Centrafrique: Référendum Pour Touadéra En Élections

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Centrafrique: Référendum Pour Touadéra En Élections
Centrafrique: Référendum Pour Touadéra En Élections

Par Mimi Mefo Takambo

Africa-Press – CentrAfricaine. La RCA vote le 28 décembre lors d’une quadruple élection rare. Le président sortant défend les progrès réalisés en matière de sécurité, tandis que l’opposition accuse son gouvernement d’échec économique.

La République centrafricaine se dirige vers une quadruple élection à enjeux élevés le 28 décembre 2025. Le scrutin se déroule non seulement dans un contexte de reprise économique fragile, mais aussi dans un paysage géopolitique de plus en plus complexe.

Les électeurs choisiront en une seule journée un président, des députés nationaux, des dirigeants régionaux et des conseils municipaux. Il s’agit là d’un défi logistique et politique pour un pays longtemps marqué par les conflits et les interventions extérieures.

Au coeur de la course se trouve le président sortant Faustin-Archange Touadéra, qui brigue un troisième mandat après que des modifications constitutionnelles adoptées en 2023 ont supprimé la limitation du nombre de mandats.

Celui qui a été Premier ministre de 2008 à 2013 sous la présidence de François Bozizé a axé sa campagne sur les progrès réalisés en matière de sécurité grâce au soutien de partenaires internationaux, notamment les Nations unies et des alliés bilatéraux tels que la Russie et le Rwanda.

Alors que le gouvernement présente ces alliances comme essentielles au rétablissement de l’autorité de l’État, les détracteurs avertissent que le recours massif à l’aide étrangère risque de restreindre l’espace politique et de compliquer davantage un processus électoral déjà contesté.

« Regardez la situation en 2016, lorsque j’ai pris mes fonctions: il n’y avait aucune autorité étatique dans tout le pays… On ne pouvait pas sortir sans escorte. Nos forces de défense étaient complètement inexistantes », a déclaré Faustin-Archange Touadéra à la DW dans une interview exclusive, ajoutant qu’ « aujourd’hui, nous voyons un pays qui se redresse progressivement, qui relève la tête. »

La sécurité au coeur de la campagne

Touadéra a lancé sa campagne devant des milliers de partisans dans un stade bondé à Bangui, plaçant la sécurité au centre de son message. « Le combat pour la paix et la sécurité n’est pas terminé », a-t-il affirmé à la foule, s’engageant à renforcer davantage les forces armées afin de préserver l’unité nationale.

Dans son interview à la DW, le président a insisté sur ce qu’il a qualifié de transformation du paysage sécuritaire. « Nous sommes passés de 5.000 militaires à plus de 23.000 aujourd’hui sur le terrain », a-t-il déclaré, ajoutant que les troupes centrafricaines opèrent désormais aux côtés de partenaires internationaux, notamment la mission de l’ONU MINUSCA.

Tout en reconnaissant l’insécurité persistante dans des régions telles que le Haut-Mbomou, il a qualifié les groupes armés restants de « bandits » et a promis que « les forces de l’ordre [se dresseraient] devant eux pour protéger la population ».

Faustin-Archange Touadéra a également souligné les efforts de désarmement en cours comme preuve des progrès accomplis. « Nous avions identifié quatorze groupes armés. Aujourd’hui, onze groupes armés ont déclaré leur autodissolution », a-t-il déclaré, affirmant que la paix avait créé les conditions nécessaires à la poursuite du redressement.

L’opposition appelle au changement

L’optimisme du président est vivement contesté par son principal rival. Anicet-Georges Dologuélé a en effet accusé les autorités d’avoir manipulé les élections précédentes et a averti que les mêmes risques pesaient à nouveau.

Pour l’ancien Premier ministre (de 1999 à 2001), qui a perdu face à M. Touadéra lors des élections présidentielles de 2016 et 2020, le scrutin à venir s’inscrit dans le cadre d’une lutte contre ce qu’il qualifie de fraude systématique.

« Vous parlez d’échec… mais tout le monde sait qu’il s’agissait d’un vol. Donc deux vols contre M. Touadéra. Ce que je dois faire maintenant, c’est ne plus laisser voler ma victoire », a-t-il déclaré à la DW.

La campagne de Dologuélé a été éclipsée par des litiges juridiques et administratifs. Bien qu’il ait renoncé à sa nationalité française pour se conformer aux nouvelles exigences constitutionnelles limitant les candidats à une seule citoyenneté, les tribunaux lui ont ensuite retiré son passeport centrafricain, ce qui a donné lieu à une plainte auprès du bureau des droits de l’homme des Nations unies. Malgré cela, il reste sur les listes électorales.

En parcourant les quartiers de Bangui avec un convoi de partisans, Dologuélé a décrit l’élection comme « un choix pour la survie nationale, un choix entre la résignation et l’espoir ». Il a accusé les autorités d’être responsables du déclin économique.

