Décarbonation de l’aviation africaine : où sont les pétroliers ?

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Décarbonation de l’aviation africaine : où sont les pétroliers ?
Décarbonation de l’aviation africaine : où sont les pétroliers ?

Marie Owens Thomsen

Africa-Press – CentrAfricaine. Seul le développement simultané de l’aviation et de l’autonomie énergétique, combiné à une agriculture repensée, offrirait à l’Afrique une stratégie de développement économique accéléré, soutient Marie Owens Thomsen, économiste en chef de la Iata. Et cela doit passer par la production de carburant d’aviation durable.

Atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050. C’est l’objectif, ambitieux, que se sont fixé les transporteurs aériens lors de la 77e assemblée générale de la Iata, à Boston, en 2021. Pour l’Afrique, c’est une opportunité et une urgence.

Le continent ne représente que 2 % de l’aviation civile mondiale. Les pays enclavés au centre du continent sont parmi les plus pauvres au monde. Or le transport aérien est un vecteur de développement qui devrait s’inscrire dans la stratégie nationale de croissance de chaque pays. L’énergie en est un autre. En 2022, 75 % de la population mondiale qui n’a pas accès à l’électricité habite en Afrique, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Aussi, augmenter la production d’énergie, et notamment celle renouvelable, est en soi une manière de combattre la pauvreté.

Cependant, il n’y a pas encore de projets enclenchés de production de kérosène renouvelable en Afrique, bien que les matières premières renouvelables soient abondantes dans la région. L’AIE note que 60 % des ressources mondiales d’énergie solaire se trouvent sur le continent.

Imaginons que l’Afrique puisse développer simultanément son aviation et son autonomie énergétique, le tout combiné à une agriculture repensée, on aurait dès lors une stratégie tripartite de développement économique accéléré. Ainsi, la production de carburant d’aviation durable pourrait contribuer à lancer ces développements. Un schéma gagnant-gagnant-gagnant comme il ne s’en présente pas souvent.

La réussite sera collective ou ne sera pas

Mais aucun acteur ne peut réussir seul la transformation qu’impose la décarbonation de l’aviation et de toute notre économie mondiale.

Mettons les choses en perspective: le profit net de l’ensemble des transporteurs aériens du monde sera de 30,5 milliards de dollars en 2024. La compagnie pétrolière ExxonMobil a réalisé à elle seule un profit net de 36 milliards de dollars en 2023 et reversé 32,4 milliards de dollars de dividendes à ses actionnaires au cours du même exercice, des sommes qui dépassent le profit de l’ensemble des compagnies aériennes.

Il est grand temps que les compagnies gazières et pétrolières soient ramenées dans le giron de la transition énergétique du transport aérien et qu’elles y jouent un rôle à la hauteur de leur taille, de leur poids et de leurs responsabilités.

Elles doivent être partie prenante dans le développement de la production des carburants durables, qui seront le principal levier de la décarbonation de l’aviation – on estime à 65 % leur apport à l’accomplissement de cet objectif.

Mais il faut pour cela augmenter rapidement la production de kérosène durable, dans l’optique d’en assurer l’approvisionnement et d’en faire baisser le prix grâce aux effets d’échelle.

L’offre anticipée de kérosène durable en 2024 ne représente qu’à peine plus de 0,5 % des besoins de carburant d’aviation, et ce type de kérosène est deux à cinq fois plus cher que celui d’origine fossile.

L’enjeu est encore plus important pour les compagnies africaines, dont le profit par passager ne s’élève qu’à 1 dollar. Le poste de dépense le plus important est le kérosène (cela représente plus de 30 % de leurs dépenses totales), qu’elles importent et paient en moyenne 20 % plus cher que les sociétés des autres régions. Seules, elles n’auront pas la robustesse financière pour faire face au défi de la décarbonation de l’aviation.

Source: JeuneAfrique

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