Pourquoi Jamie Dimon, PDG de JPMorgan, prévoit de se rendre en Afrique

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Pourquoi Jamie Dimon, PDG de JPMorgan, prévoit de se rendre en Afrique
Pourquoi Jamie Dimon, PDG de JPMorgan, prévoit de se rendre en Afrique

Fiacre E. Kakpo

Africa-Press – CentrAfricaine. En pleine réorganisation des priorités des grandes banques occidentales en Afrique, le PDG de JPMorgan Chase mise sur le continent pour renforcer la position de la banque américaine, avec un intérêt marqué pour la dette souveraine et la gestion de patrimoine.

Jamie Dimon (photo), PDG de JPMorgan Chase, prépare son grand retour en Afrique, selon Reuters. En octobre, il foulera le sol de quatre nations clés du continent – le Kenya, le Nigeria, l’Afrique du Sud et la Côte d’Ivoire – pour une tournée stratégique visant à renforcer la présence de la banque américaine sur ce terrain encore largement sous-exploité par les géants de Wall Street. Un premier voyage en sept ans avec une ambition: faire de l’Afrique un des leviers de croissance pour la plus grande banque américaine, à l’heure où les banques européennes et nord-américaines, autrefois omniprésentes en Afrique, sont en train de revoir leurs priorités. Standard Chartered, Barclays, Société Générale et même BNP Paribas ont soit cédé leurs filiales dans plusieurs pays africains, soit recentré leurs activités autour des dettes souveraines et de quelques grands comptes institutionnels.

Saisir l’opportunité de la dette souveraine

La banque, qui compte déjà des bureaux en Afrique du Sud et au Nigeria, ambitionne d’étendre ses activités bancaires d’investissement, de gestion d’actifs et de gestion de patrimoine dans ces deux pays ainsi qu’au Kenya, en Côte d’Ivoire ou même au Ghana, avait indiqué Dimon à Davos.

Pourquoi ces pays ? Parce qu’ils incarnent les dynamiques économiques actuelles de l’Afrique: des économies en pleine mutation, une urbanisation galopante et un besoin pressant de capitaux pour financer les infrastructures. Mais surtout, ces pays offrent un accès à des marchés de la dette souveraine à haut rendement, des fusions-acquisitions et des opérations d’entreprises que JPMorgan veut conquérir.

Selon un rapport de l’OCDE, l’Afrique aurait besoin d’un financement supplémentaire de 1 600 milliards de dollars d’ici 2030 pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD). Actuellement, la valeur nominale cumulée des euro-obligations émises par les pays africains s’élève à environ 111 milliards de dollars, et les cinq principaux pays (Angola, Égypte, Ghana, Nigeria et Afrique du Sud) représentent 71 % de cette valeur. Dans ce contexte, les besoins en financement souverain deviennent une priorité pour les États africains, et JPMorgan souhaite capter une part importante de ces transactions.

En mai dernier, JPMorgan Chase a signé un accord de financement de 200 millions de dollars avec le Rwanda, partiellement garanti par le Fonds africain de développement (FAD) de la Banque africaine de développement (BAD). Une équipe de la plus grande banque américaine s’était déjà rendue dans les bureaux de la BAD à Abidjan quelques mois plus tôt, dans le cadre d’une mission commerciale, où elle avait fait savoir qu’elle était prête à soutenir des financements souverains, garantis par la banque panafricaine, seule détentrice jusqu’à présent de la notation triple A des trois grandes agences de notation américaines.

Avec le retour des pays africains sur les marchés financiers internationaux cette année, JPMorgan a déjà été active sur plusieurs opérations financières. En juin 2024, la banque a dirigé l’émission de l’eurobond de 750 millions de dollars du Sénégal en tant que principal gestionnaire. Elle était également co-chef de file sur l’opération de 2,6 milliards de dollars de la Côte d’Ivoire. Citée encore pour l’émission du Bénin, qui a permis en février de lever 750 millions de dollars, et au Kenya, où 1,5 milliard de dollars ont été mobilisés. Seule exception notable: le Cameroun, où JPMorgan n’a pas été mentionnée.

Fusion-acquisition, un secteur en expansion

Le dynamisme des grandes entreprises africaines, notamment dans des secteurs comme l’énergie et les télécommunications, génère également de nombreuses opportunités pour les banques d’investissement. Les fusions et acquisitions, ainsi que les levées de fonds, deviennent monnaie courante sur un continent en quête de consolidation économique.

En 2022, l’Afrique subsaharienne a enregistré 297 opérations de F&A pour une valeur totale de 19,2 milliards de dollars, contre 176 en 2021. Et bien que ce chiffre soit inférieur aux 87,5 milliards de dollars de 2021, notamment en raison de la conjoncture mondiale, les investisseurs restent plus qu’optimistes. Selon une étude de KPMG, environ 68% des investisseurs actifs en Afrique subsaharienne prévoient une augmentation des opérations de F&A au cours des deux prochaines années.

La gestion de patrimoine pour capter une richesse émergente

Outre la dette souveraine et les opérations d’entreprises, JPMorgan mise sur la gestion de patrimoine pour se développer en Afrique. Le secteur du private banking, encore relativement peu exploité par les grandes institutions internationales, représente une nouvelle opportunité de croissance. Selon le Africa Wealth Report 2024, l’Afrique compte environ 138 000 High-Net-Worth Individuals (HNWIs), des individus détenant au moins un million de dollars de richesse investissable. Parmi eux, 328 sont centi-millionnaires et 23 sont milliardaires.

Cette classe fortunée, principalement concentrée dans des hubs économiques comme Nairobi, Le Cap, Lagos, Le Caire, Marrakech ou plus modestement Abidjan, manifeste un intérêt croissant pour les investissements internationaux, notamment dans l’immobilier de luxe et les marchés financiers internationaux. C’est précisément cette richesse émergente que JPMorgan, dont la division de gestion de patrimoine a vu ses actifs sous gestion progresser de 13 %, atteignant 1,9 trillion de dollars en 2021, entend capter. Et les perspectives sont alléchantes: selon les prévisions, le nombre de millionnaires africains pourrait augmenter de 65 % d’ici 2033, des perspectives inédites pour la gestion de patrimoine.

Un conseil consultatif avec Dangote et Blair

Pourtant, le chemin n’a pas toujours été facile. En 2018, la banque avait déjà tenté de s’implanter au Ghana et au Kenya, mais s’était heurtée à des régulations locales strictes. Cependant, ces dernières années, les projets ont été remis sur la table. Le contexte semble aujourd’hui bien plus favorable. En février 2023, après une rencontre entre le président kényan, William Ruto, et un haut responsable de JPMorgan, il a été annoncé que la banque ouvrirait prochainement un nouveau bureau à Nairobi.

Pour accompagner son expansion en Afrique, Jamie Dimon a dû s’entourer de conseillers influents, à l’image du milliardaire nigérian Aliko Dangote et de l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, très présents dans les palais africains. Une sorte de conseil consultatif de personnalités qui, grâce à leurs réseaux et à leur compréhension fine des dynamiques locales, apportent une expertise précieuse à la banque.

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