les «menaces n’ont pas toujours émané que des groupes de la CPC»

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Africa-PressCentrAfricaine. La délégation conjointe ONU-Union africaine-CEEAC-UE en Centrafrique a rencontré le président Touadéra, les acteurs politiques, religieux et la société civile pour évoquer le processus de paix, deux ans après les accords de Khartoum et cinq mois après l’offensive des rebelles de la Coalition des patriotes pour le changement sur la capitale. Le secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des opérations de maintien de la paix, Jean-Pierre Lacroix, est l’invité de RFI.

Tout d’abord, sur l’objectif de cette mission que vous achevez, c’est-à-dire évaluer le processus de paix. Rappelons qu’à Khartoum en 2019, était signé le treizième accord de paix pour la Centrafrique et que malgré tout, en fin d’année dernière, il y a eu la rébellion de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) qui a failli prendre Bangui. Le gouvernement semble privilégier aujourd’hui l’option militaire. Quelles sont les raisons d’y croire encore ?

Jean-Pierre Lacroix : D’abord, parce qu’il ne faut jamais abandonner et que, si nous le faisions, nous serions complètement en décalage avec nos principes, nos valeurs, nos objectifs. Mais aussi nous trahirions le peuple centrafricain. Cet accord de paix n’était pas parfait, mais il a eu le mérite de créer un cadre politique dans lequel ceux qui l’ont signé se sont engagés pour faire baisser la violence. Et les groupes de la CPC ont violé leur engagement, c’est clair. Tant que ceux qui font le choix de la violence n’abandonnent pas ce choix au profit du dialogue, il y a évidemment une place pour une réponse par la force. Et d’ailleurs la Minusca y a contribué et y contribue. Et elle l’a fait en payant un prix lourd, puisque je le rappelle, plus de dix de nos casques bleus ont été tués par des membres de groupes armés depuis le début de la rébellion de la CPC. Mais nous avons encouragé son excellence le président [Faustin-Archange] Touadéra à promouvoir cette approche de dialogue inclusif avec les forces politiques, et aussi avec ceux des groupes armés qui auront rejeté la violence ou qui ne se sont pas joints à la CPC.

Au sortir de votre rencontre avec le chef de l’État, Faustin-Archange Touadéra, vous avez évoqué des « menaces, de graves incidents ». Est-ce que vous pouvez détailler la teneur de ces incidents ?

Des messages de haine, de désinformation et des manifestations hostiles, manifestement ou clairement manipulées. Ce qui nous gêne, c’est que ces messages de haine, cette désinformation sont parfois véhiculés et organisés par des personnes qui procèdent de la majorité au pouvoir. Et cela est évidemment très gênant.

Comment comprendre qu’aujourd’hui la République centrafricaine fasse appel à des instructeurs russes qui sont, selon le Groupe d’experts des Nations unies sur le mercenariat sont considérés comme des mercenaires, pour repousser les rebelles alors qu’il y a déjà 12 000 casques bleus dans le pays. Est-ce que quelque part, ce n’est pas un échec de la Mission de l’ONU pour la stabilisation en Centrafrique ?

D’abord, il ne nous appartient pas, et nous l’avons dit au président de la République, de porter un jugement ou de faire des préconisations sur les partenariats bilatéraux que choisit un État souverain. Oui, c’est un discours qu’on entend. Maintenant, quand on parle à tous les interlocuteurs que nous avons rencontrés sans exception, tous nous ont dit : nous souhaitons que la Minusca et les autres organisations représentées restent et continuent leurs activités.

Toujours sur les forces paramilitaires russes, elles seraient impliquées aussi dans des entraves à la libre circulation de la Minusca, des fouilles de véhicules, des menaces sur ses représentants, des équipements détruits. Quelle est votre réaction sur cet état de fait ?

C’est vrai que nous avons eu des cas de restriction d’accès, des cas de menaces qui n’ont pas toujours émané que des groupes de la CPC. Il y a eu des cas où effectivement, les forces centrafricaines et partenaires bilatéraux ont été engagées dans ce type d’action. Nous avons partagé nos préoccupations à cet égard avec le président de la République. Et le président de la République s’est engagé à faire en sorte que nous puissions continuer à travailler dans les conditions qui sont indispensables pour que nous puissions faire ce travail.

Le Groupe d’experts des Nations unies sur le mercenariat a documenté de graves violations des droits de l’homme qui auraient été commises par ces paramilitaires.

La Minusca a un mandat de faire rapport sur les allégations de violations de droits de l’homme. Quitte ensuite à ce que les partis intéressés, et notamment l’État hôte, procèdent aux enquêtes nécessaires pour faire toute la lumière sur ces faits allégués et que les responsables, le cas échéant, soient traduits en justice. C’est cela qu’on peut dire sur ce sujet, qui est préoccupant évidemment parce que la population est affectée, elle a beaucoup souffert déjà. Nous pensons toujours à celle-ci dans tout ce que nous faisons, dans tout ce que nos collègues font au quotidien sur le terrain.

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