les premiers stades du développement embryonnaire et donnent naissance aux différentes couches cellulaires qui forment les différents tissus et organes de l’organisme », explique le dernier auteur de l’étude.

Or justement, si la pluripotence apparaît chez les embryons de quatre cellules, c’est grâce aux rétrovirus et la protéine MERVL qu’ils nous ont transmise. C’est elle qui active et désactive le gène URI, qui donne la pluripotence. « Lorsqu’il n’y a que deux cellules dans l’ovocyte, l’expression de la protéine virale MERVL est élevée. A mesure que l’expression de MERVL diminue, elle laisse le gène URI entrer en action, et la pluripotence apparaît », explique Nabil Djouder. Les rétrovirus contrôlent directement les facteurs de pluripotence et donc le développement des embryons.

Une co-évolution de millions d’années

Mais quel a été l’intérêt des rétrovirus, il y a 500 millions d’années, à s’intégrer dans le génome des êtres vivants ? Justement, il ne s’agit pas d’un intérêt évolutif, qui aurait permis de « faire prospérer l’espèce », selon la théorie darwinienne. Les rétrovirus n’ont pas vraiment « cherché » à façonner activement l’évolution des organismes hôtes pour leur survie. Il s’agit plutôt d’une co-évolution de plusieurs millions d’années. « Il serait faux de dire que les virus ont activement façonné l’évolution du génome de l’hôte. Au lieu de cela, leur relation est dynamique et complexe, entraînant divers résultats au cours du temps évolutif, certains restes viraux étant réutilisés par l’hôte pour des fonctions bénéfiques », nuance Nabil Djouder.

Au-delà de cette fascinante histoire de notre évolution, cette découverte pourrait susciter l’intérêt dans la médecine régénérative. Ce domaine, axé sur la réparation, le remplacement ou la régénération de cellules, de tissus ou d’organes pour restaurer une fonction du corps humain, utilise des cellules souches. Des cellules d’embryons encore indifférenciées. De même, ces nouveaux résultats pourraient aussi profiter à la création d’embryons de synthèse, utilisés pour mieux comprendre les premiers stades du développement humain et expliquer les fausses couches.

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