
Anouar CHENNOUFI
Africa-Press – CentrAfricaine. Anti-Balaka » est le nom attribué à une milice apparue en République centrafricaine en 2009, lorsqu’elle a été fondée par des villageois chrétiens sous prétexte d’affronter des voleurs et des bandits, mais en 2013 le mouvement d’opposition « Séléka » a réussi à renverser le président chrétien de la République de Centrafrique, François Bozizé, et Michel Djotodia, un musulman, a pris le pouvoir à sa place.
Le président déchu était à la tête du pays depuis qu’il avait dirigé un coup d’État militaire en 2003.
A cette époque, la proportion de musulmans en Centrafrique oscillait entre 15 et 25%, et une majorité des membres de la Séléka étaient musulmans.
Et depuis, la milice «Anti-Balaka » a déclenché une vague de violence orageuse contre les citoyens musulmans, notamment :
• Meurtres,
• Incendies de cadavres,
• Amputations, destruction de mosquées
• et Déplacement d’un grand nombre de citoyens musulmans.
Dans quelles circonstances fût créé le mouvement Anti-Balaka ?
Voyons d’abord ce que signifie l’appellation « Anti-Balaka ».
Selon une version, le terme d’anti-balaka signifierait « anti-machette », les miliciens s’affirment ainsi comme des combattants invulnérables aux machettes et aux sabres. Ces milices sont elles-mêmes essentiellement armées de machettes et d’arcs, mais « balaka » n’existe dans aucune langue de Centrafrique.
Selon une autre version, privilégiée par la presse centrafricaine, le terme « Anti-Balaka » viendrait des colliers et des gris-gris appelés « anti-balles AK » qui protégeraient ses porteurs contre les balles des fusils kalachnikov AK-47. De fait, les anti-balaka sont majoritairement animistes et se distinguent par le port de nombreux gris-gris, même si nombre d’entre eux étaient également chrétiens ou musulmans à cette époque. Ils prétendent qu’ils tirent ce pouvoir des incantations qui pendent au cou de la plupart des membres. (d’après Wikipedia)
La structure organisationnelle de la milice « anti-balaka » se composait de plusieurs groupes, dont 10 groupes dans la capitale, Bangui, répartis dans toutes les régions de la ville, en plus de nombreux autres groupes répartis dans tout le pays.
A noter que cette milice avait pris le contrôle de la capitale, « Bangui » en 2014, et les musulmans ont fui vers le Tchad et le Cameroun après le massacre de milliers de victimes.
Objectif principal des Anti-Balaka : un nettoyage ethnique ciblant les musulmans
Exode massif de musulmans de Centrafrique
Dans un rapport publié en 2015 par l’organisation Amnesty International, on pouvait lire que certains membres de cette milice avaient forcé des musulmans à quitter leur religion, et commis également des actes d’enlèvement, d’incinération et d’enterrement de femmes enceintes, et cela s’est produit lors de célébrations publiques que la milice avaient organisées.
« Les musulmans retournant dans des zones soumises à un nettoyage ethnique dans l’ouest de la République centrafricaine ont, dans nombre des cas, ont été contraints de renoncer à leur religion par les membres de la milice, de ne pas pratiquer ni d’afficher leur religion en public, et certains auraient même été convertis de force au christianisme sous la menace de mort ».
Le rapport d’Amnesty International indique également que : « Les musulmans ne sont pas libres de pratiquer leurs rites religieux dans les lieux publics, les prières sont pratiquement interdites, les vêtements islamiques traditionnels ne peuvent pas être portés librement et les mosquées ne sont pas autorisées à être reconstruites, dont près de 400 ont été détruites à travers le pays ».
Cela a été confirmé entre-autres par une commission d’enquête des Nations Unies qui a accusé la milice « Anti-Balaka » de procéder à un nettoyage ethnique contre les musulmans en Centrafrique, soulignant que « les membres de cette milice ont tué plus de six mille personnes ».
De son côté, Human Rights Watch a fait savoir par le biais de son Directeur des urgences, Peter Bouckaert, en rapport avec l’énormité de la fuite des musulmans à cette époque : « Ce n’est qu’une question de jours et tous les musulmans quitteront la République de Centrafrique pour fuir la violence ».
Implication de la France dans le soutien des Anti-Balaka
L’ancien président musulman Michel Djotodia, qui a gouverné le pays en 2013-2014, soit (9 mois et 17 jours), avait accusé à l’époque son prédécesseur François Bozizé de financer les « Anti-Balaka », déclarant en 2013 : « Je connais beaucoup de gens qui avaient l’habitude d’aller à la banque pour retirer d’énormes sommes d’argent qui leur étaient envoyées par Bozizé depuis la France, dans le but d’acheter des machettes et d’autres armes pour le compte cette milice ».
