Africa-Press – Cameroun. « Peut-on considérer les démangeaisons cutanées comme une douleur? », nous demande Vincent Bailleul sur notre page Facebook. C’est notre question de lecteur de la semaine. Merci à toutes et tous pour votre participation.
A première vue, démangeaison et douleur semblent appartenir à deux mondes distincts: l’une pousserait à se gratter frénétiquement, l’autre à se protéger d’une menace. Pourtant, lorsqu’on explore l’architecture nerveuse qui gouverne ces sensations, la frontière se brouille. Les démangeaisons (ou prurit) mobilisent en réalité un réseau de neurones qui s’apparente étroitement à celui de la douleur.
Une voie nerveuse dédiée, mais voisine de celle de la douleur
Les démangeaisons naissent de la stimulation de pruri-récepteurs, des terminaisons nerveuses spécialisées disséminées dans la peau. Ces capteurs transmettent le signal le long d’une chaîne de trois neurones: le premier part de la peau et remonte jusqu’à la moelle épinière ; le second relaie l’information dans cette dernière ; le troisième, enfin, projette le signal vers une zone cérébrale impliquée dans les sensations et les émotions, où nous prenons conscience que « ça gratte ».
Cette organisation rappelle fortement celle empruntée par la douleur, ce qui n’a rien d’un hasard: les deux systèmes sont étroitement liés, même s’ils reposent sur des fibres et des récepteurs distincts.
Le grattage, un étrange dialogue entre douleur et démangeaison
Si se gratter soulage, c’est précisément parce que la démangeaison n’est pas une douleur… mais qu’elle peut être mise en sourdine par elle. Nos peaux abritent en effet un deuxième type de capteurs: les nocicepteurs, spécialisés dans la douleur. Lorsque nous nous grattons, nous infligeons à notre peau une micro-agression, suffisamment intense pour activer ces nocicepteurs.
À leur arrivée dans la moelle épinière, les signaux de douleur inhibent alors ceux de la démangeaison: une sorte de priorité biologique qui explique le soulagement temporaire. Mais l’effet rebond est rapide, car les neurones impliqués ont été suractivés… et l’envie de se gratter revient aussitôt !
Démangeaison et douleur, des « cousines » dans le paysage sensoriel
En neurobiologie, la démangeaison est ainsi considérée comme une sensation distincte, possédant ses propres récepteurs et voies d’activation. Elle n’est donc pas une douleur, à strictement parler. Toutefois, les deux sensations entretiennent des relations si étroites, en particulier via leur inhibition réciproque et leur proximité dans la moelle épinière et le cerveau, qu’elles peuvent être vues comme des « cousines » dans le vaste paysage sensoriel.
Ce qui rapproche le plus démangeaison et douleur, c’est peut-être la manière dont elles nous interrogent sur notre corps: l’une appelle la protection immédiate, l’autre la réaction compulsive. Deux signaux d’alarme, chacun à sa façon.





