Chine-Afrique : la cartographie des pays les plus dépendants des prêts de Pékin

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Chine-Afrique : la cartographie des pays les plus dépendants des prêts de Pékin
Chine-Afrique : la cartographie des pays les plus dépendants des prêts de Pékin

Maÿlis DUDOUET

Africa-Press – CentrAfricaine. Les routes de la soie changent de voie: Xi Jinping revoit ses ambitions africaines à la baisse. Les prêts chinois accordés au continent n’ont jamais été aussi bas. Ce qui pourrait entraîner de lourdes conséquences pour les pays les plus dépendants des financements de Pékin. Décryptage en infographies.

C’est du jamais vu depuis 1990. Avec à peine 5,3 % de taux de croissance au premier trimestre 2024, l’économie chinoise est à son plus bas niveau depuis plus de trois décennies, hors période de pandémie de Covid. Face à un tel ralentissement, Pékin est contraint de changer de cap. Dix ans après le lancement des « routes de la soie » (Belt and Road Initative) en 2013, la Chine déclare que sa nouvelle stratégie consiste à privilégier désormais le financement de projets « petits mais beaux », d’une valeur plafonnant à 50 millions d’euros. Une manière polie de revoir ses ambitions sérieusement à la baisse.

Une chute vertigineuse accélérée par le Covid

Après avoir accordé pour plus de 170 milliards de dollars de prêts souverains en vingt ans, l’année 2022 a vu une diminution record, avec « seulement » 994 millions de dollars de financements à destination du continent.

Les causes de cette chute brutale sont multiples. D’un côté, les gouvernements africains, confrontés aux urgences du ralentissement important des économies provoquées par la pandémie, ont répondu au plus pressé. « Le budget prévu pour assurer le service de la dette a été consacré à la résolution des problèmes et des défis posés par la pandémie, ce qui affectait la capacité des États à contracter de nouveaux prêts », détaille Tarela Oyintarelado Moses, analyste au sein du Global China Initiative, un projet du Boston University Global Development Policy Center.

De l’autre, les prêteurs chinois se sont montrés nettement plus prudents, réévaluant à la hausse leurs critères d’analyse de risques. Contraintes de faire face à l’explosion de la dette intérieure en Chine, les banques chinoises ont en outre, dans le même temps, été contraintes d’alléger une partie des dettes africaines, principalement par le biais de restructuration et d’annulation des prêts.

En parallèle, un autre basculement s’est produit en 2020 et 2021: tandis que les pays d’Afrique de l’Ouest ont eu davantage recours à des prêts chinois, ceux qui, en Afrique de l’Est et en Afrique australe, ont le plus emprunté aux Chinois ces vingt dernières années ont réduit la voilure, Angola, Éthiopie et Kenya en tête. Ces derniers restent cependant en tête des pays auxquels les banques chinoises ont le plus accordé de prêts sur les deux dernières décennies, comme le montre le classement ci-dessous, qui livre une photographie des pays les plus dépendants aux financements chinois.

Sur le front de la dette publique des pays africains, la part de la Chine parmi les créanciers n’a cessé d’augmenter, passant de moins de 2 % avant 2005 à environ 17 % en 2021. Pékin est en revanche moins présente sur la dette souveraine des pays d’Afrique subsaharienne, avec seulement 6 % de créances, selon le FMI.

1,2 milliard d’euros pour Afreximbank

À l’échelle des emprunts régionaux – des prêts accordés à des institutions régionales, et non nationales – la Chine est également très présente au travers de trois acteurs principaux: Bank of China (BoC), la Banque de développement de Chine (CBD) et la Banque d’exportation et d’importation de Chine (Chexim). Si la Banque ouest-africaine de développement (BOAD), la Trade and Development Bank (TDB, ex-PTA Bank), ou encore l’Arab International Bank (AIB) ont eu recours, entre 2006 et 2020, à des prêts accordés par ces institutions chinoises, c’est la Banque africaine d’import-export (Afreximbank, sous l’égide de l’Union africaine) qui a le plus emprunté à des créanciers chinois, avec un montant de 1,2 milliard d’euros.

Les conséquences du ralentissement de la croissance chinoise vont également se faire très lourdement sentir au niveau des échanges commerciaux. En vingt ans, les échanges commerciaux entre Pékin et le continent africain ont été multipliés par vingt. La Chine achète aujourd’hui un cinquième des exportations africaines.

La balance commerciale entre la Chine et l’Afrique est clairement à l’avantage de Pékin. « La Chine exporte plus vers l’Afrique qu’elle n’importe des pays africains. Et elle a surtout tendance à importer les matières premières, telles que pétrole, cuivre, fer et autres minerais », rappelle Tarela Oyintarelado Moses. L’analyste de la Global China Initiative constate l’émergence d’une « véritable refonte de la coopération entre la Chine et l’Afrique »: « Désormais, les acteurs chinois semblent moins se concentrer sur les prêts et le financement, mais miser plutôt sur une diversification des axes de coopération, par le biais du commerce et des investissements. »

Dans sa note d’analyse d’octobre 2023 sur les perspectives économiques régionales en Afrique subsaharienne, le FMI avertissait déjà sur les retombées négatives du ralentissement chinois pour les économies du continent, alertant sur les effets croisés du ralentissement des volumes d’exportations et de la baisse des prix des produits de base. Et les perspectives ne sont pas très bonnes. Il estime en effet qu’une baisse d’un point du taux de croissance du PIB chinois entraîne mécaniquement une baisse de 0,25 point de la croissance en Afrique subsaharienne: selon les prévisions du même FMI, la croissance en Chine devrait être de 4,6 % en 2024, et de 4,1 % en 2025.

Source: JeuneAfrique

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