Voiture électrique : comment la chute de la demande va toucher l’Afrique

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Voiture électrique : comment la chute de la demande va toucher l’Afrique
Voiture électrique : comment la chute de la demande va toucher l’Afrique

Margaux Guillot

Africa-Press – CentrAfricaine. Avec le ralentissement de la demande de véhicules électriques, les pays africains miniers risquent de rencontrer des problèmes de surcapacité.

Tesla, General Motors ou encore Mercedes-Benz font le même constat: depuis quelques mois, la croissance des ventes de voitures électriques ralentit à l’échelle mondiale, et en particulier en Europe. En Allemagne, leur vente a chuté de 30 % depuis que le gouvernement d’Olaf Scholz a décidé la suppression du bonus à l’achat de voitures électriques, en décembre 2023.

Une mauvaise nouvelle pour les constructeurs et les équipementiers automobiles, qui sont également touchés. Les sociétés chinoises CATL et BYD, plus grands fabricants mondiaux de batteries pour véhicules électriques, ont prévu une croissance de leurs bénéfices en 2023 nettement inférieure à 2022.

Cette évolution pourrait pareillement se répercuter sur les pays producteurs de minerais utilisés dans les véhicules électriques. « Les pays africains miniers, qui ont développé les capacités de production pour répondre à la demande de l’électrification mondiale des transports, risquent d’avoir des problèmes de surcapacité », estime Emmanuel Hache, économiste à l’IFP Énergies nouvelles et spécialiste des matériaux de transition énergétique.

Coup de frein sur la RDC ?

Mais en fonction de leur composition, les batteries ne sont pas affectées de manière égale. La demande pour les batteries cobalt ralentit, à l’instar des batteries NMC (nickel-manganèse-cobalt), à ce jour le modèle le plus répandu dans les véhicules électriques, tandis que les batteries LFP (lithium-fer-phosphate) rencontrent un succès grandissant.

« Le marché du véhicule électrique a été bâti sur la batterie NMC, mais aujourd’hui la part des batteries LFP représente 40 % du marché, alors qu’elle était autour de 10 % il y a dix ans », explique le chercheur en économie. « Avec les LFP, il y a moins de problèmes de matériaux critiques, puisqu’il n’y a pas de nickel ni de cobalt, seulement du lithium, donc les LFP sont meilleur marché », poursuit-il. Or, la batterie représente 40 % du coût total d’une voiture électrique et « la demande du marché évolue vers des véhicules à moindre coût », confie le constructeur de batteries électriques franco-européen Automotive Cells Company (ACC) à Jeune Afrique.

La RDC, qui détient près de 70 % des réserves mondiales de cobalt et a assuré 76 % de la production mondiale en 2023, selon le Cobalt Institute, risque donc d’être confrontée à un brusque ralentissement de ses débouchés. « Si l’on bascule dans un modèle purement LFP, je ne sais pas ce que la RDC pourra faire de son cobalt », s’interroge Emmanuel Hache.

Une aubaine pour le Maroc

En revanche, la hausse de la demande de batteries LFP place le Maroc en bonne position pour devenir l’un des futurs hubs de la mobilité électrique, puisqu’il possède de loin les plus grandes réserves de phosphate au monde, une ressource clé dans la chimie LFP. En effet, le royaume abrite près de 70 % du phosphate mondial avec des réserves estimées à 50 milliards de tonnes métriques, loin devant la Chine et ses 3,2 milliards de tonnes, soit environ 4 % des réserves mondiales.

Ces derniers mois, plusieurs géants chinois et sud-coréens des batteries électriques ont d’ailleurs annoncé jeter leur dévolu sur le Maroc pour s’approvisionner en minerais. En septembre 2023, le coréen LG Chem a par exemple dévoilé la signature d’un protocole d’entente avec le groupe chinois Huayou Cobalt pour construire une usine de cathodes LFP sur le sol marocain. Prévue pour être complètement opérationnelle en 2026, la raffinerie devrait produire 50 000 tonnes en matériaux cathodiques LFP par an.

Duel incertain

Mais le duel NMC-LFP n’est pas encore gagné, estime Emmanuel Hache, qui pointe notamment « l’autonomie moindre » et le plus faible potentiel de recyclage des batteries LFP. Les constructeurs n’ont pas tranché, comme en témoigne la position du constructeur ACC, interrogé par Jeune Afrique: « La production à grande échelle d’une chimie à faible coût (LFP ou LMFP) est actuellement à l’étude. » Il juge donc « prématuré » de répondre de façon ferme et définitive aux questions concernant sa stratégie d’approvisionnement, mais précise bien que le Maroc pourrait faire partie de ses fournisseurs de phosphate, le cas échéant.

« La hausse de la demande pour les LFP s’inscrit dans une conjoncture particulière: il y a eu une augmentation des coûts des matières premières entre 2018 et 2023, rendant les batteries cobalt très onéreuses. Mais il y a toujours de la volatilité », confirme Emmanuel Hache, selon lequel des arbitrages technologiques aussi bien qu’économiques doivent être faits « dans les trois à quatre prochaines années ». Une volatilité dont il craint que les pays producteurs de matériaux ne subissent les conséquences.

Dans les prochaines années, le Cobalt Institute prévoit une forte hausse de la demande en cobalt, qui pourrait s’élever à 388 000 tonnes à l’horizon 2030, alors qu’elle atteignait 213 000 tonnes en 2023. L’année passée, 46 % du cobalt produit était destiné aux batteries pour véhicules électriques. En 2030, cette part devrait passer à 65 %, d’après les estimations de l’institut. Ainsi, la baisse de la demande pour les batteries cobalt n’est donc pas assurée et la RDC devrait conserver sa position de principal producteur, même si son importance dans le mix mondial est susceptible de chuter avec la croissance de la production indonésienne.

Les pays gagnants quoi qu’il en soit

Peu importe l’issue de ce duel, d’autres pays africains fournisseurs de minerais seront très peu concernés.

C’est le cas de l’Afrique du Sud et du Gabon, respectivement premier et deuxième producteur mondial de manganèse, utilisé pour stabiliser les cathodes des batteries. Ce matériau est principalement présent dans les batteries NMC, mais la variante LMFP (lithium-manganèse-fer-phosphate) de la chimie LFP est de plus en plus commercialisée, car elle permet de se rapprocher de l’autonomie des batteries cobalt.

La production des deux leaders du manganèse devrait exploser puisque l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit, dans son scénario de développement durable, que la demande en manganèse pour les voitures électriques sera multipliée par 58 en 2040 par rapport à 2020.

Selon les prévisions de l’AIE, la demande en graphite également sera 19 fois plus importante en 2040 qu’en 2020. Les batteries lithium-ion sont toutes composées de graphite, un minerai indispensable à l’anode de la batterie. La croissance de la demande en graphite profitera certainement à Madagascar et au Mozambique, les plus grands producteurs mondiaux derrière la Chine.

Par ailleurs, la société ACC considère le Gabon comme une potentielle source de manganèse dans l’optique de commercialisation de la chimie LMFP et le Mozambique, la Tanzanie ou Madagascar pour le graphite.

Source: JeuneAfrique

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