Touadéra Affronte Dologuélé Pour La Présidentielle

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Touadéra Affronte Dologuélé Pour La Présidentielle
Touadéra Affronte Dologuélé Pour La Présidentielle

Par Mathieu Olivier (Envoyé spécial à Bangui)

Africa-Press – CentrAfricaine. À l’occasion de la présidentielle du 28 décembre, Faustin-Archange Touadéra affrontera de nouveau Anicet-Georges Dologuélé. La bataille sera rude, entre le chef de l’État sortant, qui affirme ne craindre personne, et son principal adversaire, qui s’attèle à rassembler les mécontents.

Confortablement installé dans un canapé en cuir, à la Cité des chefs d’État, à Bangui, Faustin-Archange Touadéra l’assure: il n’est pas en campagne pour l’élection présidentielle. En ce 13 novembre, celle-ci n’est en effet pas encore ouverte. Mais le président centrafricain sourit à sa propre réponse. Voilà bien longtemps que l’opération qui doit le mener à la conquête d’un nouveau mandat a commencé. Et s’il a accepté de recevoir Jeune Afrique, c’est qu’il sait devoir convaincre les électeurs de voter de nouveau pour lui, le 28 décembre prochain. Opiniâtre, il défend bec et ongles son bilan, sécuritaire et économique.

Son sourire bonhomme se veut le reflet de sa confiance en lui et de ses certitudes. Peut-être le président sortant cache-t-il aussi quelques inquiétudes inavouables. Depuis plusieurs mois, un homme a entrepris de lui gâcher la fête annoncée: Anicet-Georges Dologuélé. L’ancien Premier ministre, candidat aux présidentielles de 2016 et de 2020, a bien l’intention de se représenter. Certes, la détention d’une double nationalité – française et centrafricaine – a failli l’écarter de la course, car, aux termes de la Constitution que Touadéra a fait adopter en 2023, les candidats doivent être uniquement Centrafricains. Mais cet obstacle est derrière lui.

Même s’il ne peut pas le dire, Faustin-Archange Touadéra le sait: le lendemain de notre entretien, le 14 novembre, le Conseil constitutionnel validera la candidature de son concurrent, qui a abandonné sa nationalité française pour déjouer le piège qu’il estime avoir été tendu contre lui. Même si d’autres prétendants – comme Henri-Marie Dondra – entendent le perturber, le duel avec Dologuélé aura bien lieu. Alors, durant notre entretien, Faustin-Archange Touadéra le répète: « Je ne crains pas [Dologuélé]. Je l’ai déjà battu deux fois à la régulière. » Et d’attaquer: « Et heureusement, sinon nous aurions un Français à la tête de la Centrafrique. »

Dologuélé opposé au boycott

Ce scrutin du 28 décembre, Anicet-Georges Dologuélé y pense depuis longtemps. Il continue, bien sûr, de demander un report des élections, en particulier de la présidentielle, dont il estime que les conditions ne sont pas remplies pour qu’elle soit libre et crédible. Il n’a cependant jamais envisagé de ne pas participer. Ces derniers mois, il a tenté de dissuader ses alliés du Bloc républicain pour la défense de la Constitution (BRDC), coalition d’opposition, de ne pas céder aux sirènes du boycott. Comme beaucoup, il ne croit pas à la stratégie de la chaise vide, qui, selon lui, ouvrirait un boulevard au président sortant.

Surtout, l’ancien Premier ministre, 68 ans, est conscient que chaque occasion de briguer la magistrature suprême pourrait être la dernière, et qu’il faut donc n’en manquer aucune. Il n’a pourtant pas obtenu gain de cause. Sous l’impulsion de Crépin Mboli-Goumba, le BRDC a choisi de ne pas aligner de candidat le 28 décembre. Anicet-Georges Dologuélé s’avancera donc seul, en tant que prétendant de l’Union pour le renouveau centrafricain (Urca), son parti. « Il n’aura pas l’étiquette de la coalition, mais cela ne l’empêchera pas de rassembler ceux qui ne croient pas au boycott », assure l’un de ses soutiens.

