Africa-Press – Cameroun. La technique n’est pas franchement nouvelle. Les auteurs de l’article qui vient de paraître dans la revue scientifique Microorganisms rappellent en effet que depuis des décennies, l’analyse des eaux usées sert à détecter la présence du poliovirus, agent de la poliomyélite, dont la diffusion profite de la mauvaise gestion des matières fécales. Mais la pandémie de Covid-19 en 2020 a singulièrement élargi le périmètre d’action de ce moyen de détection. Les membres de Santé publique France, de l’Agence nationale de santé environnement (Anses), du Laboratoire d’hydrologie de Nancy et des agences régionales de santé (ARS) viennent ainsi de détailler la construction d’une nouvelle méthode de surveillance des maladies virales, en profitant du fait que le virus transite par l’urine et les excréments humains.
Avant que ne se développe la pandémie de Covid-19, les signes de survenue d’une maladie contagieuse étaient obtenus grâce aux recueils des données des passages aux urgences des hôpitaux, des déclarations — obligatoires — des médecins de ville et des résultats des analyses effectuées par les laboratoires d’analyse médicale privés et publics. L’observation des échantillons d’eaux usées s’ajoutent donc à un système de surveillance bien rodé où les données sont centralisées par Santé publique France. Mais avec un double avantage: la circulation d’un virus peut être détectée bien avant que les services de santé ne constatent un afflux de malades. Et elle permet de mieux considérer l’ampleur de l’épidémie, puisque cette mesure inclut les personnes affectées par le virus mais qui n’ont pas fait appel à un service médical car moins sévèrement touchées.
Une sélection sévère des stations d’épuration à analyser
La technique ayant fait ses preuves lors de la pandémie de 2020, elle a été pérennisée avec la création en septembre 2021 du réseau SUM’EAU pour « surveillance microbiologique des eaux usées » mis en place par la Direction générale de la santé et la direction de l’eau du ministère de la Transition écologique. SUM’EAU est piloté par Santé publique France et l’Anses qui a désigné le Laboratoire d’hydrologie de Nancy comme référence pour la détection du SARS-CoV-2 dans les eaux usées et les boues de station d’épuration.
Ce que décrit l’article, c’est la construction scientifique d’un nouvel outil de détection. Il a fallu en effet définir la pertinence du choix des stations d’épuration qui entrent dans le dispositif afin d’obtenir un échantillonnage représentatif d’une grande partie de la population. Et il faut également décider de la fréquence des prélèvements, de la façon de les assurer et de les protéger pendant leur acheminement jusqu’au laboratoire. Le laboratoire de Nancy a ensuite été chargé d’élaborer un protocole d’analyse par extraction de l’ARN qui assure une même pratique partout sur le territoire.
Le réseau comprend donc 54 stations d’épuration. Il a fallu, pour les choisir, considérer dans un premier temps les 47 unités urbaines de plus de 150 000 habitants que compte la France métropolitaine. Les près de 30 millions de personnes vivant dans ces unités sont couvertes par 475 usines de traitement. Il a donc fallu étudier les caractéristiques et avantages de chacune pour les comparer dans un processus de sélection complexe. Aux 45 départements ayant au moins une station d’épuration de plus de 150 000 habitants, ont été ajoutées les plus représentatives des 56 départements n’ayant pas d’agglomérations de cette taille. Ensuite, la réglementation française impose la prise d’échantillons des rejets d’eaux usées toutes les 24 heures à fin d’analyse de la qualité des eaux rejetées au milieu naturel.
Pour SUM’EAU, la fréquence de deux à trois prélèvements par semaine a paru idéale pour respecter à la fois les exigences de performance et de coût et respecter les délais nécessaires pour obtenir les résultats. Une étude pilote menée en août 2022 sur 12 stations d’épuration de Dijon, Grenoble, Lille, Marseille, Nancy, Nantes, Orléans, Paris, Pau, Rennes, Rouen et Toulouse, couvrant 10% de la population, a permis de valider ces choix et de construire des indicateurs.
Un consortium européen encadre les analyses des eaux usées
SUM’EAU a été inclus au réseau de surveillance intégrée des infections respiratoires aiguës depuis l’hiver 2023-2024. Selon Santé publique France, sept pics de circulation de Covid-19 ont depuis été détectés en France. Dans un avenir proche, la grippe saisonnière, la rougeole et la bronchiolite vont également être surveillées par SUM’EAU. Afin de partager expériences et bonnes pratiques, le réseau fait partie du consortium européen Wastewater Integrated Surveillance for Public Health (EU-Wish), lancé en novembre 2023 pour améliorer cette technique de surveillance et harmoniser les pratiques.
Cette nouvelle technique de détection devrait également être utile pour les ARS en charge de l’application de la nouvelle version de la directive sur l’eau, adoptée en décembre 2024 et qui entrera en application en 2026. La directive impose en effet la recherche de nouvelles molécules tant biologiques que chimiques, ce qui va impliquer de nouveaux protocoles de collecte. Parmi les molécules qui devront désormais être recherchées à des teneurs plus basses dans les eaux usées, figurent le bisphénol A, les chlorates et chlorites, les PFAS.
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