Mystère français : l’explosion du nombre de cancers du pancréas semble lié aux pesticides

8
Mystère français : l'explosion du nombre de cancers du pancréas semble lié aux pesticides
Mystère français : l'explosion du nombre de cancers du pancréas semble lié aux pesticides

Africa-Press – Cameroun. « En France, le nombre de cancers du pancréas a été multiplié par deux pour les hommes et par trois pour les femmes environ entre les années 1990 et 2020. C’est un vrai phénomène épidémiologique », constate le Dr Mathias Brugel, hépato-gastro-entérologue et épidémiologiste au CH de Bayonne – Côte Basque et premier auteur d’une nouvelle étude liant ces cancers du pancréas à l’exposition aux pesticides. Une explosion du nombre de cas qui est « deux à trois fois plus forte » en France qu’ailleurs en Europe, en particulier les pays nordiques, précise le Pr Olivier Bouché, oncologue digestif au CHU de Reims et co-signataire de l’étude. Au point que les praticiens le constatent dans leur patientèle, à leur échelle. « Cela se ressent beaucoup dans notre pratique quotidienne, où les patients atteints de cancer du pancréas sont plus nombreux et plus jeunes – moins de 60 ans », précise Mathias Brugel.

Le mystérieux cas français

Un mystère français que les chercheurs ont tenté d’éclaircir dans la revue European Journal of Epidemiology en le rapprochant d’une autre particularité française: son usage des pesticides. En 2020, nous étions le septième plus gros utilisateur de pesticides au monde, derrière les Etats-Unis, le Brésil, la Chine, l’Argentine, la Russie et le Canada, d’après l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture. Or, de précédents travaux avaient déjà montré des liens entre l’exposition aux pesticides et la survenue de certains cancers.

En avril 2024, la même équipe du CHU de Reims publiait d’ailleurs avec le laboratoire de toxicologie du CHU de Limoges l’étude PESTIPAC qui retrouvait plus de traces d’organochlorés – classe de pesticides réputés dangereux et aujourd’hui interdits en France – dans les graisses abdominales de 26 patients atteints de cancer du pancréas que dans celles de 26 sujets sains. « Même chez les témoins sans cancer, ils avaient tous au moins un pesticide détecté », explique Olivier Bouché, jugeant ce constat « très inquiétant ». Neuf pesticides étaient retrouvés dans la moitié des prélèvements et la médiane était de trois pesticides par personne, ce qui signifie qu’il y avait autant de sujets avec plus de trois pesticides dans les graisses qu’avec moins de trois pesticides. « Certains étaient présents chez tout le monde, nous sommes tous exposés. Mais le nombre et la quantité de produits étaient plus importants dans les graisses des malades atteints de cancer du pancréas », résume Olivier Bouché.

Une zone plus à risque de cancer du pancréas traverse la France de haut en bas

Ces conclusions soulèvent une nouvelle question, pointe Mathias Brugel: à quel point retrouve-t-on cette corrélation entre exposition aux pesticides et incidence du cancer du pancréas sur l’ensemble du territoire français ? Pour le savoir, les chercheurs analysent dans leur nouvelle étude la carte de l’incidence du cancer du pancréas sur le territoire hexagonal – à partir de la base de données nationale PMSI, enregistrant toutes les activités médicales du territoire – et celle de l’exposition théorique aux pesticides – calculée pour chaque zone géographique à partir de la surface agricole et de la quantité de pesticides achetés. « C’est un découpage en plus de 5.000 zones d’environ 70 km carrés et 6.500 habitants – entre la commune et le canton », précise Olivier Bouché.

