Africa-Press – CentrAfricaine.
Entre promesses gouvernementales et climat des affaires délabré, les Centrafricains de l’étranger peinent à croire aux appels du Président Touadera.
Le président Faustin-Archange Touadéra multiplie les appels vibrants à la diaspora centrafricaine pour qu’elle investisse massivement dans la reconstruction du pays. Son Plan National de Développement 2024-2028 promet la création d’une cellule spéciale d’accompagnement, des forums d’investissement et la simplification des démarches administratives. Ces annonces, aussi louables soient-elles, butent sur une réalité implacable: la République centrafricaine n’offre aujourd’hui aucun des prérequis fondamentaux d’un climat des affaires viable. Pire, le gouvernement semble ignorer que ses propres institutions constituent le principal obstacle aux investissements de la diaspora.
Pour comprendre l’ampleur du défi centrafricain, il suffit d’observer ce qui fonctionne dans d’autres pays africains.
Au Sénégal, un investisseur de la diaspora bénéficie d’un accompagnement structuré dès son arrivée à l’aéroport. L’Agence de Promotion des Investissements et Grands Travaux (APIX) propose un guichet unique où toutes les démarches administratives: création d’entreprise, obtention de permis, enregistrement fiscal, se règlent en moins de 48 heures. Les services douaniers fonctionnent selon des procédures claires et transparentes, avec des délais de dédouanement respectés et des tarifs affichés publiquement.
Le Maroc va plus loin avec son Centre Régional d’Investissement (CRI) qui offre aux Marocains Résidant à l’Étranger (MRE) un service d’accompagnement personnalisé, des exonérations fiscales pour les cinq premières années d’activité, et un accès privilégié aux zones industrielles. La digitalisation complète des procédures permet aux investisseurs de suivre l’avancement de leurs dossiers en temps réel, éliminant ainsi les tracasseries administratives.
Au Rwanda, le Rwanda Development Board (RDB) garantit la création d’une entreprise en 6 heures chrono via sa plateforme numérique. Les investisseurs de la diaspora accèdent directement au président de la République via un système de “fast-track” pour les projets stratégiques. Le système judiciaire, réformé et efficace, offre des recours rapides en cas de litige commercial.
En République centrafricaine, la situation est diamétralement opposée. Les services douaniers constituent le premier obstacle: absence de procédures standardisées, taxation arbitraire des marchandises, délais de dédouanement pouvant s’étendre sur plusieurs semaines sans justification. Un container de matériel médical destiné à un projet humanitaire peut rester bloqué des semaines en attendant qu’un agent daigne l’examiner, moyennant bien sûr des “TEL “, entendu travail extra-légal, un langage douanier pour racketter les commerçants.
L’administration fiscale fonctionne selon le même schéma chaotique. Aucun barème clair n’existe pour les investissements de la diaspora. Les exonérations promises dans les discours officiels se perdent dans les méandres bureaucratiques, obligeant les investisseurs à multiplier les va-et-vient entre différents services qui se renvoient mutuellement la responsabilité.
Le système judiciaire, pilier de tout climat des affaires crédible, est quasi inexistant. Les contrats commerciaux n’ont aucune valeur juridique réelle, les tribunaux de commerce ne fonctionnent pas, et les décisions de justice, quand elles existent, ne sont pas appliquées. Cette absence de sécurité juridique dissuade tout investissement sérieux.
Au-delà des dysfonctionnements administratifs, la question sécuritaire paralyse complètement l’environnement des affaires. La présence de Wagner, officiellement des “instructeurs “, crée une zone de non-droit où ces mercenaires russes opèrent des arrestations arbitraires, imposent leur loi dans certaines régions minières, et découragent tout investissement privé par leurs méthodes brutales.
Cette situation contraste avec les standards régionaux. Au Ghana, le gouvernement a mis en place une police économique spécialisée dans la protection des investisseurs. Au Sénégal, la gendarmerie économique enquête sur toute entrave illégale aux activités commerciales. Le Rwanda dispose d’une force de sécurité économique qui intervient dans les 24 heures en cas de menace contre un investisseur.
Devant ces dysfonctionnements structurels, le discours officiel centrafricain oscille entre déni de réalité et instrumentalisation émotionnelle. Le président Touadéra présente régulièrement la diaspora comme “la famille centrafricaine de l’extérieur” appelée à “sauver la patrie”. Cette rhétorique moralisatrice évite soigneusement d’aborder les réformes structurelles nécessaires.
Plus problématique encore, certains responsables gouvernementaux tiennent un double langage. Publiquement, ils encensent la diaspora. Privément, ils la considèrent comme la diaspourou. Cette approche extractive transparaît dans l’absence totale de mesures concrètes d’accompagnement des investisseurs de la diaspora.
Malgré ce contexte hostile, la diaspora centrafricaine transfère annuellement 75 millions de dollars vers le pays, soit 5% du PIB national. Ces flux, essentiellement familiaux, transitent par des canaux informels (Western Union, MoneyGram) qui échappent largement au système bancaire national et ne génèrent aucun effet multiplicateur sur l’économie nationale.
D’autres pays africains ont su transformer ces transferts en leviers d’investissement. Le Sénégal a créé des produits bancaires spécifiques (comptes diaspora, prêts bonifiés) qui canalisent une partie des transferts vers l’investissement productif. Le Maroc propose des obligations diaspora permettant aux MRE de financer des projets d’infrastructure tout en bénéficiant de rendements attractifs.
En Centrafrique, aucun mécanisme de ce type n’existe. Les banques nationales , peu nombreuses et mal équipées, ne proposent aucun service adapté à la diaspora. Cette carence prive le pays d’un potentiel de financement considérable….
Source: Corbeau News Centrafrique
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