Africa-Press – CentrAfricaine. Si la présence russe sur le continent ne cesse de s’accroître, la société paramilitaire russe Wagner a récemment plié bagages. Sur Telegram, ces « oncles blancs » se vantent des horreurs commises sur place.
« La mission est accomplie ». Le groupe paramilitaire russe Wagner a officiellement annoncé son départ du Mali ce 6 juin, marquant la fin de plus de trois années d’opérations sur place. Il revendique avoir permis au pouvoir en place de reprendre le contrôle de tous les centres régionaux du pays et d’avoir « éliminé des milliers de combattants et leurs chefs qui terrorisaient les civils depuis des années ». Pour autant, cela ne signifie pas la fin de la présence russe dans le pays. Les contingents du groupe sont en réalité réintégrés au sein de l’Africa Corps, une organisation plus étroitement contrôlée par le ministère de la Défense russe. Les autorités maliennes n’ont d’ailleurs jamais officiellement reconnu la présence de la société, préférant parler d’instructeurs russes.
Depuis son arrivée dans la région, Wagner suscite l’indignation de la scène internationale dont de nombreuses ONG humanitaires, par la brutalité de ses méthodes dans sa lutte contre le terrorisme. Si les débats sur le sujet sont nombreux, en cette fin du mois de juin, les dernières nouvelles viennent trancher la question. Les investigations menées par le média Jeune Afrique et le collectif Bellingcat révèlent l’existence de chaînes Telegram privées, utilisées par membres et fanatiques du groupe, pour documenter et exhiber ses crimes. Administrée par un ancien combattant du groupe paramilitaire, « Oncles blancs en Afrique » compte 92 500 abonnés. Toujours plus loin dans l’horreur, une version « Oncles blancs en Afrique 18+ » existe également. Ouvertement racistes, elles promeuvent des produits H8 Core, marque tournée vers un public à l’idéologie néonazie. Pire encore, vidéos et images de crimes de guerre, dont tortures, exécutions cruelles, actes de cannibalisme, mutilations et profanations de cadavres perpétrés sur des civils, y sont quotidiennement publiées… revendiquées par leurs propres auteurs. Face au scandale, ces chaînes ont été fermé.
Une barbarie soigneusement documentée
Contrairement aux affirmations de Wagner concernant sa lutte contre le terrorisme, les données collectées par l’Armed Conflict Location & Event Data Project (ACLED) révèlent, eux aussi, une réalité tout à fait sordide. De tous les faits de violence politique commis par Wagner, les actions où des civils sont pris pour cible représentent 52 % en République Centrafricaine et 71 % au Mali. L’ACLED recense ainsi près de 500 décès de civils attribuables à des opérations notamment menées par les forces du groupe Wagner.
Ces dernières informations rejoignent celles de l’enquête journalistique « Tortures et disparitions forcées: plongée dans les prisons secrètes de Wagner », menée par plusieurs médias dont Le Monde et Forbidden Stories, sortie mi-juin. On y retrouve des témoignages: « Les hommes de Wagner mènent leurs opérations de manière autonome et arrêtent eux-mêmes les gens sur le terrain. Les FAMa n’ont pas leur mot à dire […] » alerte un officier malien, sous couvert d’anonymat.
Le massacre de Moura, survenu du 27 au 31 mars 2022 dans la région de Mopti au Mali, illustre parfaitement cette stratégie de terreur. Selon Human Rights Watch, environ 300 habitants de cette localité et ses environs ont été exécutés pendant cinq jours. La plupart des victimes appartenaient à la minorité peule. Toute cette violence, initialement destinée à lutter contre le terrorisme dans la zone, n’a à ce jour pas réussi à endiguer la menace. Wagner a d’ailleurs subi des pertes massives près de la frontière algérienne en juillet 2024. Le Front de libération de l’Azawad, lui, continue de s’attaquer aux convois militaires escortés par des éléments russes.
Avec Africa Corps, la reprise des violences?
Créée en 2024 sous l’autorité directe du Kremlin, la structure incarne désormais sa nouvelle présence militaire sur place. Supervisée par le général Younous-Bek Evkurov, vice-ministre de la Défense, ce corps compte entre 40 000 et 45 000 combattants, dont 70 à 80 % sont d’anciens mercenaires de Wagner. Elle est aujourd’hui déployée dans cinq pays: Libye, Burkina Faso, Mali, République Centrafricaine et Niger. Sa base principale se trouve en Libye, qui sert de quartier général en raison de sa position géographique stratégique sur la côte méditerranéenne.
Cette évolution ne présage rien de bon pour les populations civiles africaines. Si Wagner est déjà responsable de graves violations des droits humains, l’Africa Corps, en tant qu’extension directe de l’État russe, pourrait d’autant plus engager la responsabilité de Moscou dans de futurs crimes de guerre. La Russie continue ainsi d’utiliser des forces paramilitaires pour maintenir et étendre son influence en Afrique, perpétuant un cycle de violence et d’instabilité au détriment des populations.
Source: Corbeau News Centrafrique
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