Premier constat, la répartition des cancers du pancréas sur le territoire est très hétérogène, avec une large zone verticale où le risque est plus important allant de la pointe nord de l’hexagone à la région Languedoc et l’arc méditerranéen de la côte d’Azur en passant par l’Île-de-France, une bonne partie de l’est de la région Centre, de l’ouest de la Bourgogne et du nord de la région Rhône-Alpes. « Les zones qui se détachent sont le bassin parisien, le Centre, la Bourgogne, la vallée du Rhône et le bassin méditerranéen, dont plusieurs sont connues pour leur viticulture ou arboriculture », observe Olivier Bouché. Toute la zone ouest incluant la Bretagne et la Basse-Normandie jusqu’aux Midi-Pyrénées est en zone à plus faible risque, à l’exception de l’Aquitaine, qui est classée en risque moyen, ainsi que le reste du territoire. « Je ne m’attendais pas à ce que le risque soit aussi différent et une répartition aussi marquée sur le territoire », souligne Mathias Brugel. En clair, dans la zone à risque, la probabilité que le risque de survenue du cancer du pancréas soit supérieur à la moyenne nationale est de 80%, contre moins de 20% seulement dans la zone à bas risque (et 20 à 80% dans la zone à risque moyen).

⚠️Correction de mon précédent thread: c’est pas la prostate mais le pancréas ! pic.twitter.com/FUqr2f4cvn

— Thibault Fiolet 🇪🇺 🇫🇷 (@T_Fiolet) December 31, 2024

Un risque de cancer du pancréas augmenté de 1,3% lié à un certain usage des pesticides

De ces données, les chercheurs déduisent une augmentation du risque de cancer du pancréas corrélée à l’utilisation de pesticides. « En clair, sur une zone donnée, si j’augmente la moyenne d’achat des pesticides de 2,6 kg par hectare sur 11 ans, je vais augmenter le risque de cancer du pancréas de 1,3% », explique Mathias Brugel. Des résultats qui tiennent compte des principaux facteurs de risque de cancer du pancréas dont l’âge, le statut socio-économique, l’obésité, le tabagisme, la consommation d’alcool, le sexe et même les déserts médicaux. Cette augmentation du risque semble faible, mais peut faire une grosse différence à l’échelle de la population.

Ces résultats ne concernent pas les quelque 300 pesticides disponibles. « Pour des raisons pratiques et méthodologiques, nous nous sommes concentrés sur les cinq plus utilisés et les cinq plus dangereux », explique Mathias Brugel, soit neuf substances car le mancozèbe, un fongicide, était dans les deux listes. Trois de ces pesticides ressortent particulièrement. L’usage du soufre en aérosol (fongicide beaucoup utilisé en viticulture, arboriculture et horticulture), du glyphosate (herbicide) et du mancozèbe étaient individuellement associés à une augmentation du risque d’incidence de cancer du pancréas. Après les débats opposant écologistes et forces politiques sur l’interdiction ou non du glyphosate et alors que les preuves scientifiques sur sa dangerosité sont convergentes mais encore peu solides, cette étude plaide en faveur de la poursuite de travaux explorant son lien avec la survenue du cancer du pancréas, avance Mathias Brugel.

Un probable effet cocktail incluant les pesticides

Pour autant, bien que l’étude établisse clairement une association statistique entre le risque de cancer du pancréas et l’exposition estimée aux pesticides, des analyses biologiques sur des cohortes d’individus devront confirmer le lien de causalité. Une tâche plus difficile qu’il n’y parait, tant d’autres facteurs peuvent s’ajouter aux pesticides dans ce qu’on appelle des « effets cocktails ». « Il reste beaucoup de facteurs environnementaux non identifiés ou peu étudiés, comme les métaux lourds, les microplastiques ou les PFAS », ces derniers désignant des polluants éternels impliqués dans de nombreux produits dont des imperméabilisants, emballages ou antiadhésifs, explique Michaël Génin, responsable adjoint de l’Unité Statistique, Evaluation Economique, Data-management du CHU de Lille et qui a co-dirigé ces travaux. D’après Mathias Brugel et lui, l’hypothèse la plus probable serait une synergie entre plusieurs facteurs de risques, incluant les pesticides.

Quant à savoir quel est le poids de l’usage des pesticides sur l’incidence de cancer du pancréas dans ce probable effet cocktail, il faudra d’autres études pour pouvoir l’estimer. En attendant, le cancer du pancréas est en passe de devenir le deuxième cancer le plus important en termes de mortalité en Europe d’ici 2030.

Pour plus d’informations et d’analyses sur la Cameroun, suivez Africa-Press

LAISSER UN COMMENTAIRE

Please enter your comment!
Please enter your name here