Carburant en Afrique : pourquoi les exportateurs mondiaux jouent des coudes pour approvisionner le continent

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Carburant en Afrique : pourquoi les exportateurs mondiaux jouent des coudes pour approvisionner le continent
Carburant en Afrique : pourquoi les exportateurs mondiaux jouent des coudes pour approvisionner le continent

Africa-Press – CentrAfricaine. Face aux fermetures de raffineries en Europe et à la concurrence du Moyen-Orient et des États-Unis, les exportateurs, dont la raffinerie nigériane Dangote, cherchent des points d’appui sur le continent.

Tandis que l’Afrique a toujours plus soif de carburant, la demande des économies en développement marque le pas. Cette équation explique que le continent va devenir le point de mire des exportateurs mondiaux de carburant qui jouent des coudes pour l’approvisionner. Car la raffinerie d’Aliko Dangote au Nigeria, aussi gigantesque soit-elle, ne suffira pas à répondre à la demande.

Doté d’une capacité de 650 000 barils par jour (bpj), le complexe pétrochimique a commencé à produire du diesel et du carburant d’aviation en janvier, et de l’essence en septembre, et a déjà exporté des produits raffinés vers plusieurs pays. « Il est certain que [cette mise en service] réduit les besoins d’importation de l’Afrique subsaharienne », estime Daniel Evans, vice-président et responsable mondial des carburants et du raffinage chez S&P Global Commodity Insights. Mais au sujet de ce continent où la population devrait atteindre 2,5 milliards de personnes en 2050 selon les projections des Nations unies, « l’augmentation des besoins d’importation fera de l’Afrique un champ de bataille pour les principaux exportateurs et ce, à long terme », prédit Evans.

La dépendance de l’Afrique aux importations est un phénomène historique qui s’explique par la faible capacité de raffinage du continent malgré la présence de plusieurs grands producteurs de pétrole comme le Nigeria et l’Angola. Aliko Dangote, fondateur et président de Dangote Industries, a lui-même dénoncé la pénurie de raffineries sur le continent en mai, lors de l’Africa CEO Forum à Kigali. « Sur l’ensemble du continent, seuls deux pays n’importent pas de produits pétroliers – l’Algérie et la Libye – ce qui est une tragédie. Les autres sont tous des importateurs », explique-t-il, ajoutant que sa raffinerie a la capacité de fournir suffisamment d’essence pour « au moins toute l’Afrique de l’Ouest », de diesel pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale, ainsi que de carburant d’aviation pour tout le continent, le Brésil et le Mexique. Aujourd’hui, l’Afrique importe chaque année entre 2,5 et 3 millions de bpj de produits pétroliers d’Europe, de Russie et d’autres régions du monde.

« Âge de platine du raffinage »

Le cabinet de recherche mondiale sur l’énergie, Wood Mackenzie, estime à 121 les sites de raffinage susceptibles de fermer sur les 465 existants dans le monde. Les grandes entreprises du secteur de l’énergie – BP, Shell, ExxonMobil, TotalEnergies et Chevron – ont massivement réduit la voilure en matière de raffinage, avec des participations dans 50 raffineries seulement contre plus de 200 il y a trente ans. « Nous constatons que le flux d’essence en provenance d’Europe et à destination de l’Afrique de l’Ouest a été considérablement réduit en raison de l’augmentation de la production dans la région, analyse Daniel Evans. Je pense que le défi pour les raffineurs européens est qu’il n’y a pas d’autre endroit où ils peuvent vraiment envoyer leur production, ce qui les pousse à la réduire et, en fin de compte, à fermer des sites de raffinage. » Certaines ont déjà été annoncées: « En équivalent bpj, nous prévoyons environ 200 000 bpj de fermetures cette année et 600 000 bpj supplémentaires en 2025, dont certaines aux États-Unis. D’ici à 2030, nous pensons que plus d’un million de barils par jour de capacité de raffinage européenne fermeront », estime Evans.

L’époque des marges exceptionnellement élevées est bel et bien révolue, celle que S&P a qualifiée d’« âge de platine du raffinage » et qui a commencé en 2022. Cette ère de la rentabilité exceptionnelle est survenue après la mise en place d’interdictions d’importation de produits raffinés russes à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, la fermeture de capacités de raffinage pendant la période Covid-19 et le retard des expansions de raffineries prévues.

Désormais, c’est vers une croissance de l’offre supérieure à celle de la demande que l’on se dirige dans la seconde moitié de la décennie, estime Evans. « Le système de raffinage européen sera en concurrence avec de nouvelles raffineries telles que Dangote, ainsi qu’avec de nouvelles raffineries au Moyen-Orient et des raffineries plus grandes et plus complexes aux États-Unis, explique-t-il. Nous nous retrouverons dans une situation où nous aurons trop de capacité et où les raffineries européennes seront les moins compétitives. » Selon lui, les raffineries européennes « étant plus anciennes, plus petites et moins complexes avec une structure de coûts plus élevée », il leur sera plus difficile qu’aux autres de placer leurs barils de manière rentable sur le marché.

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