« Technologies de rupture » : les start-up africaines peinent encore à rattraper leur retard

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« Technologies de rupture » : les start-up africaines peinent encore à rattraper leur retard
« Technologies de rupture » : les start-up africaines peinent encore à rattraper leur retard

Matthieu Millecamps
et Maÿlis DUDOUET

Africa-Press – CentrAfricaine. Le verre à moitié plein ? Les start-up africaines qui ont recours à des technologies de rupture sont celles qui parviennent le mieux à lever des fonds pour mettre en œuvre leurs stratégies de développement. Le verre à moitié vide ? Les entreprises africaines sont moins promptes à recourir à ces technologies « disruptives » que leurs homologues occidentales ou sud-américaines. Et, lorsqu’elles osent se lancer, elles parviennent à mobiliser moins de financements, en volume, que ces dernières. Une conséquence, notamment, de la réticence des investisseurs à oser miser sur un marché réputé, à tort ou à raison, risqué.

« Big Four » vs Palo Alto

C’est le double constat dressé dans une analyse publiée mi-avril par l’International Finance Corporation (IFC) sur le lien entre financements et recours aux « technologies de rupture » dans les start-up. L’étude, inédite dans son positionnement, compare la dynamique à l’œuvre en Afrique avec celle observée en Amérique du Sud, d’une part, et dans les villes les plus en pointe sur le sujet, d’autre part: les « pionnières » Seattle, Palo Alto, Tokyo et Londres. Au total, les résultats de 32 530 entreprises digitales, dont 7 785 sont basées sur le continent, ont été analysées au prisme du rapport entre implémentation de technologies de rupture et leviers de financements.

Sans grande surprise, l’étude de l’IFC, qui porte sur un état des lieux dressé en février 2023, confirme la très forte prédominance continentale des entreprises basées en Égypte, au Nigeria, au Kenya et en Afrique du Sud. Un « Big Four » où se concentrent plus que jamais entreprises et capitaux, malgré les crises monétaires qui avaient déjà, en février 2023, frappé l’Égypte et l’Afrique du Sud.

Pour les auteurs du rapport, « une entreprise devient “disruptive” lorsqu’elle adopte une nouvelle technologie qui a le potentiel de modifier la façon dont les marchés se comportent ». Et sur ce plan, c’est sans conteste le secteur des fintechs qui est « le moteur de la révolution des start-up » en Afrique. En 2022, les fintechs africaines ont concentré 43 % des levées de fonds réalisées par les entreprises digitales du continent. En seconde position vient le e-commerce, avec 17 % des fonds levés cette même année. Des chiffres à comparer à la physionomie du secteur: les fintechs représentent « seulement » 20 % des entreprises, pour 13 % de start-up dans le e-commerce.

Trop peu d’IA ?

Cette prédominance des fintechs dans l’écosystème digital africain a une incidence forte sur le type de technologies sur lesquelles on observe la plus forte accélération sur le continent. Le paiement mobile, en troisième place sur le podium des technologies les plus répandues sur le continent, est aussi celle sur laquelle les entreprises africaines affichent le plus grand différentiel avec les start-up occidentales et sud-américaines, comme le montre le graphique ci-dessous.

Les auteurs du rapport notent cependant que « les start-up africaines sont moins susceptibles d’intégrer des technologies de rupture dans leurs offres par rapport à d’autres régions ». C’est en particulier le cas sur le domaine, désormais crucial, de l’IA et du « machine learning », dans lequel les entreprises africaines semblent pour l’heure à la traîne.

Au-delà d’une simple photographie des dynamiques à l’œuvre dans l’écosystème tech continental, l’étude de l’IFC offre surtout une vision de l’écart qui reste à combler avec le marché sud-américain. Pourquoi mesurer les dynamiques africaines et sud-américaines ? Parce que les deux régions, qui comprennent des marchés émergents, ont surtout en commun le fait que les dynamiques à l’œuvre « sont relativement liées à l’intérieur, ce qui contraste fortement avec d’autres régions émergentes, comme l’Asie, où les dynamiques ont tendance à être liées au commerce et à l’extérieur ».

Dans les tableaux ci-dessus, la « marge extensive » représente l’écart à combler en terme global. En clair: les entreprises utilisent-elles, ou non, des « technologies disruptives » ? La « marge intensive » mesure, elle, le nombre de ces technologies effectivement utilisées par ces entreprises. Si, sur le premier plan, les entreprises africaines sont à quasi égalité avec leurs homologues sud-américaines, sur le second, l’écart se creuse fortement. Et c’est encore plus vrai lorsque l’on exclut de l’analyse la mobile money.

« Prime financière »

Le recours à de nouvelles technologies « disruptives » est-il une garantie d’obtenir plus facilement des financements ? La réponse des auteurs de l’étude est sans ambiguïté: oui. C’est en particulier le cas dans les « villes pionnières », où les entreprises entrées dans l’ère des technologies « de rupture » parviennent à lever près de 260 % de financements supplémentaires.

Le phénomène se retrouve également en Afrique, où la « prime » s’élève à environ 40 % de financements supplémentaires. Un chiffre pour le moins incitatif, mais qui est très en retrait de la « prime » obtenue par les entreprises sud-américaines qui font le pari des nouvelles technologies (près de 100 % de financements supplémentaires en moyenne). L’une des raisons de ce décalage est à chercher dans « la perception plus élevée du risque », jugent les experts. Un risque jugé élevé par les investisseurs, ce qui explique également le différentiel dans le volume des financements obtenus: « Les entreprises disruptives en Afrique reçoivent des financements 0,66 ans plus tôt que les entreprises non disruptives, notent-ils. Néanmoins, la valeur du financement est inférieure de 15 %, tandis que la première évaluation de l’entreprise est inférieure de 12 %. »

Source: JeuneAfrique

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