« Nous n’avons plus d’économie. Quel genre de pays est-ce donc qui ne produit rien, qui n’exporte rien? », s’est étonné Anicet-Georges Dologuélé.

Ces critiques ont alimenté les demandes plus larges de l’opposition en faveur d’un report du scrutin, invoquant des retards et des irrégularités présumées de la part de l’Autorité nationale des élections (ANE).

Alors que l’ANE insiste sur le fait qu’elle est prête, plusieurs partis d’opposition affirment que des problèmes logistiques et de transparence non résolus risquent de compromettre la crédibilité des résultats.

« Rien ne peut, à ce jour, empêcher l’organisation de ces élections le 28 décembre », a déclaré le porte-parole de l’ANE, Dimy Bodman Zitongo.

Les partis d’opposition et les groupes de la société civile contestent cette affirmation, avertissant que le manque d’informations sur les électeurs et les cartes des bureaux de vote contestées pourraient nuire à la confiance.

Une coalition d’opposition plus large, le Bloc républicain pour la défense de la Constitution de mars 2016, est allée plus loin en annonçant un boycott des élections en raison de ce qu’elle qualifie de manque de transparence.

Les jeunes électeurs pris entre espoir et désillusion

Au-delà de l’élite politique, les élections revêtent une importance particulière pour les jeunes électeurs, dont beaucoup voteront pour la première fois. Selon les autorités électorales, quelque 2,3 millions d’électeurs devraient participer au scrutin, dont près de 749.000 nouvellement inscrits.

À Bangui, les jeunes interrogés par la DW ont fait part de leur frustration, mais aussi d’un espoir prudent. Brunel, apprenti bijoutier au Centre des arts et métiers, a déclaré que sa priorité était la stabilité.

« Notre préoccupation première est d’avoir la stabilité afin que les autorités puissent créer des conditions favorables au travail des fils et des filles du pays », estime-t-il, appelant à investir dans les industries de transformation locales.

À l’université de Bangui, l’étudiante Leslie Monika a mis l’accent sur la réforme de l’éducation.

« Je voudrais que le ministère de l’Éducation fasse preuve de plus de rigueur… pour lutter contre la corruption et valoriser véritablement l’éducation », a-t-elle souhaité, avertissant que la faiblesse des institutions pousse les jeunes Centrafricains à chercher des opportunités à l’étranger.

Pour d’autres, comme le métallurgiste Icôme Ikar, la sécurité et l’emploi sont indissociables.

« Si le pays est sûr, nous pourrons travailler correctement et nourrir nos familles », a-t-il déclaré, ajoutant que les autorités doivent veiller à ce que les travailleurs locaux bénéficient de tout nouvel investissement.

Une surveillance internationale dans un contexte de mise à l’épreuve de la crédibilité

Les élections se dérouleront sous l’oeil vigilant de la mission des Nations unies MINUSCA, qui fournit un soutien logistique et une assistance en matière de sécurité. En visite à Bangui fin novembre, le sous-secrétaire général des Nations unies chargé des opérations de maintien de la paix, s’est montré prudemment optimiste.

« La situation sécuritaire s’est améliorée ; des progrès vraiment très importants ont été réalisés », a assuré Jean-Pierre Lacroix, tout en reconnaissant les défis qui persistent dans certaines parties du nord-est et du sud-est.

Selon lui, la tenue d’élections crédibles contribuerait à « consolider les bases du développement et du progrès économique, et donnerait ainsi des perspectives à tous les Centrafricains, en particulier aux jeunes ».

Un moment décisif pour la RCA?

Depuis son indépendance de la France en 1960, la République centrafricaine a connu des coups d’État, des rébellions et des guerres civiles à répétition. Le scrutin du 28 décembre est largement considéré comme un test qui permettra de déterminer si le pays peut s’engager sur la voie d’une stabilité durable ou s’il risque d’aggraver les divisions politiques.

Pour Faustin-Archange Touadéra, ce scrutin est également un référendum sur ses dix années au pouvoir. « Je demande au peuple centrafricain de me donner une nouvelle chance de continuer à travailler avec lui », a-t-il déclaré, présentant sa candidature comme une continuité avec le consentement. « Peut-on changer une équipe qui gagne? Nous devons continuer », a-t-il assuré.

Pour l’opposition et de nombreux électeurs, cependant, cette élection soulève des questions plus profondes sur la transparence, la souveraineté et le choix démocratique dans un système encore marqué par la faiblesse des institutions et des griefs non résolus. Et pour des millions de Centrafricains ordinaires, en particulier les jeunes, c’est une occasion rare de faire entendre leur voix pour façonner l’avenir du pays.

Source: allAfrica.fr

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