Silo sur Apple TV : combien de temps pourrait-on vraiment vivre sous terre sans lumière naturelle ?

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Silo sur Apple TV : combien de temps pourrait-on vraiment vivre sous terre sans lumière naturelle ?
Silo sur Apple TV : combien de temps pourrait-on vraiment vivre sous terre sans lumière naturelle ?

Africa-Press – Cameroun. Dans la série Silo, dont la deuxième saison est en cours sur Apple TV+, un groupe d’humains vit sous terre dans un gigantesque silo de 144 étages. Dans ce futur dystopique, la société est régie par des règles très strictes dont quelques humains vont tenter de s’extirper… Voilà pour la fiction. Mais, dans la réalité, on peut se demander quelles pourraient être les conséquences pour un organisme humain d’être un troglodyte au long cours ?

Quelques personnes se sont essayées à l’expérience. Le spéléologue français Michel Siffre (décédé le 24 août 2024) est resté 40 jours au fond du gouffre de Scarasson (Italie) en 1962. Par la suite, il réitèrera l’aventure à trois reprises pour des durées allant de deux mois à 205 jours. Le plus long séjour en profondeur est actuellement détenu par la sportive Beatriz Flamini qui a vécu, de novembre 2021 à avril 2023, 510 jours dans une grotte espagnole située à 70 mètres de profondeur.

Chercheur en chronobiologie au centre de recherche Douglas et à l’université McGill de Montréal (Canada), Nicolas Cermakian a mené de nombreuses études sur l’horloge circadienne. Il répond aux questions de Sciences et Avenir sur ce qu’impliquerait une telle vie en profondeur.

Sciences et Avenir: Dans la série Silo, des humains sont nés et vivent en permanence dans des conditions de troglodytes, ce qui est inédit, non ?
Nicolas Cermakian: Oui, c’est certain. Pour le coup, nous ignorons les répercussions exactes d’une telle existence. Mais, le fait est que notre organisme est le fruit de millions d’années d’évolution et d’adaptation à un environnement réel avec des cycles de lumière et d’obscurité. Et, ce n’est pas le fait d’avoir une ou deux générations vivant sous terre qui peut fondamentalement changer comment l’organisme est constitué. Néanmoins, je ne pense pas qu’il soit adapté au point d’éviter les problèmes de santé qui pourraient découler d’un manque de lumière naturelle. Que ce soit au niveau physique comme psychique.

Une ampoule ne remplacera jamais la lumière du soleil
Pourtant, dans le silo, il y a une lumière artificielle. Cela ne suffit donc pas ?

On serait tenté de penser que si les lumières sont allumées à 7h pour être éteintes le soir à 19h, par exemple, cela imposerait un cycle lumière/obscurité comparable à ce que nous vivons à l’extérieur. Comme eux, nous suivons avant tout un rythme social dicté par nos activités, le travail, les dispositifs pour compter le temps, que ce soit les horloges dans le silo ou nos montres.

Je suppose que, même dans un environnement exempt du cycle naturel d’alternance lumière/obscurité, une société conserverait une organisation dans le temps sur 24h. D’ailleurs, les personnes vivant très au nord du cercle polaire arctique continuent de travailler sur des horaires de 24h.

Sauf que, dans le silo, même des ampoules puissantes seraient cent fois moins brillantes que la lumière d’une journée ensoleillée et même, je dirais, cinquante fois moins que celle d’une journée nuageuse. C’est donc sans commune mesure avec l’intensité lumineuse de l’environnement.

En quoi est-ce un problème ?

Nous savons par exemple que, dans nos sociétés où nous sommes énormément à l’intérieur et beaucoup moins exposés à la lumière que quelqu’un vivant à l’extérieur, cela peut avoir une influence sur nos rythmes circadiens et nos rythmes de vie. Il existe plusieurs expériences sur le sujet assez intéressantes.

