En Afrique centrale, le principe de rotation dans les institutions de la Cemac vit-il ses dernières heures ?

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En Afrique centrale, le principe de rotation dans les institutions de la Cemac vit-il ses dernières heures ?
En Afrique centrale, le principe de rotation dans les institutions de la Cemac vit-il ses dernières heures ?

Omer Mbadi – à Yaoundé

Africa-Press – CentrAfricaine. Poussée par le Tchad qui s’estime lésé dans le dernier jeu de chaises musicales de la zone Cemac, la commission vient d’esquisser quatre scénarios pour réadapter cette répartition des postes. Avec deux maîtres-mots: équilibre et équité.

Mahamat Idriss Déby Itno n’a certes pas réussi à imposer Béchir Daye, le directeur général du Trésor et de la comptabilité publique du Tchad, au poste de secrétaire général de la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac) lors des sommets des chefs d’État de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) du 9 février et du 9 avril. Le dirigeant a néanmoins déclenché l’ouverture d’une relecture du principe de rotation par ordre alphabétique (selon l’ordre Cameroun – Centrafrique – Congo – Gabon – Guinée équatoriale – Tchad) des premiers dirigeants des institutions communautaires.

Lors du premier rendez-vous du sommet 9 février, le gouverneur et un directeur général de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac) ont été nommés en vertu de ce principe. Selon la même règle, le Congo doit remplacer la Centrafrique à la tête du régulateur bancaire régional. C’était sans compter Mahamat Idriss Déby Itno, qui propose son candidat – son dossier avait du reste été envoyé au président de la commission de la Cemac, Baltasar Engonga Edjo’o, dès le 18 janvier –, remettant ainsi en cause l’un des piliers du « consensus de Bangui » de février 2010.

Le Tchad s’estime lésé

Pour argumenter sa demande, le Tchad s’appuie sur une résolution du 18 juin 2022 des ministres des pays membres de la Cemac, adoptée en marge de l’assemblée générale de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale (BDEAC), à Brazzaville, qui consacrait la désignation du Camerounais Dieudonné Evou Mekou à la tête de cette organisation, en dépit du souhait de N’Djamena d’y placer l’un de ses ressortissants. Lors de cette réunion, les Tchadiens avaient constaté qu’au terme du mandat d’Abbas Mahamat Tolli comme gouverneur de la banque centrale, le pays ne disposerait plus d’une fonction éminente au sein des entités placées sous la tutelle de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (Umac), que composent la banque centrale et le gendarme bancaire.

« En conséquence, les ministres de la Cemac ont unanimement convenu, dans un esprit de cohésion et d’équité entre les États, de présenter à la sagesse des chefs d’État de la Cemac le positionnement du Tchad à un poste de premier responsable dans l’une des institutions de l’Umac », détaillait alors le communiqué paraphé à l’époque par Jeanine Nicole Roboty, ministre gabonaise de l’Économie et de la Relance et présidente de l’AG de la BDEAC.

Pour sortir de l’impasse, il avait été demandé à Baltasar Engonga Edjo’o de mener une réflexion pour introduire plus d’équité et d’équilibre dans la répartition des postes. L’application de la loi de la rotation et de celle interdisant au ressortissant d’un pays abritant le siège d’une institution de la diriger laisse de fait apparaître des inégalités flagrantes, lésant par ailleurs certains pays à des périodes précises.

Le Cameroun, qui accueille six des 13 organisations sur son sol et en pilote autant, est ainsi le mieux loti. En revanche, la Guinée équatoriale n’héberge que le Parlement communautaire et ne préside, comme la Centrafrique, que deux organismes. « Ces principes instaurent en creux des cycles en faveur des pays, et celui du Tchad vient d’arriver à son terme, avec la fin du mandat d’Abbas Mahamat Tolli à la Beac. Car, outre la banque centrale, ce pays a dirigé des institutions de poids ces dernières années, à l’instar des régulateurs bancaires et du marché financier, ainsi que la banque de développement. Ce, au détriment d’autres pays membres », rappelle un analyste.

Quatre scénarios envisagés

Entre les deux récents sommets – le dernier ayant été convoqué sous la pression du Congolais Denis Sassou Nguesso, sûr de son droit et impatient de placer un compatriote à la tête de la Cobac -, le président de la commission a donc ordonné une expertise indépendante qui a effectué des simulations de rotation sur les 25 prochaines années et dégagé provisoirement quatre scénarios d’évolution. Le premier envisage une rationalisation et l’autonomisation des institutions spécialisées et des écoles de formation. Ce qui pourrait, à titre d’illustration, conduire à la fusion de certains organes ayant des missions de même nature, pour une attribution plus conséquente des portefeuilles. Ainsi, il serait possible d’unir le Centre inter-États d’enseignement supérieur en santé publique de l’Afrique centrale (Ciespac) et l’Organisation de coordination pour la lutte contre les endémies en Afrique centrale (Oceac), ou encore l’Institut de l’économie et des finances – pôle régional (IEF) et l’Institut sous régional de statistique et d’économie appliquée (Issea).

La deuxième option consisterait à catégoriser les organisations selon leur niveau d’importance, pour une répartition équilibrée des postes. Ce qui aurait l’avantage de gommer le déséquilibre actuel et éviterait la frustration tchadienne du moment – le pays n’administrant que des institutions de seconde zone, comme l’Oceac, l’École inter-États des douanes (EIED) et la carte rose (assurance). La troisième approche porterait sur l’harmonisation de la durée des mandats, y compris dans les institutions (Beac, Parlement communautaire, Cour de justice et Cour des comptes) où ceux-ci vont au-delà des cinq ans généralement admis. Elle « aura pour avantage d’offrir une meilleure visibilité des échéances. Chaque État membre pourra mieux prévoir la période pour laquelle, pour telle institution, le poste de premier responsable lui sera dévolu », éclaire Baltasar Engonga Edjo’o dans sa communication du 9 avril.

Le dernier scénario mise sur la relocalisation ou la redistribution de certains sièges dans les États membres. « Cette situation affecte l’équilibre de la rotation intégrale des postes dans la mesure où l’État abritant le siège d’une institution ne peut prétendre occuper le poste de premier dirigeant de cette même institution », soutient-il. Ces cas de figure ne sont pas exclusifs les uns des autres. « Ils sont au contraire complémentaires et doivent être envisagés comme un ensemble de mesures à prendre si l’étude venait à s’avérer concluante », estime-t-on à la commission. La version définitive du rapport sera disponible dans les prochaines semaines.

Source: JeuneAfrique

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