5G en Afrique: promesses, limites et réalités

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5G en Afrique: promesses, limites et réalités
5G en Afrique: promesses, limites et réalités

Isaac K. Kassouwi

Africa-Press – CentrAfricaine. Le Maroc a récemment annoncé un plan d’investissement de 80 milliards de dirhams (environ 8,9 milliards USD) pour déployer la 5G sur l’ensemble de son territoire. Ce projet s’inscrit dans une dynamique continentale où, selon l’Agence Ecofin, une trentaine de pays africains ont déjà amorcé le déploiement commercial de cette technologie. Si la 5G, technologie mobile de dernière génération, promet une révolution numérique, elle soulève des interrogations sur les problèmes qu’elle résout — ou non — en matière d’accès à Internet sur le continent.

Des promesses d’une performance à haut débit

La 5G offre des débits théoriques pouvant atteindre jusqu’à 20 Gbps en réception et 10 Gbps en émission, contre environ 100 Mbps pour la 4G. Cette augmentation spectaculaire de la bande passante ouvre la voie à des usages intensifs en données, tels que le streaming en ultra haute définition (4K/8K), la téléchirurgie, la réalité virtuelle ou encore les véhicules autonomes. Par ailleurs, la latence est réduite à moins de 10 millisecondes, soit cinq fois moins qu’en 4G, permettant le développement d’applications en temps réel jusqu’alors impossibles à généraliser.

Au-delà des débits, la 5G peut gérer jusqu’à un million d’objets connectés par kilomètre carré, alors que la 4G atteint environ 100 000. Cette capacité est essentielle pour l’essor de l’Internet des objets (IoT), notamment dans les zones urbaines densément peuplées, mais aussi pour des usages industriels tels que les capteurs agricoles, la gestion intelligente de l’énergie ou le suivi logistique.

Grâce à des innovations comme l’agrégation de porteuses et le partage de spectre, la 5G optimise également l’utilisation des infrastructures existantes. Elle peut ainsi s’appuyer sur les sites radio 4G déployés, permettant une montée en capacité sans explosion des coûts fixes, ce qui facilite son déploiement progressif.

Ces besoins sont d’autant plus pressants que, selon la GSMA, le trafic de données mobiles en Afrique devrait être multiplié par cinq entre 2023 et 2030, passant de 4 à plus de 20 Exaoctets par an. La 5G s’impose donc comme une solution indispensable pour absorber cette croissance exponentielle.

Les limites invisibles d’une technologie de pointe

Pour autant, la 5G ne règle pas tous les problèmes. En 2023, près de 40 % de la population africaine, soit environ 500 millions de personnes, n’avait pas accès à la 3G ou à la 4G, seuil pourtant nécessaire pour un usage Internet mobile basique. Le déploiement de la 5G reste essentiellement concentré dans les grandes villes, souvent les capitales et centres économiques, tandis que les zones rurales, où vit 60 % de la population, continuent d’être largement sous-connectées.

Le coût est également un frein majeur: le prix moyen d’un smartphone compatible 5G est supérieur à 150 USD, alors que le revenu moyen par habitant dans de nombreux pays africains reste inférieur à 1000 USD par an, selon la Banque mondiale. Les forfaits 5G, souvent plus chers, limitent aussi leur adoption dans un contexte où l’Internet mobile est majoritairement consommé via des packs de données prépayés, avec des volumes limités.

Pour la majorité des utilisateurs, les usages courants tels que la messagerie, les réseaux sociaux ou la vidéo en streaming fonctionnent déjà très bien en 4G. Sans contenus ni applications spécifiquement optimisés pour la 5G, la valeur ajoutée pour l’utilisateur moyen demeure limitée, ce qui freine l’adoption et l’enthousiasme autour de cette nouvelle technologie.

Enfin, le déploiement de la 5G exige des investissements lourds: construction de nouvelles antennes, déploiement de la fibre optique pour le backhaul, et acquisition de fréquences souvent coûteuses. Le coût de base du déploiement de la 5G est estimé entre 3 et 8 milliards de dollars par pays, selon une étude de 2022 réalisée par Ericsson. L’entreprise suédoise estime qu’un investissement supplémentaire de 20 à 35 % est nécessaire pour étendre la couverture du réseau. Ce coût peut pousser les opérateurs à prioriser les zones urbaines jugées plus rentables, au détriment des régions rurales, accentuant ainsi les inégalités d’accès au numérique.

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