Polluants Éternels: TFA Présent Dans Eaux Françaises

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Polluants Éternels: TFA Présent Dans Eaux Françaises
Polluants Éternels: TFA Présent Dans Eaux Françaises

Africa-Press – Cameroun. Les eaux destinées à la consommation humaine sont l’un des sujets d’inquiétude en matière de pollution. Elles sont également l’élément de notre alimentation le plus règlementé en France. Les PFAS, surnommés également « polluants éternels », occupent par leur extrême persistance le devant d’une scène déjà encombrée par d’autres polluants. Quelles sont celles de ces molécules susceptibles de se retrouver dans notre eau potable?

La dernière campagne nationale du Laboratoire d’Hydrologie de Nancy (LHN), dépendant de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), a procédé à l’analyse de l’eau destinée à notre consommation en ciblant spécifiquement cette classe de composés chimiques. Les résultats ont été rendus publics 3 décembre 2025. Que retenir de ce rapport de 60 pages, de ces 647 prélèvements dans les eaux brutes et 627 dans les eaux distribuées?

35 PFAS examinés

L’ensemble des points de captage visités représentent 20 % de l’eau distribuée en France. Ils ont été choisis selon des typologies différentes: gros débit, site de prélèvement choisi de manière aléatoire, sites désignés par les Agences régionales de santé pour leur « vulnérabilité » ou comme lieux d’émissions potentielles de pollution.

35 PFAS ont été recherchés dans les prélèvements effectués en France métropolitaine et ultramarine par les Agences régionales de santé.

20 « polluants éternels » figurant dans la directive européenne sur les eaux destinées à la consommation humaine applicable au plus tard à partir du 12 janvier 2026. Neuf d’entre eux n’apparaissent jamais dans les analyses de ce rapport présenté hier par le LHN. « Ce sont des molécules hydrophobes (…) et donc il est assez logique qu’on ne les ait jamais retrouvées au cours de cette campagne », explique Xavier Dauchy.

15 autres sélectionnés par l’Anses et le LHN, pour leur affinité chimique avec l’eau, ou dit autrement, leur capacité à persister dans les eaux. Les PFAS nouveaux venus ont été retenus en fonction des données scientifiques qui existaient ou des remontées d’informations des Agences régionales de santé (ARS).

La liste retenue par le LHN présente des PFAS à chaîne longue (plus de trois chaînes carbonées) et intègre d’autres à chaîne ultra-courte (inférieure à trois chaînes de carbone) dont l’acide trifluoroacétique (TFA) et l’acide trifluorométhanesulfonique (TFMSA).

Certains PFAS présents mais à des niveaux faibles…

Sur les 35 PFAS recherchés, 20 ont été détectés dans au moins un prélèvement d’eau brute et 19 dans l’eau distribuée. Parmi les PFAS à chaîne longue les plus fréquemment retrouvés dans les prélèvements, dans les eaux brutes comme les eaux traitées figurent le PFHxS, le PFOS et le PFHxA. Dans les eaux traitées, le PFBA, le PFPeA et le PFOS ont présenté parfois des valeurs individuelles supérieures à 100 ng/L (nanogramme par litre qui exprime la masse de corps dissous ou dispersé dans un litre d’eau). Ce seuil de qualité de 100 ng/L, pour la remettre dans le contexte réglementaire de l’Union européenne, c’est la concentration à ne pas dépasser pour 20 PFAS !

Point à retenir au milieu d’un rapport difficile à décrypter pour le béotien: le LHN et l’Anses constatent que les lieux de captage d’eau, les plus gros en débit d’eau, « sont relativement exposées aux diverses voies de dissémination des PFAS ». Les ressources en eau sont « vulnérables [quand elles sont] à proximité d’activités émettrices de PFAS », et plus gênant, « certaines sources potentielles sont probablement encore mal identifiées et donc caractérisées ».

Le TFA, recherché, omniprésent et molécule d’intérêt

Le résultat le plus étonnant est certainement la présence majoritaire de TFA, ou acide trifluoroacétique: 92% des échantillons d’eau brute comme distribuée en comportent ! « Quand on cherche, on trouve ! », a lancé ironiquement l’un des membres du groupe de travail du LHN lors de la conférence de presse. « Les données de la campagne du laboratoire nous ont conforté dans le fait que le TFA était une molécule d’intérêt ».

