E-commerce : Wasoko-MaxAB, la plus grande fusion de la tech africaine tient-elle ses promesses ?

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E-commerce : Wasoko-MaxAB, la plus grande fusion de la tech africaine tient-elle ses promesses ?
E-commerce : Wasoko-MaxAB, la plus grande fusion de la tech africaine tient-elle ses promesses ?

Africa-Press – CentrAfricaine. Annoncée en décembre 2023, l’union des deux champions de l’e-commerce africain, effective depuis juin dernier, semble encore tâtonner dans sa gouvernance.

C’était l’une des grandes annonces de la fin de l’année 2023: Wasoko, le champion est-africain de l’e-commerce pour les professionnels et MaxAB, son homologue égyptien, annonçaient leur « fusion entre égaux » en vue de créer un champion panafricain qui totalise à lui seul 230 millions de dollars levés depuis 2016.

Six mois après la mise en œuvre opérationnelle de cette alliance présentée comme la plus grande fusion de la tech africaine, « l’entreprise combinée » – comme se plaît à l’appeler son co-PDG Daniel Yu – revendique un réseau de 450 000 petits commerçants dans cinq marchés (Égypte, Kenya, Maroc, Tanzanie, Rwanda), et plus de 4 000 employés.

Sans dévoiler de montant précis, Daniel Yu affirme que l’entreprise qu’il codirige avec Belal El-Megharbel est rentable sur la majorité de ses marchés, et qu’elle enregistre plus de 50 % de croissance de son chiffre d’affaires ces six derniers mois. « Le Kenya est le marché qui a connu la croissance la plus rapide au cours des trois derniers mois, indique-t-il. Et nous venons d’ouvrir un nouvel entrepôt à Rabat, au Maroc. »

Désormais Wasoko-MaxAB se fixe deux objectifs: être totalement rentable et progresser fortement sur les services financiers, nouveau segment en croissance de 75 % sur six mois, que nombre de concurrents investissent à l’image du marocain Chari qui a récemment décroché une licence bancaire dans le royaume chérifien. Au cours de l’année écoulée, l’entité fintech de Wasoko-MaxAB revendique avoir déboursé plus de 20 millions de dollars de financement aux détaillants, avec des taux de remboursement supérieurs à 99 %.

Si tout semble sur les rails pour la nouvelle alliance de l’e-commerce panafricain, quelques points fondamentaux du partenariat passé entre Wasoko – l’entreprise fondée en 2016 par l’américain Daniel Yu – et MaxAB, la pépite égyptienne créée en 2018 par Belal El-Megharbel, ancien directeur général pour l’Égypte du service de VTC Careem – racheté par Uber en 2020 – et Mohamed Ben Halim un logisticien issu du dubaïote Aramex, ne semblent pas complètement réglés.

Une domination de Wasoko ?

Selon des informations relayées par le média spécialisé TechCrunch en juin, le contrat initial de la fusion présentée comme égalitaire prévoyait pourtant un contrôle de la holding à 55 % pour Wasoko et 45 % pour MaxAB. Le deal a effectivement été conclu à un moment sensible dans un secteur connu pour ses marges très faibles: alors que le retrait des investisseurs internationaux était en cours et que l’inflation battait son plein, les commandes émises par les petits marchands qui se fournissent auprès de ces plateformes ont diminué, entraînant une baisse du chiffre d’affaires et la nécessité de procéder à des économies d’échelles ou de trouver de nouveaux leviers de croissance.

Fort d’une levée de fonds de 125 millions de dollars conclue en mars 2022 – soit quelques semaines avant le ralentissement des investissements dans la tech – qui valorisait l’entreprise à 625 millions de dollars, Wasoko était en position de force pour négocier avec un MaxAB en difficulté. Selon TechCrunch, la part du capital contrôlé par Wasoko dans l’alliance devait de surcroît être revue à la hausse à cause de la dévaluation de la livre égyptienne.

Dans ce contexte, qu’en est-il de l’entente entre les deux co-PDG ? « Nous avons des responsabilités différentes. Belal se concentre sur les opérations internes (activités quotidiennes) et moi sur les opérations externes (travail avec les actionnaires, nouveaux investisseurs, gouvernance d’entreprise) », explique Daniel Yu.

Interrogé sur le déséquilibre capitalistique, ce dernier ne dément ni ne confirme le fait que l’union entre les deux entreprises soit en réalité à son avantage. Il réfute néanmoins une quelconque révision du contrat: « Ce que je peux dire c’est que les deux parties considèrent qu’il s’agit d’une fusion entre égaux », assure-t-il avant d’ajouter: « Je n’avais jamais eu de directeur de l’exploitation auparavant. Aujourd’hui, je peux davantage me concentrer sur le travail avec un grand nombre de parties prenantes. C’est beaucoup de communication, de présentation, de coordination et de voyages. Je pense que cela correspond à mes compétences et que c’est vraiment complémentaire avec ce que fait Belal qui est très bon dans l’opérationnel ». Contacté, Belal El-Megharbel n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Deux stratégies différentes ?

En octobre 2024, le monde de la tech africaine s’est pourtant interrogé sur la bonne entente entre les deux dirigeants, lorsque le cofondateur de MaxAB, Mohamed Ben Halim, a annoncé son départ sans explications. Joint par Jeune Afrique, ce dernier assure sans plus de précisions qu’il n’est pas parti à cause de désaccords, et botte en touche sur la raison de son départ.

« Cela ne m’étonnerait pas qu’il y ait des tensions », explique un ancien cadre de MaxAB. Selon lui, la stratégie des Égyptiens n’aurait jamais intégré l’idée d’une expansion subsaharienne. À l’inverse, Wasoko, créée au Kenya, arrive avec les marchés tanzanien et rwandais, et a déjà tenté sa chance dans de nombreux autres pays comme l’Ouganda, la RDC ou la Côte d’Ivoire. La volonté d’expansion panafricaine est toujours présente dans la tête de Daniel Yu: bien que concentrée sur sa rentabilité, Wasoko-MaxAB est toujours en quête de nouvelles opportunités, répète-t-il, que ce soit par un lancement en propre ou par de la fusion-acquisition.

Pour l’entrepreneur américain, aucune méprise n’existe entre Belal El-Megharbel et lui en ce qui concerne la trajectoire à long terme de l’entreprise: « Dès notre première réunion, nous étions alignés sur ce que nous voulons construire, c’est-à-dire une plateforme qui ne se limite pas au commerce électronique mais qui intègre les services financiers. Sans oublier de toujours chercher à savoir comment débloquer autant de valeur que possible pour toute l’Afrique grâce au réseau de commerçants que nous construisons et que nous digitalisons », conclut-il.

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