Et à la même époque, l’ancien ministre du Tourisme, Abacar Sabon, qui était le chef du groupe « Mouvement des libérateurs centrafricains pour la justice », avait formulé à son tour des menaces envers la France, dans lesquelles il disait : « Si la France ne cesse de soutenir les anti-balaka, ils lanceront une rébellion contre les Français, divisant également le Centrafrique en un nord musulman et un sud chrétien ».
De son côté, la milice « Anti-Balaka » avait répliqué en annonçant, en novembre 2014, qu’elle déposerait les armes et s’engagerait dans l’action politique, et ce lors d’un meeting qu’elle a tenu dans la capitale, Bangui.
C’est ainsi que le président Djotodia fût contraint de démissionner en raison de son incapacité à arrêter le terrorisme des groupes de cette milice.
Selon des informations publiées par des médias internationaux, l’ancien président centrafricain Bozizé soutenait la milice « Anti-Balaka » avec des combattants de l’armée, tandis que le président tchadien tué par des rebelles en avril 2021, Idriss Deby Itno, accusait la France à l’époque de soutenir ladite milice qui, avec sa complicité, commettait des crimes contre les enfants et les femmes, et certains chercheurs ont confirmé que les restes des Forces armées centrafricaines, et certains éléments de la police et de la sécurité, éléments qui maintiennent encore une certaine loyauté envers l’ancien président Bozizé, tous ont contribué à la formation des « Anti-Balaka ».
Il faut comprendre donc le contexte dans lequel cette milice chrétienne extrémiste est née et devenue active, un contexte de lutte sectaire qui a suivi l’éviction par le mouvement d’opposition à majorité musulmane « Séléka », du président de la République centrafricaine, François Bozizé.
D’ailleurs, son ancien ministre Patrice Edouard Ngaisona, avait confirmé être le coordinateur politique de la milice « Anti-Balaka », tandis que son collègue l’ancien ministre Joaquin Kocati se faisait passer pour le coordinateur militaire de la milice au niveau du pays.
La France dans l’embarras ?
A noter que les efforts déployés par les forces françaises vont dans le sens d’un endiguement des anti-balaka, cette milice à majorité chrétienne formée par les paysans pour se défendre contre les exactions des rebelles ex-Séléka, à majorité musulmane, avant de se livrer eux-mêmes à des atrocités contre les musulmans du pays.
Dans ce contexte, l’écrivain René Naba, spécialiste de la Françafrique, a indiqué que la France qui est intervenue principalement dans l’esprit de contenir l’action des ex-Séléka, alliés de l’ancien président musulman Michel Djotodia, « se trouve aujourd’hui dans une position inconfortable ».
« La France est dans l’embarras…elle devra neutraliser ces milices à majorité chrétienne, de la même manière qu’elle a sévi contre les djihadistes du Mali », a expliqué René Naba, en poursuivant : « Elle est obligée de protéger la population musulmane de la République centrafricaine, sinon c’est le tollé, car elle pourrait se faire tomber dessus par les wahhabites, l’Arabie Saoudite et le Qatar, dont elle a un besoin important de leurs pétrodollars »
Il faut reconnaître que le Centrafrique, un pays pauvre aux ressources importantes (pétrole et diamant) et aux gisements peu exploités, représente un enjeu potentiel dans le conflit en cours. L’opération revêt, aux yeux de l’écrivain français, une dimension stratégique pour la France.
D’anciens combattants de la Seleka et de milices Anti-balaka au service de Wagner ?
Un autre problème épineux a surgi depuis l’année 2021, où des habitants de certaines préfectures comme celle d’Ouaka, à plus de 370 kilomètres de Bangui, ont évoqué le recrutement d’anciens combattants de la Séléka et de milices Anti-Balaka par les mercenaires russes du groupe paramilitaire privé « Wagner ».
Il semble que ces anciens membres des deux groupes sont déployés par la suite dans différentes provinces du pays pour soutenir les forces armées centrafricaines, sachant que l’inquiétude des habitants de ces provinces provient du fait que ces « Wagner noirs », comme on les surnomme, commettent des atrocités contre des civils.
D’après les informations qui circulent, le groupe paramilitaire russe, Wagner, a commencé à recruter au sein des éléments d’Anti-Balaka et des ex-Séléka qui auraient volontairement déposé les armes, et ce, depuis le mois d’octobre de l’année dernière.
Quant à la Société civile centrafricaine et des ONG de défense des droits de l’homme, elles s’étaient jusque-là limitées à condamner l’impunité dont jouissent d’anciens groupes soupçonnés de crimes de guerre mais qui sont en liberté et dont certains sont même proches du pouvoir.
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