Intérêt de l’Afrique à intégrer les Brics

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Intérêt de l'Afrique à intégrer les Brics
Intérêt de l'Afrique à intégrer les Brics

Thaïs Brouck

Africa-Press – CentrAfricaine. Alors que le sommet des Brics s’ouvre le 6 juillet à Rio, l’organisation, qui se rêve en porte-parole du « Sud global », attire un nombre croissant de pays du continent. Au risque de remplacer une domination par une autre.

En Afrique, le pouvoir d’attraction des Brics est indéniable. « Nous pensons que les Brics sont une très bonne alternative pour les pays du Sud », déclarait Yassine Fall, en avril, lors d’une interview accordée à la chaîne russe RT. La ministre sénégalaise des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’extérieur affirmait d’ailleurs, sans plus de précisions, que son pays était en « pourparlers » pour rejoindre le groupe hétérogène de puissances émergentes.

À l’origine, l’appellation Brics désigne le rapprochement de quatre pays, le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine, auxquels s’est ajoutée l’Afrique du Sud en 2011. En 2024, le groupe s’est élargi à deux autres pays africains, l’Égypte et l’Éthiopie, ainsi qu’à l’Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et à l’Iran.

Mais n’intègre pas les Brics qui veut. En 2023, le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, en avait fait une priorité. « L’Algérie s’intéresse aux Brics en ce qu’ils constituent une puissance économique et politique », assurait-il. Hélas, la candidature de l’Algérie n’a finalement pas été retenue. Cet échec d’Abdelmadjid Tebboune avait été expliqué par le manque de diversification de l’économie algérienne, trop dépendante des hydrocarbures.

Depuis, les Brics ont créé un club de pays membres partenaires. Du côté des Africains, l’Algérie donc, mais aussi le Nigeria et l’Ouganda ont ainsi pu rejoindre ce groupe satellite, sorte d’antichambre avant une éventuelle intégration pleine et entière.

De multiples motivations

Les motivations des candidats sont multiples: diversification des partenariats commerciaux ; renforcement de la coopération Sud-Sud ; accès à des financements alternatifs, notamment via la Nouvelle banque de développement (NDB) des Brics. Depuis sa création, en 2015, la NDB revendique 40 milliards de dollars d’investissements dans plus de 120 projets. Mais, pour l’instant, l’institution dirigée par Dilma Rousseff n’en a financé aucun sur le continent et débloque essentiellement des fonds pour les cinq membres historiques.

En mai, l’Algérie en est officiellement devenue le neuvième actionnaire, avec une contribution de 1,5 milliard de dollars au capital. Alors que la NDB se présente comme une alternative à la Banque mondiale, ses prêts ont l’avantage d’être exempts « de conditionnalités politiques », analysait alors le quotidien algérien El Watan. Le principe de respect de la souveraineté des États séduit particulièrement. « Récemment, les États-Unis et l’Union européenne ont gelé les avoirs de pays sans résolution des Nations unies. L’Ouganda ne pouvait pas rester un simple observateur et a décidé de faire partie de cette nouvelle coalition », expliquait, par exemple, en janvier, Henry Okello Oryem, le ministre ougandais des Affaires étrangères, pour justifier le rapprochement de son pays avec les Brics.

Gain en influence

Les candidats africains misent aussi sur un gain en matière d’influence. « Beaucoup y voient l’occasion d’accroître le poids de l’Afrique sur la scène internationale alors qu’ils considèrent qu’ils n’ont pas voix au chapitre au sein de l’ordre mondial tel qu’il est conçu, notamment au FMI, à la Banque mondiale ou aux Nations unies », explique Laurent Delcourt, chargé d’études au Centre tricontinental.

Le contexte actuel, marqué par un niveau d’endettement élevé des pays du continent, et une forte baisse de l’aide au développement, pourrait accélérer le mouvement. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les financements des pays donateurs, essentiellement occidentaux, devraient baisser de 9 % à 17 % en 2025, après un recul de 9 % l’année dernière.

Le salut pourrait-il venir des Brics qui pèsent 36 % du PIB et 45 % de la population mondiale? « Derrière leur rhétorique de solidarité Sud-Sud, leur modus operandi n’est guère différent de celui des anciennes puissances coloniales », rétorque Laurent Delcourt.

Rapports de force déséquilibrés

La Chine, qui pèse pour près de la moitié du PIB des Brics, est déjà – depuis une quinzaine d’années – le premier partenaire commercial du continent africain. « La relation commerciale se caractérise par des échanges asymétriques et ce constat perdure », rappelle Émilie Laffiteau, chercheuse associée à l’Institut français de relations internationale et stratégique (Iris). « Les biens exportés par la Chine demeurent des produits manufacturés et des biens d’équipement tandis que les biens exportés par l’Afrique restent essentiellement des minéraux bruts et des produits agricoles. » Les relations commerciales entre l’Afrique et les autres membres historiques des Brics ont, peu ou prou, le même profil asymétrique. Il semble donc difficile de penser que l’adhésion de plus de pays africains à l’institution puisse inverser la tendance ou ne soit synonyme d’investissements massifs de l’Inde, du Brésil ou de la Russie sur le continent.

Dans le même temps, les prêts accordés par la Chine aux pays du continent sont en fort recul. Certes, en 2024, lors du Forum sur la coopération sino-africaine (Focac), 50 milliards de dollars ont été promis par Pékin d’ici à 2027, dont 29 milliards de prêts, 11 milliards d’aides et 10 milliards d’investissements. C’est 10 milliards de dollars de plus que lors du Focac de 2021. Mais c’est beaucoup moins que les sommes accordées dans les années 2010.

Pire, selon une étude de l’institut australien Lowy publiée fin mai, depuis 2025, les flux financiers sont négatifs, c’est-à-dire que l’Afrique, dans son ensemble, obtient moins de nouveaux prêts qu’elle n’en rembourse à la Chine. En somme, rejoindre la coalition des pays émergents ne présente qu’un intérêt économique limité pour le continent. Mais offre l’avantage de diversifier les alliances et, avec pragmatisme, pourrait permettre de mettre en concurrence les deux blocs hétérogènes pour espérer en tirer le meilleur parti.

Source: JeuneAfrique

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