Le PFAS à chaîne ultra-courte mérite toute l’attention des autorités sanitaires par son omniprésence avec cependant des concentrations variant d’un échantillon à l’autre. La concentration maximale relevée par le LHN est de 25 μg/L, inférieure certes à la valeur indicative sanitaire pour l’eau potable fixée à 60 μg/L en France. Mais ces 25 μg/L dépassent la limite vers laquelle il faudrait tendre, 10 μg/L, une préconisation du Haut Conseil de la santé publique en 2024. Un pays européen s’est doté d’une limite encore plus basse: les Pays-Bas avec une valeur sanitaire indicative de 2 μg/L. Pour rappel, il ne fait pas partie de la liste des 20 « polluants éternels » figurant déjà dans la directive européenne.

TFA, le nouveau PFAS qui inquiète

Le TFA est à la fois un PFAS produit par la dégradation d’autres PFAS à chaîne moléculaire plus longue mais est également « émis dans l’environnement par les industries qui le synthétisent ou l’utilisent dans des processus industriels », précisait l’Anses à Sciences et Avenir en juin 2024. C’est un produit à usage multiple (solvant, catalyseur…) qui entre dans la fabrication de PFAS polymères, de pesticides, de produits pharmaceutiques, des gaz réfrigérants des systèmes de climatisation et de pompes à chaleur.

Ce PFAS à chaîne ultra-courte a été repéré dans les cours d’eau et d’autres eaux de surface, les eaux souterraines, les précipitations atmosphériques et les rejets de stations d’assainissement en France et dans d’autres pays européens. Les campagnes de prélèvements menées par l’association Générations futures et le réseau PAN Europe en 2024 ont augmenté sa visibilité dans les médias.

Un autre PFAS à chaîne ultra-courte à surveiller

L’acide trifluorométhanesulfonique (ou TFMSA) est l’autre surprise des résultats du rapport. Il apparaît dans ces données officielles pour la première fois en France. Il est utilisé comme catalyseur ou réactif dans de nombreuses synthèses chimiques, ainsi que comme électrolyte dans les batteries au lithium. Sa présence n’est pas aussi forte que celle du TFA mais il figure, lui aussi, dans le top 5 des substances les plus présentes dans les échantillons. C’est également un PFAS à chaîne ultra-courte, présent dans 13% des échantillons, avec une concentration médiane de 28,5 ng/L dans l’eau distribuée (0,0285 μg/L).

Et les pesticides PFAS?

Le rapport n’évoque pas le lien entre les pesticides PFAS et leur dégradation en TFA, mis en lumière par les campagnes d’alerte d’ONG en 2023. Le LHN « n’a pas vocation à doublonner des surveillances déjà opérationnelles, nous explique-t-on en conférence de presse. Des chercheurs danois ont pu déterminer qu’au moins sept substances actives de produits phytosanitaires pourraient produire du TFA. Plusieurs pays européens, dont la France, ont plaidé pour une révision accélérée des limites de qualité de ces produits. Mais nous ne sommes pas forcément dans des zones d’alerte non plus au regard des valeurs sanitaires (pour les pesticides, en cas de dépassement de la limite de qualité mais avec une valeur restant en dessous de la valeur sanitaire, l’eau est encore consommable. Cependant, des mesures doivent être prises par l’exploitant pour rétablir sa conformité. Une valeur sanitaire dépend de l’état des connaissances sur la substance, ndlr) ».

Pas de lien entre les PFAS à chaîne ultra-courte et les autres PFAS

On aurait pu imaginer que des PFAS à longue chaîne puissent se dégrader en TFA, ou TFMSA. Le rapport contrecarre l’idée. Il n’y a pas de co-occurrence entre ces petits PFAS et les autres PFAS recherchés au cours de la campagne: « aucun lien statistique n’a pu être mis en évidence entre la présence de TFA/TFMSA et celles des autres (…). Ce qui nous permet de penser que les sources importantes d’émissions de TFA et de TFMSA sont sans relation avec celles des autres PFAS ».

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