Par exemple, des chercheurs du Colorado ont mené une série d’études où ils sont allés faire du camping durant une semaine. Durant cette période, le téléphone et toute source de lumière artificielle étaient proscrits. En quantifiant leurs rythmes biologiques avant, pendant et après cette semaine de camping et en mesurant leurs cycles endogènes, par exemple leurs taux de mélatonine, une hormone circadienne ayant un rythme de 24h, ils ont constaté un changement dans leurs chronotypes respectifs. En effet, tout individu a un rythme biologique qui lui est propre. Certains sont plus du matin. D’autres plus du soir.

Eh bien, il s’avère qu’au bout d’une semaine, avec la forte synchronisation dictée par le soleil et l’obscurité du soir, leurs chronotypes, différents au début de l’expérience, se sont alignés, devenant équivalents. Ce qui démontre que le cycle de l’environnement a un impact très fort sur l’horloge circadienne de l’être humain.

Si je consulte mon téléphone le soir dans mon lit, cela va donc bouleverser mon chronotype ?

Certaines études ont en effet démontré l’effet des écrans lumineux le soir. Si vous consultez les infos sur votre téléphone ou regardez une série, cela décale vos rythmes. La lumière électrique et tout particulièrement la lumière bleue influe indéniablement sur nos rythmes biologiques et notre sommeil.

Preuve en est qu’il existe une autre série d’études comparant en Amérique du Sud deux groupes d’une même ethnie séparés d’une dizaine de kilomètres. La différence résidant dans le fait que les uns disposaient de l’électricité, et pas les autres. Il s’est avéré que les premiers se couchaient plus tard, mais se levaient aux mêmes heures et avaient donc moins d’heures de sommeil.

Perturber les rythmes biologiques expose à des problèmes de santé
Mais, au final, est-ce que c’est si grave ?

C’est la question qui importe. Et, à ce niveau, on peut dire deux choses. Premièrement, si nos rythmes biologiques ne sont plus ajustés par l’environnement, et en particulier par la lumière naturelle, les rythmes de chacun auront tendance à s’exprimer plus librement. On pourrait donc envisager que se mette en place un décalage horaire social chez certaines personnes.

Nos obligations sociales, un horaire de travail ou de cours, ont un impact et nous forcent à vivre à des heures qui ne correspondent pas forcément à nos chronotypes. Je pense tout particulièrement aux adolescents qui sont plus du soir que les adultes, consultent beaucoup les écrans mais doivent malgré tout se lever tôt. Cela engendre un fort décalage horaire social pouvant mener à des troubles de l’attention durant les études ou à des accidents sur les lieux de travail.

Deuxièmement, si ce décalage horaire social se prolonge plusieurs années durant, cela peut avoir des conséquences en termes de santé publique et conduire à différents types de maladie. Il est donc important d’être bien ajusté avec son environnement. Et, pour en revenir à la série Silo, la population est justement privée de ce cycle lumineux naturel.

La révolte se cache dans le manque de lumière
Pouvant conduire à ce que l’habitant du silo se révolte… ?

Il est certain que lorsqu’on est déconnecté de son environnement naturel, le corps et le cerveau sont moins efficaces. Et cela peut mener à des tensions. Un exemple anecdotique: des études ont montré que, dans les jours qui suivent les changements d’heures, les juges ont tendance à imposer des jugements plus sévères que le reste de l’année. Comme quoi, même une petite heure de décalage horaire peut déjà avoir un impact significatif sur le comportement.

En outre, on peut penser qu’être exposé à moins de lumière pourrait induire certains problèmes psychiatriques, notamment des troubles de l’humeur. Au Québec comme en France, de 3 à 10% de la population souffrent durant les mois d’automne et d’hiver d’une dépression saisonnière probablement liée à un déficit d’exposition à la lumière. D’ailleurs, une manière de diminuer les symptômes consiste à s’exposer le matin à la lumière vive d’une lampe spécialement conçue pour corriger ce genre de troubles.

D’ailleurs, si je pouvais parler aux responsables du silo, je leur conseillerais fortement de mettre à disposition sur tous les étages ce type d’appareillage lumineux s’ils veulent éviter les ennuis…

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