Africa-Press – CentrAfricaine. La décision a été approuvée à l’unanimité par les ministres des Affaires étrangères de l’UE réunis à Bruxelles. Lundi 13 décembre, l’Union européenne, dans un rare moment de consensus, a décidé de prendre des sanctions contre le groupe paramilitaire russe Wagner pour les « actions de déstabilisation » menées en Ukraine et dans plusieurs pays d’Afrique. La société privée de mercenaires est notamment accusée d’avoir « recruté, formé et envoyé des agents militaires privés dans des zones de conflit du monde entier afin d’alimenter la violence, de piller les ressources naturelles et d’intimider les civils en violation du droit international, notamment du droit international des droits humains », précise un communiqué. « Les personnes figurant sur la liste de l’UE sont impliquées dans de graves violations des droits humains, notamment des actes de torture et des exécutions et meurtres extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, ou dans des activités de déstabilisation dans certains des pays où elles opèrent, notamment en Libye, en Syrie, au Donbass en Ukraine et en République centrafricaine », selon la même source. Ces sanctions n’auront probablement pas un grand impact à Moscou, mais elles marquent un nouveau durcissement de la politique étrangère de l’UE envers la Russie.
Mardi, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a affiché son soutien à ces sanctions. « Ces actions soulignent notre engagement commun à répondre aux actions déstabilisatrices de cette organisation », a-t-il indiqué dans un communiqué. « Nous applaudissons l’UE pour son engagement à promouvoir le respect des droits humains dans le monde, ainsi qu’à défendre l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Ukraine », a-t-il ajouté.
Moscou a de son côté vivement réagi : « L’hystérie qui s’est propagée en Occident autour de ce thème témoigne avant tout de la jalousie de certaines anciennes métropoles européennes à l’égard des États d’Afrique et du Moyen-Orient », dont elles ont été « forcées de reconnaître en leur temps la souveraineté et l’indépendance », a indiqué dans un communiqué le ministère russe des Affaires étrangères. « La Russie se réserve le droit de répondre aux actions hostiles de l’UE », a ajouté la diplomatie russe, répétant que « les entreprises militaires privées ne sont pas contrôlées par les autorités » russes et défendant le « droit souverain » des pays en question à avoir recours à de telles sociétés.
Barrer la route à Wagner
Parmi les personnes ciblées figurent le fondateur et commandant militaire du groupe Wagner, Dimitri Outkine, un ancien membre des forces spéciales russes, et plusieurs de ses collaborateurs, dont Valery Zakharov, conseiller pour la sécurité du président de la République centrafricaine Faustin-Archange Touadéra, Denis Kharitonov, chef militaire dans la région séparatiste du Donbass en Ukraine, et Andreï Troshev, directeur général du groupe pour les opérations en Syrie.
Les quatre autres personnes visées sont des mercenaires actifs en Ukraine, en Syrie et en Libye.
Trois sociétés liées au groupe Wagner, Evro Polis, Mercury et Velada, sont également visées. Elles sont implantées en Syrie dans les secteurs du gaz et du pétrole. « La décision prise aujourd’hui a pour but de mettre un terme aux activités subversives du groupe Wagner. Elle témoigne de la ferme détermination de l’UE à défendre ses intérêts et ses valeurs dans son voisinage et, au-delà, et à prendre des mesures concrètes contre ceux qui menacent la paix et la sécurité internationales et violent le droit international », explique le communiqué.
« Wagner est une société militaire privée russe utilisée pour déstabiliser la sécurité en Europe et dans des pays tiers de son voisinage, notamment en Afrique », a souligné un diplomate européen. L’UE avait sanctionné en 2020 l’oligarque russe Evgueni Prigojine, proche du pouvoir russe et considéré comme le financier du groupe Wagner, rappelle la décision adoptée lundi par les ministres des Affaires étrangères.
Avertissement pour Bamako
Il était urgent pour l’UE de prendre des décisions fermes par rapport à Wagner. En effet, l’UE s’inquiète de la volonté de la junte militaire au Mali de recourir aux services de Wagner au détriment de la France – et de ses alliés avec la mission européenne Takuba –, qui lutte à travers l’opération Barkhane contre les djihadistes depuis 2012 au prix du déploiement de 5 100 hommes (et de la mort de 55 en huit ans). La rumeur de la signature imminente d’un contrat entre Wagner et la junte malienne, pour le déploiement d’un millier de mercenaires, circule depuis cet été, sans que cela ait été confirmé. « La nouvelle situation née de la fin de l’opération Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome ou avec d’autres partenaires », avait déclaré le Premier ministre, Choguel Maïga, le 25 septembre. Depuis, la France a averti Moscou que le déploiement de mercenaires russes dans la bande sahélo-saharienne serait « inacceptable ». Jusqu’à présent, le Kremlin nie tout lien avec le groupe paramilitaire. Cette tactique lui permet de ne pas être impliqué et encore moins inquiété en cas de violations des droits humains ou d’exactions. Wagner est également connu pour des faits de prédations, notamment dans le secteur minier, dans les pays où il opère, comme la Centrafrique.
Un autre signal a été envoyé à la junte malienne. Les ministres européens ont aussi approuvé, ce même 13 décembre, un cadre juridique leur permettant de « sanctionner ceux qui feraient obstruction à la transition au Mali ». La décision était imminente, alors que des élections sont prévues pour se tenir fin février et que la junte souhaite les reporter. Dimanche, lors du sommet de la Cedeao, à Abuja, la transition malienne dominait les discussions entre les chefs d’État et de gouvernement. En novembre, l’organisation avait déjà imposé des sanctions aux membres de l’autorité de transition et à leurs familles.
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