La stratégie de Dologuélé est simple: dénoncer les conditions de vie des Centrafricains, qui restent extrêmement mauvaises. Où y a-t-il des routes, de l’eau potable, de l’électricité? »

C’est sous les couleurs de l’Urca que l’homme aux fines lunettes s’est avancé, le 29 novembre à Bégoua, commune de l’agglomération de Bangui. Casquette bleue floquée d’un logo de son parti, chemise, pantalon et baskets assortis, l’ancien Premier ministre s’est adressé à la foule des partisans et des curieux, attaquant le bilan du président sortant, dénonçant les conditions de vie de ses concitoyens et martelant que « boycotter, c’est condamner les Centrafricains à subir encore Touadéra ». Un discours bien rodé, qu’Anicet-Georges Dologuélé avait déjà tenu une semaine auparavant dans le 2e arrondissement de la capitale.

« Sa stratégie est simple: dénoncer les conditions de vie des Centrafricains, qui restent extrêmement mauvaises. Où y a-t-il des routes, de l’eau potable, de l’électricité? Touadéra fait campagne sur son bilan. Dologuélé aussi, mais en montrant qu’il est mauvais et que lui peut faire mieux », explique un opposant.

Le président de l’Urca a prévu de multiplier les meetings d’ici au 28 décembre. Malgré les ambitions d’un autre ancien Premier ministre lui aussi candidat, Henri-Marie Dondra, Dologuélé compte s’imposer comme l’opposant incontesté et la seule alternative crédible à Faustin-Archange Touadéra.

Alliance tacite avec Bozizé?

Au-delà de la campagne sur le terrain, l’ancien banquier a entamé un discret travail d’alliances, en rencontrant plusieurs chefs de partis d’opposition, dont certains l’ont assuré de leur soutien – notamment Martin Ziguélé, de façon officieuse. « Dologuélé veut d’abord sécuriser sa base électorale, c’est-à-dire la région de l’Ouham-Pendé, dont il est originaire, et tenter de s’assurer de bons scores dans l’Ouham voisin, où l’influence de François Bozizé [l’ancien président, en exil en Guinée-Bissau] est très forte, ou encore dans la Lobaye, une zone également stratégique », analyse un proche de l’opposant. Si Bozizé, en guerre ouverte contre Touadéra, met ses réseaux au service de Dologuélé et fait passer une consigne de vote dans l’Ouham, cela peut peser. »

Touadéra met en avant le retour de la sécurité grâce aux soutiens russe et rwandais, la signature de nouveaux accords de paix avec les groupes rebelles, la hausse de la croissance économique.

Faustin-Archange Touadéra l’a d’ailleurs fort bien compris. Depuis plus d’un an, il a chargé Kévin Kpéfio, un ancien lieutenant de Bozizé, de favoriser l’implantation du Mouvement cœurs unis (MCU), le parti au pouvoir, dans l’Ouham. « L’Ouham n’appartient pas à Bozizé. L’Ouham et Bossangoa font partie de la Centrafrique. Et la Centrafrique n’a qu’un président [Touadéra]. On doit aller vers la paix », a ainsi assuré Kpéfio.

« L’enjeu, c’est le vote de la communauté gbaya, celle de Bozizé. Bien sûr, tout le monde dira que l’élection ne doit pas [se faire sur des critères] communautaires, mais, en réalité, chacun travaille à partir de cette grille [de lecture] », confie un ancien ministre. Ce qui peut faire peur à Touadéra, c’est une alliance officieuse entre Bozizé et Dologuélé, qui permettrait à ce dernier d’obtenir des scores extrêmement élevés dans l’arc Nord-Ouest, la zone la plus peuplée du pays. » Le chef de l’État a d’ailleurs désigné comme directeur de campagne Simplice Mathieu Sarandji, l’expérimenté président de l’Assemblée nationale, originaire de Bouar, dans le Nana-Mambéré, à l’ouest de l’Ouham.

Faustin-Archange Touadéra se prépare, lui aussi, à une campagne de terrain, avec un discours également bien élaboré: retour de la sécurité grâce aux soutiens russe et rwandais, signature de nouveaux accords de paix avec les groupes rebelles, hausse de la croissance économique, obtention de promesses de financement (9 milliards de dollars) dans le cadre d’un plan national de développement… Le 13 novembre, lors de notre entretien, le président sortant assurait ressentir de la sérénité à l’approche du scrutin: « Nous sommes confrontés à de nombreux défis, c’est vrai. Mais nous sommes prêts à les relever. »

Source: JeuneAfrique

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