Par Thaïs Brouck
Africa-Press – CentrAfricaine. Alors que la lutte contre le réchauffement climatique subit des vents contraires, 191 pays se réunissent au Brésil du 10 au 21 novembre à l’occasion de la COP30. L’Afrique pourrait tirer son épingle du jeu.
« À mon avis, le changement climatique est la plus grande arnaque au monde ». La phrase prononcée par Donald Trump à la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies fin septembre résume la défiance grandissante à l’égard des constats scientifiques. Pourtant, rien que cette année, les États-Unis ont subi plusieurs catastrophes d’ampleur liées au dérèglement climatique.
Le coût des dommages liés aux feux de forêts de la région de Los Angeles est estimé à environ 53 milliards de dollars. D’avril à septembre, l’Europe ainsi que le Pakistan et l’Inde ont connu des records de chaleur dépassant parfois les 45 °C. L’Afrique n’a pas non plus été épargnée avec les inondations au Nigeria et en Afrique du Sud qui ont causé des centaines de morts.
De manière incontestable, le réchauffement s’accélère. L’année 2024 avait même été la plus chaude jamais enregistrée. Pour la première fois, la barre de 1,5 °C de réchauffement, la limite de l’accord de Paris fixée pour 2100, avait été dépassée.
Les pays africains, mauvais élèves des feuilles de routes
C’est dans ce contexte délétère que s’ouvrira le 10 novembre la COP30 de Belém au Brésil. La conférence des parties va réunir environ 50 000 participants issus de 191 pays, jusqu’au 21 novembre, à l’orée de l’Amazonie, le plus grand réservoir de carbone de la planète. Après Bakou, considérée comme la COP des financements, la présidence brésilienne parle de COP de la « vérité » et de « l’action ». « C’est une COP pas tout à fait comme les autres, il n’y a pas de grands thèmes de négociations. L’objectif est de trouver les moyens de mettre en œuvre ce qui a déjà été décidé », détaille Sima Kammourieh, directrice climat au sein du think tank Finance for development Lab.
Dix ans après l’accord de Paris, les pays doivent présenter leurs nouvelles feuilles de route en matière de réduction des émissions de gaz à effets de serre, leurs contributions nationales déterminées (CND). « Elles permettent d’évaluer les efforts des uns et des autres et d’anticiper la trajectoire du réchauffement climatique », explique Sima Kammourieh. La feuille de route américaine avait été envoyée par Joe Biden en décembre 2024 mais plus d’une centaine de ces feuilles de route manquent à l’appel. L’Inde, le Mexique et la Corée du Sud et une trentaine de pays d’Afrique n’ont pas remis la leur. « C’est un très mauvais signal », regrette Sima Kammourieh.
Rappeler leurs engagements financiers aux pays du Nord
Les nouveaux engagements des parties permettent d’envisager une baisse des émissions de 10 à 15 % d’ici à 2035, comparées à celles de 2019. Mais il faudrait les réduire de 60 % pour contenir le réchauffement à 1,5 °C. En conséquence, le réchauffement devrait se situer entre 2,3 °C et 2,5 °C d’ici la fin du siècle.
En Afrique, la mise en œuvre des feuilles de route réactualisées sera conditionnée au respect des engagements financiers des pays du Nord. Lors de la COP29 de Bakou, les pays développés s’étaient mis d’accord pour verser 300 milliards de dollars par an d’ici à 2035 afin de soutenir la transition énergétique et l’adaptation au changement climatique des pays en développement. Bien que cette somme soit trois fois plus importante que les engagements précédents, l’Afrique, qui réclamait 1 300 milliards par an, avait parlée de « mépris » et de « trahison ».
Promouvoir le don pour éviter la dette
En conséquence, les négociateurs africains porteront à nouveau ce combat lors des négociations, avec le soutien de la présidence brésilienne. Par ailleurs, les débats devraient porter sur le contenu des financements. « Les pays d’Afrique sont déjà pour la plupart en situation de surendettement, ils ne veulent donc pas entendre parler de prêts.
Ils exigent que les financements climatiques soient fournis sous forme de dons. « L’argent est disponible, ce n’est qu’une question de volonté », estime Maria Nkhonjera. L’experte en politique publique au sein de l’African future policy hub milite également pour une clarification du terme « finance climat », qui inclut parfois les investissements issus du privé. « Le privé, qui cherche à faire des bénéfices, ne pourra jamais compenser le recul des investissements publics, assène-t-elle. On ne devient pas résilient en s’endettant ».
Un fonds pour la conservation des forêts
Dans le même temps, des États-Unis à l’Europe, les budgets consacrés à l’aide publique au développement subissent des coupes claires. « Cette mutation vécue par l’aide au développement a des conséquences directes sur le financement de l’adaptation au financement climatique », rappelle Maria Nkhonjera. Pour inscrire au menu des discussions à venir la question des financements climatiques et proposer des solutions pour compenser le recul des financements publics, les présidences des COP29 et 30 ont publié, le 5 novembre, « la feuille de route de Bakou à Belém«.
Elle correspond, pour l’essentiel, aux revendications africaines: renforcement des banques multilatérales de développement, augmentation des prêts concessionnels, création de mécanismes de soulagement de la dette, réforme des agences de notation, généralisation des garanties et des innovations telles que les échanges de dette contre nature, alignement des flux financiers sur les priorités nationales… « Cette feuille de route reste principalement un cadre de discussion. Rien ne garantit que la présidence brésilienne parvienne à créer suffisamment d’engouement et un consensus sur le sujet », décrypte Sima Kammourieh.
Parmi les autres annonces attendues, le Brésil doit lancer un nouveau fonds, le Tropical Forest Forever Facility, afin de rémunérer la conservation dans les pays en développement. Le Fonds pertes et dommages, lancé lors de la COP27, puis financé lors de la COP28, doit aussi entrer dans sa phase opérationnelle et proposer aux pays en développement intéressés de candidater aux premiers financements.
Pour une « transition énergétique équitable »
En revanche, il est peu probable que la question de la sortie des énergies fossiles soit au menu des négociations. Un accord appelant à une transition hors des énergies fossiles avait été adopté à la COP28 mais n’a pas progressé depuis. Le groupe africain des négociateurs milite pour une « transition énergétique équitable » qui fait la promotion des voies de transition adaptées conciliant décarbonisation et développement.
Dans ce contexte, la COP30 de Belém peut-elle être un succès? « Une majorité de pays restent très engagés dans l’action internationale », veut croire Rémy Rioux, le directeur général de l’Agence française de développement. À l’issue des dix jours de discussions, le Brésil doit publier un agenda d’actions concrètes. « Il ne faut pas baisser les bras, le chemin parcouru jusque-là est colossal, rappelle Sima Kammourieh. Sans l’Accord de Paris, nous nous dirigerions aujourd’hui vers un réchauffement de 4 °C ».
Source: JeuneAfrique
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